MAGNUM GÉNÉRATION(S)


Magnum génération(s)

Magnum Génération(s)
Scénario : Jean-David Morvan
Dessin : Arnaud Locquet
Rafael Ortiz
ScieTronc
Couleur : Hiroyuki Ooshima
Éditeur : Caurette
248 pages
Prix : 29,90
Parution :  02 novembre 2022
ISBN 9782382890288

Ce qu’en dit l’éditeur

L’aventure Magnum Photos vous emmène aux quatre coins du monde.

L’agence Magnum Photos a été créée en 1947, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que le photojournalisme était en plein essor. Ses quatre fondateurs ne sont autres que Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, George Rodger et David Seymour qui, conscients de la force du médium photographique pour rendre compte des événements mondiaux, ont voulu permettre aux photographes de garder un contrôle total sur les droits de leurs photos.

Plongez avec nous dans l’aventure Magnum Photos qui vous emmènera aux quatre coins du monde, et vivez l’expérience à travers l’objectif des plus grands photojournalistes du XXe siècle ! « Magnum est une communauté de pensée, une qualité humaine en partage, une curiosité de ce qui se passe dans le monde, un respect de ce qui s’y passe et le désir de le transcrire visuellement« . Henri Cartier-Bresson, cofondateur de l’agence Magnum Photos.

En 2020, j’ai découvert le photographe Stanley Greene, fondateur de l’agence Noor à travers l’album Stanley Greene, une vie à vif scénarisé par JD Morvan et illustré par Tristan Fillaire (éditions Delcourt). Séduite par la narration non linéaire et le procédé scénaristique mêlant judicieusement photos et bande dessinée, je m’étais alors précipitée sur les 4 albums du scénariste réalisés auparavant en collaboration avec Magnum chez Dupuis. Autant dire, que je suis plus que conquise par l’album Magnum Génération(s) paru, cette fois, aux éditions Caurette, qui retrace l’histoire de la création de Magnum et le parcours de ses emblématiques fondateurs Robert Capa, David Seymour, Henri Cartier-Bresson et George Rodger, ces pionniers du photoreportage, sans oublier celle qui en aurait fait partie si le sort n’en avait tristement décidé autrement, Gerda Taro. Jean-David Morvan est toujours aux commandes et cette fois, c’est The Trᴉbe avec Arnaud Locquet, ScieTronc, Rafael Ortiz qui se colle à l’illustration, la couleur étant confiée à Hiroyuki Ooshima.

S’articulant narrativement autour du parcours professionnel des photographes de la première génération et des liens qui les unissent et graphiquement autour de leurs photos, l’album comprend trois parties : le roman graphique de 185 pages qui s’achève en 1947 à la création de l’agence mythique et deux autres parties : un portfolio de 40 pages de photos iconiques de 73 photographes de cette même agence et une postface signée Clara Bouveresse, ces deux parties étant consacrées à la suite de l’histoire.

Le roman graphique

« Il est de tous les conflits, du côté des opprimés et prend tous les risques pour montrer aux spectateurs du monde entier ce qu’ils auraient préféré ne pas voir…

Ne pas savoir.

Voilà la mission qu’il s’est fixée … jusqu’à ce 25 mai 1954. »

© Robert Capa © International Center of Photography/Magnum Photos

Le roman graphique commence avec la mort de Capa, victime d’une mine antipersonnel en Indochine le 25 mai 1954, quelques jours seulement après la mort accidentelle au Pérou d’un autre photographe de l’agence Werner Bischoff. Incrédulité, stupeur, tristesse…

Alors 5 jours plus tard, lors de l’hommage rendu aux deux disparus, ils sont tous là : sa mère, son frère Cornell, les membres de Magnum, les copains et ils se souviennent… C’est à travers leurs voix et leurs regards que l’on va découvrir l’histoire de Robert Capa depuis son départ précipité de Hongrie en 1931 quand il s’appelait encore Endre Ernő Friedmann, son séjour à Berlin et ses premiers pas dans le photojournalisme, son arrivée à Paris en 1933 où, un an plus tard, il fera la connaissance de Gerda Taro…

Capa étant le pivot autour duquel tout s’agence (sans mauvais jeu de mot), à ce fil rouge vont venir s’entremêler d’autres fils, le fil de l’Histoire et de ses conflits, le fil de l’amitié, le fil de l’amour pour nous tisser un récit captivant plein d’humanité.

C’est l’histoire d’une agence

Le 8 novembre 2022, à Paris, présentation de l’album dans les locaux de l’agence Magnum.

Cet album, c’est l’histoire des fondateurs de cette agence dans laquelle on est aujourd’hui. On avait déjà fait quelques albums avec Dupuis en partenariat avec Magnum photos. On avait lancé le projet avec Clément Saccomani qui travaillait ici avant. Je me suis dit :

« J’aime bien la photo, j’aime bien la bd, j’admire les bd sur les photographes » donc je suis allé sur le site de Magnum parce que je ne connaissais personne. J’ai écrit un message à New York et un message à Paris. Deux jours après, j’avais une réponse de Paris. Clément m’a dit de venir. On a travaillé sur le projet avant d’avoir un éditeur. On a lancé le projet en cherchant un éditeur et c’était Dupuis. On est arrivés au bout du contrat avec Dupuis.

Jean-David Morvan, Agence Magnum, 8 novembre 2022

Les 4 albums parus chez Dupuis dans la collection Aire libre

Robert Capa Omaha Beach, 6 juin 1944,

Genèse de cette image mondialement connue et contextualisation dans le vie de son créateur Robert Capa.

Dessin : Dominique Bertail

Henri Cartier-Bresson, Dessau, Allemagne,1945

Une rescapée reconnaît celle qui l’a dénoncée à la gestapo. Henri Cartier-Bresson, alors sur place, capte cet instant
Henri Cartier-Bresson, Allemagne 1945 raconte la genèse de cette photo et retrace le parcours de son auteur.

Dessin : Savoia

Steve McCurry, New York, 11 septembre 2001

Sur les traces de Steve McCurry du World Trade Center à l’Afghanistan à travers entre autres ses portraits mythiques du commandant Massoud ou la jeune Afghane aux yeux verts …

Dessin : Jung Gi Kim

Mohamed Ali, Kinshasa, 1974

« The Rumble in the Jungle »

En vainquant George Foreman le tenant du titre, Mohamed Ali récupère son titre de champion du monde. Ce combat a été immortalisé par Abbas.

Dessin : Rafael Ortiz

L’histoire de la création de l’agence se fera cette fois-ci en partenariat avec les éditions Caurette.

Depuis le début de sa collaboration avec l’agence Magnum, JD Morvan s’est fixé 3 grandes règles : ne jamais recadrer une photo, ne jamais redessiner une photo, ne jamais mettre du texte sur une photo. Dans Magnum génération(s), comme c’était déjà le cas pour Mohamed Ali, Kinshasa 1974 et McCurry, NY 11 septembre 2001 ainsi que l’album consacré à Stanley Greene, la trame du récit se construit autour des photos qui sont intégrées dans la bande dessinée. La photo est l’élément essentiel. La narration graphique est là pour la contextualiser : raconter l’avant et l’après.

Les 4 fantastiques du photoreportage

Magnum génération(s) : on parle de la génération qui a créé Magnum, mais on parle de tous les gens derrière – autrement dit nous même – qui ont grandi avec ces photos, qui ont découvert le monde à travers les yeux des fameux photographes dont on parle et qui n’associent pas forcément toute la connaissance qu’ils ont eu du monde à travers ces photos à l’agence Magnum. L’idée avec cette bande dessinée, ça a été de raconter pas seulement sur un style didactique mais de montrer que derrière, il y avait vraiment des gens, que ces gens avaient des vies incroyables et que ça valait vraiment la peine de raconter leur histoire.

Jean-David Morvan, Agence Magnum, 8 novembre 2022

Il y a le charismatique Capa, bien sûr, toujours au plus près de l’évènement, dont le premier exploit photographique n’est autre qu’une photo volée de Trotski en 1932 à Copenhague. Suivront la couverture de la guerre d’Espagne, le débarquement à Omaha Beach… et puis David « Chim » Seymour (David Szymin de son vrai nom), un des précurseurs du reportage photographique, Henri Cartier-Bresson, le plus artiste des quatre qui a délaissé la caméra utilisée pendant la guerre civile espagnole au profit de son Leica pour témoigner de la libération des camps de prisonniers en Allemagne et enfin le Britannique George Rodger rencontré à Naples pendant la campagne d’Italie qui après avoir photographié le Blitz à Londres, et couvert les combats en Afrique a suivi l’armée anglaise vers l’Allemagne et est entré à ses côtés dans le camp de Bergen Belsen…

© Henri Cartier-Bresson © Fondation Henri Cartier-Bresson/Magnum Photos

Alors bien sûr, il est question des conflits majeurs du siècle dernier mais pas que. C’est aussi une formidable histoire de rencontres et d’amitiés qui nous est contée là. D’ailleurs énormément de scènes se déroulent dans des cafés, notamment le Dôme à Montparnasse, où ils se retrouvent et échangent autour d’un verre, aspirant tous à à une meilleure reconnaissance de leur métier et désireux de voir évoluer leur statut. D’ailleurs c’est dans un café, chez Capoulade, qu’un jour de septembre 1934, il fait la connaissance d’une certaine Gerta Pohorylle, qui prendra plus tard le nom de Gerda Taro …

Gerda Taro, Pygmalion de Robert Capa

Y’avait aussi des amoureux même si ça avait l’air conflictuel entre Gerda Taro qui était la première photoreporter de guerre qui a été tuée sur le terrain pendant la guerre d’Espagne et qui était l’amoureuse de Capa. Je voulais aussi raconter cette histoire même si elle, elle est morte en 37. L’agence a été créée en 47 mais spirituellement elle était quand même à la base de Magnum.

Ils sont partis à la guerre d’Espagne. Ils signaient leurs photos « Capa » tous les deux quand ça passait dans les journaux et elle, elle est morte. Elle s’est fait écraser par un char mais c’est vraiment elle et lui qui ont fait germer cette idée qui est née 10 ans plus tard. Donc c’est un personnage, Gerda, vraiment très important dans l’histoire de la photographie.

Jean-David Morvan, Agence Magnum, 8 novembre 2022

Le grand mérite de cet album, c’est aussi de mettre en lumière la photographe longtemps demeurée dans l’ombre de Capa et de lui redonner ainsi la place qu’elle mérite car si effectivement, elle n’a pas fait partie de l’agence, sans elle il n’y aurait pas eu de Robert Capa. Consciente de son talent, elle va l’inciter à prendre un pseudo, soigner son image et contribuer à son ascension dans le milieu de la presse. En outre, comme l’a si bien dit JD Morvan, c’est chez elle et Capa qu’a germé dès 1937 l’envie de créer une agence gérée par les photographes afin de faire valoir leurs droits.

Magnum Génération(s), une histoire d’émancipation

Avant Magnum, les photographes n’étaient pas propriétaires de leurs photos et étaient à la merci des journaux qui en faisaient ce qu’ils voulaient. Avec la création de l’agence, coopérative autogérée, est née également la création du statut du droit d’auteur pour les photographes. Ils deviennent libres de leur sujet et plus question pour les journaux ou magazines de retoucher, recadrer une photo, d’escamoter ou changer une légende. Ils allaient donner ses lettres de noblesse au photoreportage.

Et puis après, dans le bouquin, il y a aussi les autres générations c’est à dire les photographes qui ont suivi Capa puisque l’idée dès le départ c’était d’engager de nouveaux photographes. Donc ils ont engagé Werner Bischoff qu’on voit au début de la bd qui lui est mort dans les Andes au Pérou dans une voiture mais au fur à mesure les photographes sont arrivés. Ils avaient cet esprit là je pense d’être à la fois dans le même esprit que Capa mais aussi d’avoir chacun une touche personnelle dans leur boulot. C’est ça qui est important c’est pas des clones. Au fur à mesure, chacun a quelque chose à raconter sur le monde donc il y a un regard à chaque fois différent sur le monde.

Jean-David Morvan, Agence Magnum, 8 novembre 2022

La tribu de Jean-David Morvan au service du bédéreportage

On peut dire que cet album est une totale réussite grâce aussi à un formidable travail en équipe et une coopération entre les éditions Caurette, Magnum Photos et la « tribu » du scénariste.

Si Jean-David Morvan est à l’origine et aux manettes du projet, il y a du monde derrière lui, à commencer par Éloïse de la Maison qui a travaillé sur la documentation avec l’agence de Paris surtout ayant ainsi accès à des sources variées : livres, témoignages, bases de données de photographies…

Il y a un mélange de bande dessinée et de photos. Donc au niveau de la doc, il y avait nécessité de trouver de la documentation pour les dessinateurs pour dessiner les personnages, les lieux et toute une vie quotidienne de l’époque de la façon la plus correcte possible mais il y avait aussi la partie « quelles photos ont été prises ? à quel moment ? comment on les intègre dans la narration ?» pour raconter une histoire sans tomber dans le roman photo mais pour les intégrer vraiment à l’histoire et que ça fasse sens. 

Éloïse de la Maison, Agence Magnum, 8 novembre 2022

Sacré challenge pour les dessinateurs de The Trᴉbe ! Il fallait que dessin et photo dialoguent dans la planche. Pari tenu ! Il faut dire que nos dessinateurs se connaissent bien et ont l’habitude de travailler ensemble ce qui rend le tout très cohérent et d’une grande lisibilité. Afin d’intégrer au mieux les photos à la bande dessinée, ils ont opté pour un trait réaliste. Lors de la réalisation d’une planche incluant une photo, les deux storyboarders, Rafael Ortiz et ScieTronc ont toujours eu à cœur de placer d’abord la photo et de composer ensuite autour de celle-ci. Arnaud Locquet s’est chargé des personnages et ScieTronc des décors. La couleur elle est signée Hiroyuki Ooshima.

Hiroyuki Ooshima en dédicace à Magnum le 8 novembre 2022

Quant à la couverture dont l’objectif est de représenter l’idée du photographe chez Magnum en mettant en scène au premier plan un/une photographe portant en bandoulière de nombreux appareils photos de différentes époques, elle est l’œuvre d’Armel Gaulme.

Le Porfolio

Magnum à la base, c’est une coopérative : c’est à dire qu’on entre par cooptation. Dans l’album à la fin, il y a une photo iconique de tous les photographes qui ont été membres chez Magnum en commençant par les premiers dans les années 40. Et aujourd’hui, il y a encore des photographes de Magnum qui y sont – il y a Sessini qui est présent ici qui rentre d’Ukraine et qui retourne en Ukraine – effectivement pour donner à voir aux gens ce qu’ils n’ont pas forcément envie de voir et ce que personne ne montrerait s’ils n’étaient pas là. Ce côté coopératif de l’agence dans lequel on est aujourd’hui poursuit vraiment le travail qui a été démarré dans les années 40 par les fondateurs et c’est ce qu’on voulait montrer aussi : c’est cette continuité même si on s’arrête avec la bande dessinée dans les années 50 il y aurait encore beaucoup de choses à raconter derrière et l’histoire continue.

Jean-Christophe Caurette, Agence Magnum, 8 novembre 2022

Le portefolio est un recueil chronologique de 73 photos accompagnées chacune par l’année, la légende de la photo, le nom du photographe et sa représentation graphique par Rafael Ortiz.

« Rien que du champagne »

Clara Bouveresse, historienne de la photographie, auteure d’ »Histoires de l’agence Magnum – L’art d’être photographe » chez Flammarion avait écrit ce texte pour la préface de Magnum Manifeste paru à l’occasion des 70 ans de Magnum aux éditions Acte Sud.

Il est ici repris en intégralité sur 14 pages et nous raconte l’après : les difficultés, les crises de l’agence, les choix économiques, les compromis, l’adaptation au numérique … et ce qui n’a pas changé : l’esprit Magnum.

Magnum Génération(s) qui, soulignons le, vient d’être couronné du Prix franceinfo 2023 de la bande dessinée d’actualité et de reportage, est un album passionnant qui fera date, indispensable pour tous les passionnés de photographie, d’Histoire et d’histoires mais pas que. Ce n’est que le premier opus de la collaboration Caurette/Magnum photos. D’autres albums suivront centrés probablement chacun sur un photographe. On les attend … une coupe de champagne à la main.

POUR ALLER PLUS LOIN

Sur le site des éditions Caurette

Présentation de l’album et entretien avec JD Morvan

Magnum Génération(s) – Editions Caurette

Sur le site de l’agence Magnum

Magnum Photos 75 Years Online Exhibition

Gallery 1 — Magnum photos (magnumphotos75.com)

On retrouve un grand nombre de photos du portfolio.

Le reportage TV5 monde filmé à l’agence le 8 novembre

Jérôme Sessini nous fait pénétrer dans « la chambre froide » recelant entre autres les tampons des photographes.

Autour de Gerda Taro

Exposition au Musée de la Libération de Paris

Au sortir de la rencontre, on pouvait se rendre au Musée de la Libération de Paris où se tenait précisément une exposition consacrée aux femmes photographes de guerre : Gerda Taro, Lee Miller, Catherine Leroy, Christine Spengler, Françoise Demulder, Susan Meiselas, Carolyn Cole et Anja Niedringhaus.

Un photoreportage de Gerda Taro

Ses photos

Le journal annonçant sa mort

Le catalogue d’exposition

Sa présence dans l’exposition « Elle résiste, elles résistent » consacrée à Madeleine résistante

au FIDD d’Angoulême

Son portrait a été réalisé à l’encre de Chine et aquarelle par Rafael Ortiz.

Un autre grand photographe de guerre

Chronique de l’album

Chronique de Francine VANHEE

Prix franceinfo 2023 de la bande dessinée d’actualité et de reportage


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