LE PASSAGER DU POLARLYS


Le passager du Polarlys

Le passager du Polarlys
Scénario : José-Louis Bocquet
Dessin : Christian Cailleaux
Éditeur : Dargaud
Collection Simenon, les romans durs
80 pages
Prix : 21,50
Parution : 19 mai 2023
ISBN 9782505112235

Ce qu’en dit l’éditeur

Février 1930. Dans un atelier d’artiste de Montparnasse, une jeune femme est retrouvée morte. Surdose de morphine. Elle s’appelait Marie Baron. Quelques jours plus tard, le cargo mixte Polarlys quitte le port de Hambourg pour l’extrême nord de la Norvège. Voyage de routine, destiné à approvisionner les ports qui jalonnent la côte. Quel rapport entre ces deux événements, distants de plusieurs milliers de kilomètres ? A priori, aucun.
Mais pour le capitaine Petersen, cette traversée ne sera pas comme les autres. Car il a de bonnes raisons de penser que le responsable de la mort de Marie se cache à bord de son navire.
Et quand un conseiller de police est assassiné dans sa cabine, l’ambiance se tend encore plus. Parmi les passagers du Polarlys, sur une mer battue par les vents et dans une atmosphère poisseuse où les faux-semblants règnent en maître, les coupables potentiels ne manquent pas…

Christian Cailleaux et José-Louis Bocquet s’emparent de l’un des premiers « romans durs » de Georges Simenon, cette facette littéraire où, sous le signe du roman noir, le créateur de Maigret met en scène sa propre comédie humaine.

1903, naissance de Georges Simenon. 2023, naissance de la collection « Les romans durs de Simenon » chez Dargaud dirigée par le tandem José-Louis Bocquet/Jean-Luc Fromental. Le passager du Polarlys, huis-clos à l’atmosphère lourde chargée de mystères à bord d’un cargo sillonnant les fjords norvégiens adapté par José-Louis Bocquet et interprété graphiquement par Christion Cailleaux ouvre le bal.

De l’autre côté de la frontière et au-delà

Ce projet de collection d’adaptation des romans durs est né de la rencontre de John Simenon, fils de Georges et d’un roman graphique De l’autre côté de la frontière qui met en scène un écrivain à la frontière mexicaine. Reconnaissant là la fictionnalisation d’un épisode de la vie de son père, séduit par la justesse du propos, désireux depuis longtemps de voir l’œuvre de son père adaptée en bd, il va contacter son scénariste Jean-Luc Fromental, qui lui contactera José-Louis Bocquet : La machine est lancée.

Ils ont alors décidé d’un commun accord d’adapter les romans durs, ceux où Maigret n’apparaît pas qualifiés par Simenon de durs tout simplement parce qu’il les trouvait durs à écrire.

Pour commencer, la collection va comporter huit titres avec en alternance José-Louis-Bocquet et Jean-Luc Fromental au scénario et un dessinateur différent à chaque fois.

Il leur a fallu faire un choix parmi les 117 romans durs produits par Simenon. Ils se sont alors tournés vers les « romans exotiques »

C’est donc José-Louis Bocquet et Christian Cailleaux qui se sont jetés à l’eau avec Le passager du Polarlys, choix judicieux puisque c’est le premier roman dur écrit par Simenon. Publié chez Fayard en 1932, il a raté d’un cheveu le prix Renaudot cette même année. Il faut dire qu’il avait en face de lui un certain Céline et son Voyage au bout de la nuit.

Ce récit romanesque inspiré de son propre voyage effectué à bord du Polarlys en 1930 a d’abord été édité dans le quotidien L’oeuvre sous forme de feuilleton sous le titre de Un crime à bord avant de prendre celui de Quai 17 et ne trouvera son titre définitif qu’à sa publication chez Fayard.

La bande annonce

Cargo de nuit

L’histoire commence à Paris en 1930. Marie Buron, une jeune femme ayant succombé à une overdose est retrouvée morte dans un atelier d’artiste à Montparnasse.

Rideau.

Port de Hambourg, nous voilà embarqués sur le Polarlys, un cargo mixte remontant le long des côtes norvégiennes et approvisionnant les différents ports avec à son bord des passagers et un équipage qui tous semblent dissimuler un passé trouble ou être porteurs de lourds secrets.

C’est alors qu’un meurtre est commis tandis qu’un mystérieux passager demeure introuvable depuis que le cargo a levé l’ancre et que les éléments se déchaînent …

À la barre José-Louis Bocquet

Dans une très intéressante postface, José-Louis Bocquet simenonien patenté – on lui doit d’ailleurs l’édition d’une biographie de Simenon par Francis Lacassin – contextualise Le passager du Polarlys dans la vie et l’œuvre de son auteur.

L’histoire nous est contée du point de vue du capitaine Petersen, alter ego de Simenon quant à sa capacité d’observation au cœur de cette étude de mœurs maritime.

Le roman graphique est très fidèle au roman avec ses récitatifs et dialogues bien choisis si l’on excepte toutefois l’épisode de Montparnasse qui ouvre la bd alors qu’il n’arrive sous forme de flashback qu’au milieu du récit.

Plus que l’intrigue elle-même somme toute basique et son dénouement, tout chez Simenon est question d’atmosphère et de psychologie des personnages.

Le capitaine Petersen
Vriens, le 3e officier
Krull, le soutier

Et c’est là que le dessinateur entre en jeu …

Quand y’a du bateau, y’a du Cailleaux

Le choix de ce grand spécialiste des récits maritimes coulait de source. Pour rappel, son baptême de la mer, c’est à Bernard Giraudeau qu’il le doit lorsqu’il a embarqué avec lui sur le Marie-Jeanne. Cela a donné naissance à deux albums R97 : Les hommes à terre paru en 2008 chez Casterman et réédité en 2020 dans la collection Aire libre aux éditions Dupuis puis Embarqué paru en 2015 chez Futuropolis.

En 2011, ils ont abordé tous deux les rivages de la fiction dans Les longues traversées. En 2018, changement de cap.

Christian Cailleaux rejoint l’expédition Tara Pacific dont l’objectif était de réaliser une étude de la capacité d’adaptation des récifs coralliens face au changement climatique. Il a relaté cette expérience de deux façons : l’une artistique dans Les Cahiers de la mer de Chine : À bord de la goélette scientifique Tara paru dans la collection Cahiers Aire libre chez Dupuis en 2018, l’autre documentaire à travers le dossier Une goutte d’eau dans l’océan paru dans La revue dessinée n° 21 de l’automne de cette même année.

Mais que diable est-il allé faire non pas dans cette galère mais sur ce cargo ?

Ces expériences vécues puis dessinées, il les a mises au service de sa narration graphique sur la base du scénario de José-Louis Bocquet, une continuité dialoguée qui lui laissait une liberté totale.

Le travail à la mine, les effets de matière, le sfumato créé par les estompes traduisent à merveille l’atmosphère brumeuse des fjords. La palette avec ses tons froids, les variations de lumière accentuent le ressenti qu’on peut avoir à naviguer sur ces eaux glacées.

« Je veux traduire l’odeur du métal et celle du mazout, faire sentir la masse énorme du navire malmené par les flots. »

Dessinateur caméléon qui adapte son style au récit, porté par le réalisme poétique à la Prévert de Remorques il utilise ici un trait charbonneux semi-réaliste, faisant du bateau un personnage à part entière mis en valeur par ses cadrages et éclairages.

À l’instar de la jaquette, de magnifiques pleines pages ou cases panoramiques ponctuent le récit mettant en évidence l’immensité du paysage, symbolisant le temps qui passe.

A contrario, l’exiguïté des coursives et des échappées sera traduite par des cases beaucoup plus étroites semblant se refermer sur les personnages admirablement incarnés graphiquement, la belle Katia étant sublimée par le regard que porte sur elle le capitaine Petersen.

Départ en beauté pour cette collection que cette traversée des eaux glacées en compagnie de passagers ambigus à souhait admirablement campés. Atmosphère, atmosphère …

POUR ALLER PLUS LOIN

Sous le crayon de Christian Cailleaux apparait l’image de la belle Katia, puis celle du héros de sa jeunesse (Le même que le mien!). Il nous fait ensuite le pitch de l’album avant de nous parler de ses références.

Faisant partie intégrante du projet conçu par José-Louis Bocquet, Jean-Luc Fromental et John Simenon, une bio graphique couvrant une dizaine d’années de la vie de Simenon, une période-clé, celle d’avant la naissance de Maigret qui lui apportera la célébrité, celle de la jeunesse et de la genèse où l’on retrouve le Polarlys, le vrai …


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