Une expo : L’explosition, une rencontre : Guillaume Singelin
Halle Freyssinet, Amiens
jusqu’au 23 juin 2024


À découvrir aux RDV BD Amiens l’exposition L’Explosition, une rétrospective regroupant une centaine de planches originales, exposition non exhaustive mais immersive dans les univers de The Grocery, P.T.S.D, Loba Loca et Frontier, les quatre œuvres phares de l’invité d’honneur également signataire de la superbe affiche : Guillaume Singelin.

Cette explosition porte bien son nom : planches brûlées au lance-flamme, trouées par des impacts de balles ou explosées par le poing du Tigre de Loba Loca. Qu’on se rassure, il s’agit là de reproductions, bien sûr!



La visite de l’exposition commentée par l’artiste était l’occasion rêvée pour découvrir son processus créatif et son évolution.
La Halle Freyssinet, bel endroit pour une rencontre avec Guillaume Singelin !

Après deux années en école de graphisme à l’EPSAA (Ecole professionnelle supérieure d’arts graphiques) de la ville de Paris et un premier album King David publié chez Casterman sur un scénario d’Antoine Ozanam en 2008, Guillaume Singelin, remarqué par RUN, va intégrer l’équipe de préproduction du long métrage Mutafukaz. Ce sera sa porte d’entrée au Label 619, créé par Run en 2008 initialement édité par Ankama avant de devenir indépendant en 2019 puis de passer aux éditions Rue de Sèvres en 2021. Outre les quatre titres présentés dans l’expo et diverses collaborations, Guillaume Singelin a signé des histoires courtes dans Doggybags, Midnight Tales et LowReader, officie en tant que designer de jeux vidéo et est devenu un des piliers de la collection qu’il co-dirige.
Sa rencontre avec le label 619
« Dans tous mes livres il y a cette quête de trouver sa place dans la société.«
Voilà qui colle parfaitement à la ligne éditoriale de la collection que l’on peut retrouver sur le site du Label 619 :
« Le Label 619, c’est avant tout un état d’esprit, une volonté de proposer des œuvres pop et qualitatives, fun et divertissantes, mais avec un réel propos. C’est une collection à l’esthétique singulière, aux influences multiples et métissées, et aux thématiques modernes. »
Cet amoureux du dessin ainsi qu’il se définit dessine en tradi toujours sur format A4 afin d’être au plus près du rendu pour le lecteur et utilise les outils les plus simples qui soient. Aussi encre-t-il avec un feutre très fin. Son dessin fourmille de détails car ils contribuent à raconter l’histoire.
La simplicité des outils
Un dessin très fouillé
Quant à la couleur au rendu d’aquarelle réalisée numériquement, elle est vecteur d’émotions et créatrice d’atmosphères.
L’autre élément très important pour lui est le gaufrier qu’il veut élégant et auquel il adapte sa mise en scène.
La couleur
L’élégance du gaufrier
The Grocery









Réalisée entre 2011 et 2015, la série The Grocery est née de sa rencontre avec Aurélien Ducoudray qui signe le scénario. S’inspirant et rendant hommage à la série culte « The wire » de David Simon, cette chronique sociale noire et violente met en scène des gamins des rues, un vétéran, un caïd, des associations humanitaires, des politiques … qui tous gravitent autour de l’épicerie d’un quartier de Baltimore.

Outre sa passion pour le dessin et la bd, Guillaume Singelin regarde beaucoup de films et de séries d’animation. Ses personnages sont inspirées graphiquement des mascottes japonaises, ce choix de représentation non réaliste permettant d’exacerber les émotions dans un univers ultraviolent.
Les personnages


L’écriture d’Aurélien Ducoudray étant très théâtrale et ne comportant quasiment que des dialogues sans description de l’univers ni indication de gestuelle, totale liberté a été laissée au dessinateur pour le découpage et la mise en scène.
La collaboration avec Aurélien Ducoudray




P.T.S.D






Nous quittons Baltimore pour une mégalopole asiatique imaginaire mêlant modernité et tradition, sorte de Tokyo fantasmée pour y suivre Jun une ancienne tireuse d’élite retournée à la vie civile. Comme le titre du one shot P.T.S.D (Post traumatic Stress Disorder) l’indique, hantée par ses souvenirs, elle est brisée et laissera éclater sa colère contre les dealers qui profitent des vétérans.
La mégalopole : Un mix entre ses origines et son séjour au Japon
Pour la première fois, Guillaume Singelin oeuvre seul, son scénario tirant ses sources d’inspiration du film The Deer Hunter (Voyage au bout de l’enfer) de Michael Cimino (1978) et du jeu vidéo Metal Gear Solid 3 (2003).
Jun n’est pas sans rappeler Washington, le vétéran de The Grocery mais c’est une thématique qu’il connaît bien et pour son premier projet en solo, c’était rassurant.
Il y est question de solitude, d’entraide ou encore de confiance en soi ou aux autres, de (re)trouver sa place dans la société.
Graphiquement parlant, même si les personnages lorgnent encore un peu du côté du manga avec leurs très grands yeux et un trait très rond entrant en contraste avec la dureté du propos, le dessinateur a tablé sur une morphologie plus réaliste afin de mieux mettre en valeur le corps en mouvement.
Le chara design

Loba Loca






Nous quittons la mégalopole asiatique pour celle californienne de Dark Meat City toute aussi imaginaire pour y suivre la quête identitaire de Guadalupe Mayflower dite Guada. À travers ce roadtrip documenté par les photos de Run seront abordés des thèmes tels que le harcèlement scolaire, l’hypermédiatisation, la télé-réalité, les réseaux sociaux.
L’exposition a reconstitué la salle d’entraînement de Loba Boca qui met en scène l’univers de la lucha libre.





Loba Boca étant un spin-off de Mutafukaz de Run, On va le retrouver au scénario. Si lors d’une précédente collaboration dans Doggybags, il avait fourni au dessinateur un storyboard où tout était décrit de façon ultraprécise, là, il lui confié la mise en scène. Seule une double page où les personnages croisent en voiture d’autres personnages de Mutafukaz a été entièrement storyboardée, Run ayant prévu de reprendre ce crossover entre les deux univers dans sa propre série.
La collaboration avec Run


Commentaire de planches


Recherche de personnages






Frontier





Passé le rideau noir, nous voilà embarqués dans l’univers interstellaire de Frontier. Plongés dans l’obscurité, que viennent juste troubler des jeux de lumière tel ce puits qui semble vouloir nous happer, nous ne pouvons qu’admirer les planches judicieusement éclairées et mises en valeur par la scénographie immersive.









On ne présente plus Frontier cet album de SF unanimement salué par le public et la critique. Multiprimé en 2023 avec notamment le Prix Landerneau BD, le Prix coup de cœur de Quai des bulles à Saint-Malo, le BDGest’Art du meilleur récit court et en 2024 L’éco-fauve à Angoulême, le Prix Imaginales de la bande dessinée des bibliothécaires à Épinal, il est actuellement en lice pour le prix France bleu/Actuabd qui sera remis à … Amiens lors du dernier weekend des Rendez-vous de la BD d’Amiens. Ce serait une belle conclusion à son étape amiénoise.
Une SF pas très éloignée de nous
Ce space opéra aux allures de nouvelle ruée vers l’or met en scène trois personnages emplis d’humanité Ji-Soo la scientifique, Alex le mineur et Camina la mercenaire qui cherchent à trouver leur place dans une société qu’ils souhaiteraient meilleure. Et là ce sont les thèmes du capitalisme à outrance, de la maltraitance des travailleurs, de la destruction des ressources naturelles qui sont abordés.




Graphiquement, il va revenir à un traitement plus cartoonesque des personnages en leur donnant l’apparence de petites poupées ce qui va lui permettre de jouer avec les échelles.

Texte et photos de Francine VANHEE

Pour aller plus loin
Les albums
The Grocery : une série de 4 albums et une intégrale





The Grocery : Before

« Apprenez-en plus sur les cornerboys de Baltimore ! Découvrez : l’atroce histoire de la naissance de Sixteen ; les vacances originales d’Ed, Ted et Ned dans la secte des Davidiens ; comment la grand-mère de Washington et son amie célèbre ont lutté contre la ségrégation raciale ; pourquoi le Rabbi Finkelstein aime tant le pain azyme ; et enfin l’un des plus sombres épisodes de la jeunesse d’Elliott et Sixteen.
En bonus : la première rencontre de Sixteen et Ice, par Run !
5 histoires avec 5 dessinateurs différents pour vous révéler la part d’ombre et de mystère des habitants de ce quartier de Baltimore ! »



Loba Loca : Une série de 6 épisodes de 32 pages et une intégrale










Et après?
Après? C’est une autre histoire avec Mathieu Bablet au scénario …

Chronique de Slum Kids de Petit Rapace,
autre auteur prometteur du Label 616





















































