Rencontre Charlie Adlard


RENCONTRE AVEC CHARLIE ADLARD

aux Rendez-vous de la bande dessinée d’Amiens

(3 juin 2023)

Qui dit festival de bandes dessinées, dit dédicaces, expos et rencontres. Les Rendez-vous bd d’Amiens n’ont pas dérogé à la règle. Ce fut l’occasion de rencontrer Charlie Adlard, le dessinateur stakhanoviste de Walking Dead et d’aborder l’après Walking Dead.

« Walking Dead » is dead

Le dessinateur britannique a d’abord évoqué la fin du titre qui s’est hissé à la première place des comics indépendants vendus à travers le monde, fin programmée quelques 4 ans auparavant et qui devint réalité avec le numéro 193.

Après quinze ans de bons et loyaux services passés dans l’univers de Robert Kirkman, il lui fallait passer à autre chose. Il aime travailler avec des gens qu’il connaît déjà, alors quand le scénariste Robbie Morrisson avec lequel il avait collaboré pour La mort blanche (Delcourt, 2014) est venu s’installer non loin de chez lui, pendant la pandémie, ils ont écrit et réalisé ensemble « Heretic », une fictionnalisation de Cornelius Agrippa et l’inquisition espagnole en un one shot de 120 pages pas encore publié. Il a également entamé une nouvelle série Damn Them All, une histoire de démons et d’exorcisme écrite par Simon Spurrier (Hellblazer, Coda), qui fut lancée en 2022 aux USA aux éditions BOOM ! Studios.

Altamont : Quatre morts en Californie du Nord

Désireux de quitter le genre horrifique, passionné de rock (il est lui-même batteur), c’est vers Altamont que son regard va se porter et que va germer l’idée d’un récit se déroulant à Altamont dans le cadre de ce festival organisé par les Rolling Stones en 1969 en réponse à Woodstock. Malheureusement, bien loin du « Peace and love », le festival a été émaillé de nombreux actes de violence dont le point culminant n’est autre que la mort d’un spectateur, poignardé à mort part par les Hells Angels qui assuraient un service d’ordre plus que musclé alors que les Stones se produisaient sur scène. À l’instar des meurtres perpétrés par la famille de Charles Manson, ce concert est considéré avec le recul comme marquant la fin de l’utopie des sixties, de la période hippie et du Flower Power.

L’évènement étant américain, c’est naturellement vers des scénaristes anglophones qu’il va se tourner avec l’optique de le sortir sur le marché américain. Le projet n’ayant pu se concrétiser, il a alors contacté Thierry Mornet, responsable éditorial de la branche Comics chez Delcourt qui l’a immédiatement orienté vers Herik Hanna, le scénariste entre autres de Bad Ass, série comics de super-vilains. Il a été conquis par le script de 120 pages réalisé par l’auteur qui avait parfaitement saisi ce qu’il voulait faire. Ils ont alors signé chez Glénat, l’autre maison d’édition qui publie Herik Hanna. D’ailleurs toujours chez Glénat, paraitra début septembre Le Royaume sans nom – Acte 1 premier opus de la série éponyme, un récit anthropomorphique scénarisé par Herik Hanna avec Redec au dessin.

Mais revenons à Altamont.

Vivre l’histoire et l’évènement à travers les yeux de cinq personnages de fiction qui vivent une “véritable” expérience, la réalité historique servant d’arrière plan à une histoire originale tel était le projet de départ de Charlie Adlard. Il lui manquait l’histoire.

Herik Hanna n’a pas son pareil pour camper les personnages et Charlie Adlard adore les dessiner.

Quant aux rocks stars présents dans l’album, que ce soit Hendrix ou Clapton, elles ne sont pas choisies au hasard mais sont en lien avec la personnalité de nos cinq protagonistes représentants d’un microcosme caractérisant les différentes facettes de de la génération hippie.

La rencontre a également été l’occasion de parler technique et découvrir quelques planches en avant-première qu’il s’est fait un plaisir de commenter. Pour sa première incursion dans le domaine de la couleur, il reconnaît que malgré le plaisir éprouvé, c’est tellement chronophage qu’il n’est pas sûr de renouveler l’expérience. Alors qu’il réalisait une planche de Walking Dead en deux à trois heures, là il est passé au rythme d’un jour et demi à deux jours par planche. Il dessine en traditionnel, puis utilise ensuite le numérique notamment pour les trames. Il a profité de cette formidable occasion qui lui a été donnée de dessiner des scènes psychédéliques. Avec leur côté rétro, les trames de points à la Lichtenstein lorgnant vers le pop art propre aux sixties collent bien à l’époque.

Pour les dessins de foule, tels celui qu’on peut voir sur la couverture, Charlie Adlard a utilisé quelques ficelles bien connues des dessinateurs : placer beaucoup d’éléments au premier plan pour dissimuler un peu la foule, obscurcir les 3/4 de la page, dessiner beaucoup de petites têtes en arrière plan. Pour être au plus près de la réalité, il a fait énormément de captures d’écran du documentaire Gimme shelter (1970) qui retrace la tournée américaine des Rolling Stones en novembre et décembre 1969 et notamment au festival d’Altamont. Celui-ci étant en basse résolution, cela lui a permis de mieux s’approprier les images en y instillant par le dessin sa propre personnalité.

Et maintenant, il ne nous reste plus qu’à attendre la sortie de l’album à moins que vous ne soyez fan de rock et décidiez d’aller faire un tour au Cabaret vert cet été …

Texte et photos de Francine VANHEE

POUR ALLER PLUS LOIN

Charlie Adlard au festival Le Cabaret Vert Charleville Mézières du 16 au 20 Août

Au programme : Sortie de l’album en avant-première, expo de planches originales, dédicaces, projection du documentaire Gimme Shelter et rencontre avec Charlie Adlard et Herik Hanna le vendredi 18.

Un aperçu de Charlie Adlard dessinant les personnages d’Altamont


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