La véritable histoire de Saint-Nicolas

Scénario : Thierry van Hasselt
Dessin : Thierry Van Hasselt
Éditeur : Frémok
Collection Amphigouri
168 pages
Prix : 29,00 €
Parution : 28 septembre 2023
ISBN 9782390220404
Ce qu’en dit l’éditeur
Tremblez, damnés puissants qui saccagez, pillez et nassez le monde des justes, des pauvres et des enfants ! Saint–Nicolas, le patron des gosses, revient, et il n’est pas content !
Saint-Nicolas arrive chaque année le 6 décembre : un vieil homme blanc, un ecclésiastique à barbe blanche dans un bel habit rouge, avec sa mitre et sa crosse… Depuis des générations, il passe par la cheminée et dépose des cadeaux dans les chaussures des enfants sages.
Les enfants belges croient encore en cette histoire ancienne, puisqu’ils peuvent s’asseoir sur les genoux d’un vieil homme postiché au centre commercial du coin… Dans certaines régions de France, en Allemagne et en Hollande, il est attendu aussi. On peut lui envoyer sa liste, se faire prendre en photo avec lui…
La légende originelle du saint patron des enfants est moins lisse : il sauve les enfants de la prédation des hommes, cupides et cannibales…
Dans un monde qui prépare les jeux olympiques mais fuit les feux de forêts, où la police tue des enfants et où un ministre de l’intérieur interdit tout rassemblement pour la justice et l’écologie, l’anachronique bonhomme a-t-il encore quelque chose à offrir aux gosses ?
Oui ! Saint-Nicolas traîne ses bottes sur les routes embouteillées, dans les forêts polluées et les zones sinistrées. Il regarde devant lui. Il arpente l’anthropocène déglinguée, il trottine de la ville à la campagne, d’utopies concrètes en camps de fortune. Partout où il passe les enfants trinquent… qui se soucie d’eux ?
Le vieillard reste calme. Mais ça chauffe sous sa mitre ! Saint-Nick bouillonne et mute… sa colère le métamorphose et nous embarque dans une fable furieuse et vengeresse, rédemptrice, jouissive.
Le saint explosera pour de bon. Des aquarelles acides brûleront comme un grand feu de joie, emportant les palais où fomentent les puissants de ce monde. Que fomentent-ils, ces prédateurs ? Bien des horreurs ! saint Nick va devoir user de ses nombreux pouvoirs…
Thierry Van Hasselt a rencontré Saint-Nicolas alors qu’il était à FranDisco avec le Major S. Se renseignant sur la légende pour mieux comprendre le personnage, il a décidé de lui consacrer un récit entier.
La bonhommie revancharde du bon saint rythme un récit jubilatoire. Nos atypiques héros resteront joyeux et inventifs tout au long de leur périple. Pas un pouce de terrain ne sera cédé au désespoir.
Venez, venez Saint-Nicolas … Aujourd’hui, 6 décembre, c’est la Saint-Nicolas, patron des enfants et des écoliers. En bonne Lorraine qui se respecte, je connais la chanson et sa légende et son histoire n’ont pas de secret pour moi. Du moins c’est ce que je croyais jusqu’à ce que paraisse aux éditions Frémok La véritable histoire de Saint-Nicolas racontée par Thierry Van Hasselt qui nous livre là sa vision singulière et décalée d’un Saint-Nicolas témoin de notre « anthropocène déglinguée »

La légende
Tout le monde n’est pas belge, lorrain ou chti. Alors petit rappel pour ceuxqui ne connaitraient pas ou auraient oublié la légende de Saint-Nicolas.
Il était trois petits enfants
Qui s’en allaient glaner aux champs.
S’en vont au soir chez un boucher.
— Boucher, voudrais-tu nous loger ?
— Entrez, entrez, petits enfants,
Il y a de la place assurément.
Ils n’étaient pas sitôt entrés,
Que le boucher les a tués,
Les a coupés en petits morceaux,
Mis au saloir comme pourceaux.

Saint-Nicolas au bout d’sept ans,
Saint-Nicolas vint dans ce champ.
Il s’en alla chez le boucher :
— Boucher, voudrais-tu me loger ?
— Entrez, entrez, Saint Nicolas,
Il y a d’la place, il n’en manque pas.
Il n’était pas sitôt entré,
Qu’il a demandé à souper.
— Voulez-vous un morceau d’jambon ?
— Je n’en veux pas, il n’est pas bon.
— Voulez-vous un morceau de veau ?
— Je n’en veux pas, il n’est pas beau !
Du p’tit salé je veux avoir ;
Qu’il y a sept ans qu’est dans l’saloir !
Quand le boucher entendit cela,
Hors de sa porte il s’enfuya.
— Boucher, boucher, ne t’enfuis pas,
Repens-toi, Dieu te pardonn’ra.
Saint Nicolas posa trois doigts
Dessus le bord de ce saloir :
Le premier dit : — J’ai bien dormi !
Le second dit : — Et moi aussi !
Et le troisième répondit :
— Je croyais être en paradis ! (texte de Gérard de Nerval, 1842)
Une fable métaphorique
L’album transpose l’histoire dans notre monde actuel. Et quel monde ! Nous retrouvons Saint-Nicolas arpentant seul un monde pollué, dévasté par les inondations, les incendies, devenant ainsi témoin des dérives sociétales et autres catastrophes écologiques, un monde non exempt de violence notamment vis à vis des plus faibles : réfugiés, personnes en situation de précarité à laquelle se joint l’omniprésence et la répression des forces de l’ordre.

Il arrive dans un château où se tient un dîner de gala partagé par des personnalités politiques dont Poutine, Macron, Marine le Pen ainsi que des dirigeants belges.

Horrifié, il se rend compte que la viande qui trône dans son assiette n’est autre qu’un morceau d’enfant. Il se rend aux cuisines, et fidèle à la légende va ressusciter les enfants et les entraîner à sa suite …
Une narration graphique quasi muette
Scénographe, installateur, graphiste et enseignant au Master de bande dessinée de l’ESA Saint-Luc, Thierry Van Hasselt est également fondateur des éditions Frémok, haut lieu de la bande dessinée indépendante expérimentale belge, aimant à faire résonner la bande dessinée avec les autres arts.
Toute la première partie jusqu’à la délivrance des enfants est entièrement muette entrant en pleine adéquation avec le propos. Leur avenir est confisqué par les adultes qui ne leur donnent pas la parole. Leur libération va leur redonner n’ont seulement de l’espoir mais ils vont également commencer à s’exprimer.
« Je, je, je … Nous … Nous sommes … les enfants! »
La narration se fait donc essentiellement par l’image. Avec sa jaquette à la Chris Ware, son grand format, l’album entièrement réalisé à l’aquarelle et au Staedler le plus fin du marché est un très bel objet. Chaque case, pleine page ou double page fourmille de détails et est une porte grande ouverte sur l’imagination et fait jaillir tour à tour émotion ou violence.

« Chaque image est une sorte de petit tableau. J’ai aimé créer avec l’aquarelle des contrastes, avec des ambiances qui sont presque sucrées par moments. Les couleurs sont séduisantes, assez acidulées, et de ça peut sourdre une grande violence. Quand on feuillette le livre, on a n’a pas l’impression d’être dans un univers ‘dark’, sombre. Et quand on s’y plonge, on se rend compte que cette couleur elle est plus irradiée, elle est presque nucléaire, alors que ce que je montre ce sont des images qui viennent directement du réel, ce sont des icônes télévisuelles« .


À l’origine était FranDisco…
« Cher lecteur, nous voici en direct de la « S »Grand Atelier, le centre d’art brut et contemporain installé dans les anciennes casernes des chasseurs ardennais à Vielsam. Si nous nous trouvons actuellement au cœur de l’Ardenne belge, dans ces ateliers de création pour artistes fragilisés par une déficience mentale, c’est pour rencontrer – tenez-vous bien ! – le seul, l’unique, le grand Major S. Urbaniste de génie, créateur démiurge de FranDisco, Saint-Nicologue passionné, il est à l’origine de cette « véritable histoire de Saint-Nicolas »
C’est ainsi que dans sa postface, Thierry Van Hasselt nous convie à un entretien avec l’artiste Marcel Schmitz alias le Major S., celui par qui tout à commencé. La cité de scotch et de carton créée par le Major, l’histoire de ses habitants narrée par l’artiste a pris vie sous le trait de Thierry Van Hasselt dans l’album Vivre à FranDisco en 2016 (Frémok). Saint-Nicolas était l’un des habitants.

Et puis, le Major a imaginé une suite : les aventures des habitants de Frandisco sur la planète 2.
Thierry Van Hasselt a alors pensé que l’aquarelle serait adéquate pour illustrer cette aventure. Ne maîtrisant pas cette technique, il a décidé de s’entraîner en créant une histoire courte à partir de Saint-Nicolas, ce personnage emblématique pour le Major. Mais il s’est pris au jeu. La suite, on la connaît …
Saint-Nicolas, un mutant
Du Saint-Nicolas de la légende, au Nick de Thierry Van Hasselt, en passant par celui du Major S., Saint-Nicolas a subi bien des mutations.

Comment le définir ? Un être hybride au visage humain mais au corps étrange de pantin articulé avec un coffre en lieu et place du torse dont il va sortir les cadeaux qu’il offre non seulement aux enfants sages mais à tous ceux qui ont besoin d’un peu de réconfort. Mais ce n’est là qu’une facette de ses pouvoirs …

La véritable histoire de Saint-Nicolas, métaphore dans laquelle le boucher de la légende cède la place à la déliquescence d’un monde qui ne prend pas en compte l’avenir de ses enfants est un roman graphique engagé d’une folle invention qui s’est vu décerné le prix « Prima Bula » au festival Formula Bula, ce qui est amplement justifié.

POUR ALLER PLUS LOIN
L’expo à la Galerie Martel


Une source d’inspiration
« Avant de commencer, je suis retombé sur le clip de «Nick the Stripper» de The Birthday Party. On y voit un jeune Nick Cave, juste vêtu d’une sorte de lange en tissu, déambuler tel un Christ défoncé dans des ruines, la nuit, en feu. Avec ce son, tellement rugueux et osseux, qui sature l’espace, et cette voix crépusculaire qui semble prêcher depuis l’apocalypse. Nick Cave m’a donné le ton du récit.«

Pour en savoir plus sur Saint-Nicolas
Chronique de Francine VANHEE













