Interview Alain Ayroles et Richard Guérineau


Alain Ayroles & Richard Guérineau

à la librairie La Parenthèse

Livre sur la place (09 septembre 2023)

Édition Noir et blanc

Alain Ayroles et Richard Guérineau, bonjour. Nous sommes ravies de vous rencontrer au Livre sur la place à l’occasion de la sortie en avant-première de L’ombre des Lumières.

Le titre, ainsi que l’illustration de la première de couverte sont parlants. On va se retrouver en plein XVIIIe siècle. Quant au sous-titre, L’ennemi du genre humain, à quoi ou à qui fait-il allusion ?

AA : C’est une épithète qui a été associée à Voltaire entre autres, qui est très XVIIIe siècle et qui là, en occurrence, désigne le personnage principal de cette histoire, le chevalier Justin Fleurie de Saint-Sauveur qui un libertin, un séducteur, une sorte de croisement de Casanova, de Valmont avec une pointe de Sade peut-être et qui est un type absolument détestable et odieux dont la principale occupation est de séduire et perdre d’honnêtes femmes et de précipiter des gens dans le malheur, un type atroce, un « ennemi du genre humain ».

RG : Mais pour la fiction, un personnage parfait.

Un vrai méchant, quoi!

AA : Un vrai méchant, mais tellement savoureux à mettre en scène comme le sont souvent les méchants de fiction. On n’aime pas les fréquenter dans la vraie vie mais voilà, les retrouver dans une fiction, c’est toujours un plaisir.

Que ce soit De cape et de crocs, Les Indes fourbes, L’ombre des lumières, vos albums sont truffés de références littéraires tant au niveau du fond que de la forme.

Au delà de la référence évidente aux Liaisons dangereuses, mais pas que – c’est le cas de nombreux romans du XVIIIe siècle – pourquoi avoir choisi une narration épistolaire ? Qu’est-ce que ça apporte au récit ?

AA : Alors, plusieurs choses. D’abord, avant tout, c’était une sorte d’hommage aux Liaisons dangereuses qui est une des sources d’inspiration effectivement de ce récit et parce que ça sonne terriblement XVIIIe siècle parce qu’il y a Les liaisons dangereuses, il y a La Nouvelle Héloïse, il y a beaucoup de romans épistolaires à cette époque-là. C’est très en vogue au XVIIIe siècle. Donc l’idée, c’était de reprendre ce procédé. Et l’autre avantage, c’est que ça permet de multiplier les points de vue, les points de vue des personnages puisque chaque chapitre de l’histoire est composé d’une lettre d’un des protagonistes. Donc on a son point de vue particulier et on a aussi la possibilité d’avoir un peu plus d’introspection, un peu plus de psychologie. Ça offre la possibilité d’entrer un peu plus dans la mentalité, dans la psyché des personnages que simplement des images dialoguées qui sont plus vouées à l’action ou à l’échange.

L’un et l’autre se répondent.

AA : Ça a été une des difficultés pour cette histoire, c’est justement d’arriver à faire se répondre les récitatifs qui sont censés être des extraits de lettres et les dialogues

Le texte est un petit bijou maniant subtilement l’humour à travers les pastiches, l’écriture à double entente et autres clins d’œil. Pensez-vous que ce type d’humour est immédiatement identifiable par le lecteur ?

RG : Ah la grande question ! (rires)

AA : Depuis longtemps, depuis les premiers De Cape et de crocs, j’ai toujours appris à ne pas sous-estimer le lecteur. On avait eu des doutes avec Jean-Luc Masbou quand on a commencé à faire De cape et de crocs. On a eu un doute avant qu’il soit publié; on s’est dit « ça va quand même rebuter des gens : il y a des alexandrins, il y a des références à Molière, aux classiques du XVIIe, c’est très bavard, c’est très pompeux … des tournures alambiquées, beaucoup de dialogues ampoulés : ça va être rébarbatif pour beaucoup de lecteurs ». Et en fait à notre énorme satisfaction et étonnement, les gens en ont redemandé : redemandé de l’alexandrin, redemandé de la belle phrase et donc oui, finalement, on peut offrir quelque chose d’un petit peu relevé et les lecteurs sont heureux de voir qu’on les respecte, tout simplement.

Oui et chacun va prendre ce qu’il veut. Il y a différents niveaux de lecture.

AA : Alors là, par contre, il y a une précaution à prendre : c’est que jamais la référence un petit peu savante ou la tournure un petit peu trop chantournée ne vienne entraver la compréhension du récit. Il faut que ce soit des bonus, il faut que ce soit quelque chose en plus pour le lecteur, pas quelque chose qui le bloque dans sa compréhension. L’idée étant – enfin là je parle de De cape et de crocs parce que ce n’est pas vrai pour L’ombre des lumières – de faire une bande dessinée tout public (rires) qui puisse être lue à divers âges. Disons que L’ombre des lumières est plutôt réservé à un public averti malgré tout.

Le XVIIIe siècle a été une ouverture dans de nombreux domaines dont l’art. Outre la littérature, on trouve dans l’album de nombreuses références à la peinture, la musique et la danse. J’en prends pour exemple la fabuleuse Danse des sauvages.

AA : Alors là je laisse la parole à Richard parce que c’est lui le chorégraphe (rires).

RG : À la décharge d’Alain, Alain m’a dit : Va voir sur YouTube, il y a quelques versions intéressantes des « Indes galantes « de Rameau dont la dernière de Cogitore, Clément Cogitore dont pour le coup, je ne me suis pas vraiment servi parce que c’était quand même trop modernisé.

Un petit peu quand même par rapport aux attitudes, au mouvement.

AA : Oui, alors dans l’esprit de renouer avec la sauvagerie de l’Indien.

RG : Oui parce ce que ce qui est intéressant dans le récit, dans cette scène des Indes fourbes … des Indes FOURBES !!! (Rires)

AA : Je fais dire à un personnage – c’est la comtesse – je lui fais dire Oh les Indes galantes, dansantes… on ne compte plus les versions » Ce qui est vrai, c’est que le succès des Indes galantes de Rameau a été tel à l’époque que des tas de plagiats et de dérivés sont apparus avec les Indes ceci-cela (Rires) et encore aujourd’hui malheureusement même en bande dessinée, il y a eu des méprises.

RG : Oui, absolument. Mais ce qui était intéressant ici, c’est que dans le récit c’est un Indien, un Iroquois. En tout cas, on le prend pour un Iroquois.

AA : Un authentique sauvage d’Amérique !

RG : Un authentique sauvage des Amériques que le Chevalier de Saint-Sauveur a gagné au jeu. Il veut gagner de l’argent avec, enfin il veut en faire quelque chose. Il veut le présenter au roi et donc, il va le faire danser. Il va faire danser ce sauvage sur l’air des sauvages de Rameau. Ce qui était intéressant, c’est que c’était un vrai sauvage, un Indien mais qui arrive dans des postures très précieuses et du coup ça crée un décalage comique et graphiquement, c’est un régal à dessiner.

AA : Comme il l’avait déjà fait dans Entrez dans la danse … C’est quand même un des rares auteurs à avoir fait du butō en bande dessinée.

RG : Oui (Rires)

AA : Donc il avait déjà une expérience dans le domaine de la chorégraphie graphique.

RG : C’est ça, c’est ça. (Rires)

À la façon de certains peintres du XVIIIe, les seconds plans sont extrêmement travaillés et nous dressent un portrait de la société de l’époque : occupations du peuple à la ville et à la campagne, séances de danse et décadence dans les salons aristocratiques. Y a-t-il des peintres qui vous ont inspirés ?

Tous 2 : Alors, il y a Boucher. Il y a tous les peintres connus du XVIIIe : Boucher, Watteau etc…

RG : Ça c’est des incontournables.

AA : Fragonard

RG : Fragonard, oui. Après sur les scènes paysannes, moi par exemple je me suis plus inspiré de peintures du XIXe en revanche parce qu’il y a eu beaucoup de peintures sur la ruralité, sur le monde paysan au XIXe et d’ailleurs à tel point que par moments, Alain me disait « Oh le chapeau-là tu l’as fait un peu trop XIXe » (rires) Voilà, Je me suis pour ces scènes-là inspiré de tout ça

AA : Il y a eu Les cris de Paris aussi

RG : Il y a eu Les cris de Paris aussi. Son nom m’échappe mais c’est un dessinateur de l’époque qui a représenté tous les petits métiers de Paris, quelque chose d’assez fascinant. C’est ce qui me plaisait aussi dans le scénario d’Alain, c’est que comme on parle d’aristocratie, on est chez les nobles, les puissants, qui méprisent totalement ce bas-peuple, qui se bouchent le nez quand ils le côtoient. Je voyais bien qu’Alain voulait montrer ce petit peuple en arrière-plan en permanence, montrer le contraste entre les privilégiés et les pauvres.

AA : De tous côtés, ils sont tout le temps en train de trimer en fait pendant que les autres sont en train de meubler leur oisiveté.

Passons maintenant à la structure de l’album.

Pourquoi un prologue ? Et pourquoi deux parties ?

AA : En fait, cette histoire, elle est à suivre. C’est une trilogie. Il va y avoir trois albums. Mais L’ombre des lumières, c’est un tout : c’est un immense roman, un roman fleuve qui court sur des dizaines d’albums, peut-être. (Rires) En fait, dès le départ, l’idée c’était de commencer par la présentation du personnage et de l’univers avec quelques aventures, une aventure complète en trois tomes. Ensuite, moi j’ai des idées pour peut-être une dizaine d’histoires qui seraient des one shots, qui seraient sous la forme d’un seul album. Et cela court sur tout le XVIIIe, c’est à dire que la première histoire se passe en 1745 mais il y en aurait peut-être même qui se passeraient avant parce que ce n’est pas forcément dans l’ordre chronologique. Et la dernière, on sait quand elle se passe : elle se passe sous la Terreur ; c’est à ce moment-là que meurt le personnage.

Que l’on retrouve dans le prologue déjà.

AA : C’est annoncé, oui. Et la correspondance du Chevalier de Saint- Sauveur que nous avons retrouvée dans un secrétaire à cylindre en marqueterie de palissandre et bois de satin aux multiples compartiments secrets, tiroirs et rabats dans lequel se trouvait toute la correspondance du chevalier nous a permis d’accéder à ces lettres qui a été le matériau principal, pour raconter notre histoire … ou pas (Rires).

RG : C’est-à-dire on ne sait pas si c’est l’œuvre d’un affabulateur ou de …

AA : On ne sait pas. Leur authenticité est sujette à caution. Je recommande à cet égard de lire le mot de l’éditeur, l’avertissement de l’éditeur en préambule de l’ouvrage qui remet un peu les pendules à l’heure même si c’est un peu confus quand même. (Rires)

RG: Moi, c’est ce qui m’a séduit aussi quand Alain m’a parlé de ce projet-là, c’était cette possibilité par la suite donc de faire des one shots et dans chacun de ces one shots on va pouvoir tourner autour d’une grande figure ou d’une espèce de mythe du XVIIIe : La bête du Gévaudan…

AA: La bête du Gévaudan oui. Sans trop déflorer, on peut dire que le chevalier de Saint- Sauveur va croiser la route de la bête du Gévaudan un jour. Mais qui sera la pire bête des deux ? (Rires) Et donc pour terminer sur cette histoire de construction, le début, l’incipit de L’ombre des Lumières, c’est « Laissez-moi commencer par un portrait » parce qu’effectivement cette première partie, c’est le portrait du chevalier : le chevalier dans ses œuvres et le chevalier dans toute sa vilenie, sa malfaisance et aussi son côté brillant et sa superbe. Et la deuxième partie… Après un tout petit intermède sous forme de flashforward ou de prolepse (rires) de cette deuxième partie, de cette splendeur, on va voir un début de déchéance du chevalier rattrapé par sa destinée, rattrapé peut-être par cette justice immanente qui punit ce méchant mais il a de la ressource et la devise de sa maison c’est « Perseverare » … car il ne renonce jamais à faire le mal.

Alors, on parlait de rupture dans le récit. La rupture dans le récit, elle passe aussi par la couleur, par le brusque changement de couleur justement. C’est annoncé à la fin de première partie. On change totalement d’univers et c’est souligné au niveau de la palette. Richard Guérineau, quelle a été votre gestion de la couleur ?

RG : Absolument, ça a été pensé comme ça. Il fallait créer cette rupture, cette coupure au milieu de l’album, entre les deux parties. Et le fait que ce soit un flashforward – on a fait un bond dans le temps de neuf ans – du coup, j’avais toute liberté dans cette scène d’intermède-là. Et comme c’est une scène qui se passe au Canada, dans la forêt … on voit l’apparition d’un Indien. Du coup, je me suis dit « Je vais la traiter différemment techniquement ». Alors j’ai gardé le même principe de noir et blanc rehaussé de lavis mais je l’ai fait à l’aquarelle. J’ai changé d’outil pour avoir un aspect plus brut, un grain de papier, une matière. Et puis après, la couleur : on est passé dans des verts jaunes parce que c’est l’ambiance de la forêt, ambiance qu’on ne retrouve pas ailleurs dans l’album donc c’était vraiment parfait pour faire cette transition.

Et la couleur, vous la faites en numérique ?

RG : La couleur, oui. La couleur est numérique mais en fait comme je travaille du lavis à la main, la superposition des deux permet de donner un aspect plus chaleureux et plus « fait à la main ». entre guillemets. (Rires)

Vous êtes tous deux scénaristes, Alors comment ça s’est passé entre vous ? Qui a fait quoi ? Au niveau du découpage, du storyboard ? Vous y êtes allés à fleurets mouchetés ou … (Rires)

RG : Le problème, c’est qu’Alain dessine aussi (rires) et il dessine bien en plus.

AA : Certains scénarios que je fais sont faits sous forme de storyboards. Ce n’est pas toujours le cas. La première fois que j’ai fait un scénario sans storyboard, c’est pour Les Indes fourbes où j’ai fourni à Juanjo Guarnido du texte pur et c’est ce que j’ai fait aussi avec Richard parce qu’il en avait envie, déjà. Il avait envie de gérer cette partie-là du boulot : il est aussi scénariste à côté.

RG : Et puis les storyboards d’Alain – il m’en a montré des storyboards, avant qu’on démarre – ils sont tellement précis qu’on a l’impression de n’avoir plus rien à faire, quoi. Donc c’est pour ça. Je ne voulais surtout pas qu’il me montre des dessins.

Pour avoir plus de liberté.

RG : Absolument.

AA : On échange beaucoup la-dessus : il y a eu pas mal de réglages, de mises au point à faire parce que ce n’est pas toujours évident. À chaque nouvelle collaboration …

RG : Il y a toujours un temps de réglage, d’adaptation. Et puis après, moi aussi, ça faisait longtemps que j’avais fait beaucoup de bouquins tout seul ou avec des scénaristes qui étaient peu présents finalement. Et là Alain avait vraiment des idées très précises. Il est arrivé avec quelque chose de très très construit. Du coup, j’ai eu du mal à trouver un petit peu ma place au début puis ça s’est fait petit à petit. Et finalement, sur la première partie on va dire, il y a eu les réglages.

AA : Dans les réglages, par exemple, j’ai donné vachement d’indications au début, énormément d’indications sur plein de choses qui se passent à l’arrière plan, partout et dans tous les sens. C’était trop. C’était saturé et il galérait après pour les mettre en scène parce qu’il y avait trop d’infos à faire alors qu’il y avait déjà les textes épistolaires, les dialogues, beaucoup de choses qui se passaient qui étaient déjà assez compliqués à gérer. La marmite débordait. (Rires) Donc du coup, j’ai revu à la baisse et maintenant ça roule assez bien, je pense.

RG : Oui complètement.

Vous avez trouvé votre rythme de croisière;

AA : Oui, c’est ça, c’est beaucoup plus fluide.

RG : Parce qu’au début je ne comprenais pas pourquoi il y avait des planches – pas tout le temps, il y avait des tas de scènes où ça allait tout seul – des planches où je me disais « pourquoi je n’y arrive pas, je ne comprends pas ». Et effectivement, c’est Alain qui m’a dit « ouais non mais je crois que je te donne trop d’infos, je ne les hiérarchise pas dans l’écrit ». Et c’est vrai que je me suis dit « mais oui, en fait, c’est tout bêtement ça, une question de hiérarchisation des infos » et du coup, après, ça a été.

Et puis, il y a le soin apporté à la maquette extrêmement élégante et précieuse dans l’esprit des Lumières. Est-ce vous qui l’avez conçue ?

AA : Oui avec l’aide du graphiste des éditions Delcourt, David Verdugo, qui nous a aidés. Au départ, c’était important de bien travailler parce que c’était le premier tome d’une série, une série qui devait avoir une identité forte graphiquement. Il fallait élaborer une charte graphique dès le départ. D’expérience, on regrette toujours quand, quand on arrive au tome 3, on dit : Ah dommage, on aurait dû … ». Là, il fallait que ce soit dès le départ bien calé et, oui, on a travaillé dans ce sens là, d’avoir quelque chose qui soit à la fois sobre et élégant.

RG : et précieux.

AA : qui soit précieux, mais sobre. C’était la difficulté d’avoir quelque chose qui soit à la fois précieux et sobre parce que même s’il y a du rococo au XVIIIe avec quelques exubérances – il suffit de sortir sur une place de Nancy pour voir que le XVIIIe peut être exubérant (Rires) – l’idée, c’était quand même d’avoir quelque chose d’élégant et sobre en même temps qu’évocateur de cette période.

RG : Ça a demandé beaucoup de temps de réflexion, d’allers et retours aussi, d’échanges.

AA : Un exemple : Aujourd’hui, c’est devenu assez facile grâce au progrès des techniques d’impression d’utiliser des dorures par exemple sur les couvertures et Delcourt nous avait proposé une dorure sur le titre pour avoir ce côté un peu précieux de beau livre ancien. Et on a dit non, pas de dorure, ça ne va pas être dans l’esprit. Il faut qu’on reste dans un esprit épistolaire, c’est-à-dire qu’il faut que ça ait un aspect papier à lettres, un côté correspondance donc il faut qu’il y ait une typo cursive. S’il y a une typo « d’imprimerie » on va dire », il faut qu’elle soit d’époque mais il faut aussi une typo cursive. Donc le nom des auteurs et de l’éditeur, c’est dans une typo cursive pour pouvoir donner quelque chose qui restitue l’esprit de correspondance. Et puis, il y a la texture aussi …

RG : … un grain de papier qui évoque l’épistolaire.

AA : Et donc, la seule fioriture qu’il y ait – tout ça est très sobre, il n’y a pas de dorure – la seule fioriture, la seule concession au clinquant…

RG : (rires) … au gadget, on va dire au gadget de couverture …

AA : … c’est le vernis sélectif, mais il le fallait. C’était une contrainte technique parce qu’il y a une grosse silhouette, la grande silhouette du Chevalier de Saint-Sauveur menaçante et sombre à l’avant-plan donc que Richard a traité sous la forme d’une silhouette noire et techniquement, sans vernis, ce noir aurait pu s’abîmer, devenir très rayable, Et du coup, il se détache et ça vient rajouter un effet, l’effet souhaité, et en plus de ça, ça a la vertu de protéger l’aplat de Richard.

Pouvez-vous choisir une de vous planches préférées et nous en expliquer la raison ?

AA : J’en ai plusieurs mais je sais laquelle … ça sera peut-être la même.

RG : Peut-être … Ah ah non, moi j’hésite. Mais j’aime bien la scène du duel là, la scène du duel à la Barry Lyndon. Mais je crois, dans mes petits coups de cœur, c’est quand même la scène dont on parlait, de transition dans la forêt.

AA : Eh bien voilà, je pensais à celle-là, je pensais à cette page-là : le cliffhanger le plus insupportable de l’histoire de la bande dessinée (rires)!

RG : En plus cliffhanger qui ne verra pas son dénouement tout de suite !

AA : Dans deux albums.

RG : Voilà ! (rires)

Et puis il y a des personnages, on ne sait même pas qui ils sont. Je pense à Madame ***

AA : Eh oui, mystérieuse …

Très mystérieuse.

AA : Mystérieuse correspondante du chevalier.

RG : On ne peut rien dire la-dessus pour le moment.

AA : Non.

Et vous Alain Ayroles?

AA : Pour le choix ? Oui j’étais parti sur celle-là aussi. Il y a beaucoup de morceaux de bravoure graphique dans l’album. Je pense à une qui est particulièrement spectaculaire : L’irruption de l’éléphant dans les jardins de Versailles est particulièrement spectaculaire aussi. Et le passage de la danse. Enfin, il y en a beaucoup.

RG : Après, c’est des scènes quand je lis le scénario écrit, tout de suite je me dis «La scène de l’éléphant : Oh!!! OK, je la garde en tête » parce que je sais que ça va être un truc… , il faut y mettre le paquet. La scène de la danse, c’est pareil. C’est pour ça que j’avais demandé aussi à Alain de m’écrire tout le scénario du premier pour que je puisse avoir une vision globale du récit, ce qui n’est pas le cas sur le deuxième mais sur le deuxième ce n’est pas grave.

AA : Il connaît les personnages, il connaît l’univers, il sait quel est le ton en général.

RG : Puis Alain me raconte au fur à mesure. Il me dit « il va se passer ça après« . D’accord. Mais ce que je veux dire, prenons par exemple la scène de l’éléphant qui arrive assez tard dans l’album : dès le début je peux déjà penser à cette scène-là pendant que je dessine le reste. Donc j’aime bien laisser maturer ces scènes-là en fait. Après, elles sont marquantes parce que je pense que c’est ce fonctionnement-là qui fait qu’on les repère tout de suite.

Et le deuxième tome est prévu pour quand ?

AA : Il est en cours de fabrication.

Déjà !

RG : Oui, on a enchaîné.

AA : Richard a déjà réalisé une quinzaine de pages et les a déjà pratiquement toutes mises en couleur.

RG : Il est prévu en fin d’année 2024. On va essayer de mettre un an entre chaque pour ne pas faire trop attendre le lecteur.

Surtout que là, vous nous laissez sur notre faim…

RG : Ben oui, nous en sommes bien conscients. (Rires)

Eh bien, écoutez, je vous remercie beaucoup tous les deux pour votre disponibilité.

AA : Merci à vous.

RG : Merci à vous.

Et puis je vous souhaite une bonne fin de festival à Nancy.

Interview de Francine VANHEE

POUR ALLER PLUS LOIN

En 2017, le réalisateur Clément Cogitore adapte un extrait des Indes galantes « La danse des sauvages » avec le concours de danseurs de Krump.

En 2019, avec la chorégraphe Bintou Dembélé, il signe la version des Indes Galantes donnée à l’Opéra Bastille.


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