Expo « Bande dessinée, 1964-2024 »


Le 9ème art a envahi le Centre Pompidou ! Depuis le 29 mai et jusqu’au 4 novembre, l’évènement La BD à tous les étages va se décliner en cinq grandes expositions occupant les différents espaces du Musée. Ce n’est pas la première fois que le musée ouvre ses portes au 9e art. Il l’avait déjà fait pour les expositions Bande dessinée et vie quotidienne en 1997 et Hergé en 2006, sans compter la bpi qui de 2003 à aujourd’hui a mis successivement à l’honneur Reiser, Art Spiegelman, Claire Brétécher, Catherine Meurisse, Riad Sattouf, Chris Ware, Posy Simmonds et aujourd’hui Corto Maltese.

Au niveau 6, la galerie 2 accueille l’exposition « Bande dessinée 1964-2024» qui fait dialoguer entre eux les trois principaux foyers d’expression du neuvième art : la création européenne, les mangas asiatiques et les comics américains.

Elle s’ouvre sur une fresque de Blutch et c’est un grand panneau mural signé Chris Ware qui en marquera la fin.

Les deux commissaires d’exposition Anne Lemonier (attachée de conservation au Musée national d’art moderne) et Emmanuèle Payen (directrice du département développement culturel et cinéma à la bpi, et membre du comité de sélection d’Angoulême depuis trois ans) ont choisi de privilégier non pas un parcours chronologique mais un parcours thématique réparti en 12 espaces, certains convoquant sensations et émotions (rire, effroi, rêve), d’autres étant consacrés aux différentes formes d’expression narratives et graphiques, toutes mettant en lumière la richesse et la diversité du médium.

Sur 1000 m² les visiteurs vont pouvoir découvrir 750 planches originales émanant de 130 artistes dont un quart d’autrices, des storyboards, carnets de dessins, revues, adaptations animées, œuvres numériques, entretiens…

Alors pourquoi 1964 ?

Le choix de l’année 1964 date de la parution de Barbarella, le premier roman graphique, c’est aussi la première fois que l’expression 9e art a été utilisée en France, dans « Spirou » et dans une revue de médecine, et enfin c’est la naissance du mensuel d’avant-garde « Garo », 

explique Thierry Groensteen, historien de la BD et conseiller de l’exposition.

Début des années 60, que ce soit en Europe, aux États-Unis ou au Japon, la bande dessinée jusque là facteur d’évasion et de divertissement principalement destinée à la jeunesse entre dans l’âge adulte par la porte de la contre culture.

Le premier espace, le plus vaste est consacré à la contre culture.

« C’était comme le baiser à Blanche-Neige : les comics underground réveillaient la bande dessinée après le long sommeil dans lequel le « Comics Code » répressif l’avait plongée. Tout à coup, une génération était là et voulait un endroit où publier. On ne savait pas trop comment entrer dans la cour des grands, mais on était libres de s’exprimer. »

Que ce soit en Europe, aux États-Unis ou au Japon, le début des années 60 marque un grand tournant avec notamment l’émergence de revues s’adressant à un public adulte : Hara-Kiri, magazine « bête et méchant » en France, Garo, mensuel d’avant-garde publiant de la bande dessinée d’auteur donnant libre cours aux expériences graphiques et/ou scénaristiques et faisant la part belle à l’écriture introspective et en prise avec le réel au Japon, Zap Comix qui fera de Crumb le chef de file du mouvement underground aux États-Unis.

S’affranchissant des éditeurs traditionnels, promouvant ce qui est interdit, mal vu ou censuré, s ‘inscrivant résolument dans le politiquement incorrect, la bd va attirer un public d’étudiants et de jeunes adultes et devenir le porte drapeau d’une jeunesse contestataire.

L’équipe du mensuel composée de dessinateurs parmi lesquels on compte Fred, Wolinski, Topor, Gébé, Reiser, Willem … pratique la dérision avec un humour décapant tout en jouant avec l’absurde.

Willem (Pays-Bas) Quelques fois par an …, Hara-Kiri n° 86, 1968

Teintés d’érotisme, ils mettent en valeur des héroïnes fantasmatiques avec une esthétique particulière.

Jean-Calaude Forest, Barbarella, 1964

Figure de l’avant-garde française dans les années 1970, associé au mouvement punk, le groupe Bazooka a vu le jour aux ateliers graphiques des Beaux-Arts de Paris. En 78, ils créent « Un regard moderne », mensuel d’actualité contestataire publié par Libération. Au bout de six numéros, la publication sera arrêtée en raison de sa subversivité.

Fujio Akatsuka

Le second espace nous fait pénétrer dans le temple du rire. Bon enfant, absurde, caustique ou corrosif, toutes les formes d’humour y sont représentées.

Sur des cimaises suspendues ou sur les murs, s’étalent les planches des mythiques Franquin, Gotlib, Reiser, Claire Bretécher et sous les pinceaux de Morris et Uderzo les relectures humoristiques de l’histoire de la Gaule et du Far-West de l’immense Goscinny. La génération suivante sera incarnée par Catherine Meurisse, Christophe Blain, Zep

Outre-Atlantique, il y a Harvey Kurtzman, bien sûr le fondateur en 1952 du mythique magazine Mad ainsi que les Peanuts de Charles Schulz et Calvin et Hobbes de Bill Watterson.

Harvey Kurtzman, Hey Look ! , 1948
Bill Watterson, Calvin and Hobbs ,1993

Côté Japon, on retrouvera le célèbre chat-robot Doreamon de Fujiko F. Fujio ainsi que l’univers humoristique de Fujio Akatsuka.

Stéphane Blanquet, La Pythie face aux signes, 2015

La bd d’horreur a vu le jour aux États-Unis dans les années 50. Constituée majoritairement d’adaptations de classiques de la littérature fantastique, elle va s’appuyer également sur les pulps des années 20.

Bernie Wrightson, Frankenstein or the Modern Prometheus, 1977

Le lancement en 1950 par DC comics de The Crypt of Terror va engendrer une vague de bd d’horreur, vague stoppée 4 ans plus tard par la création de la Comics Code Authority, organisation de régulation du contenu des comic books inderdisant violence excessive, sexualité et personnages traditionnels de la littérature d’horreur (vampires, loup-garous, goules et zombies).

Puis au milieu des années 60 l’horreur revient par le biais des magazines Creepy, Eery, Vampirella.

Un peu plus tardivement, en 70 ce sera au tour de DC Comics avec Swamp Thing de l’emblématique Bernie Wrightson puis en 1972 Marvel avec Tomb of Dracula de renouer avec le genre horrifique.

Gene Colan, Tomb of Dracula n° 22, Marvel, 1974

Ensuite l’horreur deviendra un support à la réflexion. Ainsi Walking Dead va étudier les réactions individuelles et collectives lors de situations extrêmes.

Charlie Adlard, The Walking Dead, 2016

Daniel Clowes, Charles Burns ou Emil Ferris créent des bd d’auteur associant horreur et chronique sociale.

Charles Burns, El Borbah,1988
Charles Burns, Black Hole, 1997
Emil Ferris, Ghastly, 2018

Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris dont le tome 2 va paraitre en novembre de cette année est un journal tenu par une petite fille qui aime les monstres et voit sa vie à travers leur prisme.

En quoi mon travail est-il lié à la peur dans la bande dessinée ? On me répète souvent que l’ouvrage est très sombre, mais en réalité, il l’est beaucoup moins que ma vie réelle. À l’âge de six ans, j’avais déjà vu trois personnes mortes, dont deux suicidées. Le Chicago des années 1960 était un monde extrêmement sombre, très éprouvant pour un enfant. Et je pense que le fait d’externaliser la peur dans l’horreur était une façon pour moi de gagner et de comprendre ce qu’est vraiment la distorsion de la peur dans l’esprit humain.

Kazuo Umezz, La main gauche de Dieu, La main droite du Diable
« La langue de la reine araignée », 1987

Dans ce deuxième territoire de l’horreur, le genre a fait son apparition en 1959 avec la série Kitano le repoussant de Shigeru Mizuki mettant en scène un des premiers super-héros morts-vivants du 9e art en mélangeant fantastique, horreur, folklore et comédie.

Shigeru Mizuki, Kitano le repoussant,1968
Shigeru Mizuki, Kitano le repoussant,1966

Viendront ensuite les maîtres de l’horreur tels Kazuo Umezz ou Hideshi Hino avec des variations allant du grotesque au macabre.

Hidoshi Hino (Chine), La fillette de l’enfer,1982
Gou Tanabe, Adaptations de Lovecraft
Suehiro Maruo, Le cri,1988 (en haut) & Vampyre (en bas)

En France, avec notamment Stéphane Blanquet et Ludovic Debeurme, la bd va associer horreur et fantastique ainsi qu’étrangeté du graphisme et atmosphères dérangeantes.

Anke Feuchtenberger, Die Hure H wirft den Handschuh (La Putian P jette le gant), 2007

À partir des années 70 aux États-Unis et au Japon, puis à la fin des années 80 au Québec et en Europe, les récits de rêves deviennent de plus en plus fréquents en raison de l’émergence de l’autobiographie.

Au Canada, Julie Doucet va nous livrer ses rêves à la fois terrifiants et drôlatiques sur la grossesse.

Julie Doucet, Là là, chu tanney là!!! ou le rêve récidiviste, 1995
JC Forest, Barbarella, tome 3 Le Semble-Lune, 1977
David B., Les complots nocturnes, Rêve n° 17, 2005

Dans Les cauchemars de l’amateur, Killoffer plus intéressé par les états modifiés de la conscience que par le rêve proprement dit fait le récit agité de ses insomnies.

Fred en fait le berceau de son univers fantastique, absurde et poétique notamment pour les aventures de Philémon dans lesquelles les lettres de « Océan atlantique » deviennent des îles.

Dans La volupté, Blutch navigue entre réalité, rêve et hallucinations.

La Volupté est une bande dessinée erratique, qui suit un peu la logique du rêve. Déjà enfant, la lecture des albums de Tintin, les scènes de rêve avaient un gros impact sur moi et ça s’est poursuivi par la suite. Ma formation a été marquée par le surréalisme, donc par l’incongru et surtout par le goût de ne pas savoir ce qui va arriver.


La bande dessinée contemporaine investit également de diverses façons le domaine l’intime. Ici dans des récits où les jours s’enchaînent sans que rien ne se passe, elle questionne notre rapport au temps.

Pas de péripéties ici mais exploration de la banalité du quotidien au château de Moulinsart.

Joanna Hellgren (Suède) Frances, Tome 3 , 2012
André Julliard, Le cahier bleu, 1994
André Julliard, Le long voyage de Léna, 2006

Dans La maison nue, Marion Fayolles ancre le récit dans la maison et explore les répercussions du quotidien sur les relations entre les divers membres du foyer.

Marion Fayolles, La maison nue, 2022

Dans Rosalie Blum, Camille Jourdy brise l’aspect routinier de la promenade quotidienne en la faisant prétexte à enquête policière.

Le thème qui revient souvent dans mes histoires, c’est la famille, les histoires de famille, les secrets, les non-dits, les difficultés de communiquer ou, en tout cas, la manière dont les gens arrivent ou non à communiquer plus ou moins bien. C’est souvent des histoires sur le quotidien, avec des personnages ordinaires…

Yoshihiro Tatsumi, Sans titre, 1970

Yō Takita De haut en bas et de gauche à droite : 1. Kiyoshi et sa mère, 1981; 2. Kiyoshi, 1980; 3. Sans titre, 1970
4. On ne sait pas pourquoi, mais Sumeko a 17 ans, entre 1970 et 1975; 5. Mezzanine d’une rue de derrière sous la pluie; 6. Sans titre, 1970
Chris Ware, Building Stories, 2012

Le récit autobiographique est une des composantes majeures de la bd actuelle.

Il est apparu d’abord au Japon puis aux USA avec le mouvement underground et a gagné peu à peu l’Europe. Souvenirs d’enfance, violences intrafamiliales, découverte de la sexualité, douleur du déracinement, relations amoureuses … sont autant de sujets abordés.

Edmond Baudoin, Le chemin de Saint-Jean, 2002

Edmond Baudoin, David B., Alison Bechdel, Dominique Goblet, Fabrice Neaud … nous font entrer dans la sphère de l’intime tout en abordant des questionnements universels autour de l’identité et notre rapport au monde. Aussi, l’écriture de soi ne se limite pas à l’intime, elle dresse également le portrait d’une époque culturelle et politique, d’un monde social et professionnel.

Dominique Goblet (Belgique) , Faire semblant, c’est mentir, 2007
Les couvertures de L’ascension du Haut Mal ©Beaux Arts
David B., L’Ascension du Haut Mal , couverture du tome 1, 2000

Les couvertures des 6 tomes étaient exposées côte à côte, soulignant l’évolution dans le traitement graphique des personnages et de la maladie qui envahit son frère et affecte le cercle familial.

David B., L’ascension du Haut Mal , tome 6, 2003
David B., L’Ascension du Haut Mal

Cet espace situé au centre de l’exposition nous fait pénétrer dans le processus créatif par le biais de la pratique de la couleur ou du noir et blanc. On peut y admirer les carnets de Lorenzo Mattotti, d’Edmond Baudoin ou encore de Joann Sfar.

Quant à la couleur, avec le retour à la couleur directe de Moebius dans Arzach en 1975 et de Nicole Claveloux dans La main verte en 1976, années pop obligent, elle va atteindre le paroxysme de saturation. Tous deux ont été prépubliés dans le mythique Métal Hurlant.

Moebius, Arzach,1975 & Ballade,1977
Nicole Claveloux, La main verte, 1976

Autre grande révolution dans ce domaine : En 1984 Lorenzo Mattotti dans Feux explore le caractère symbolique et émotionnel de la couleur qui va s’opposer avec l’univers glacé d’Enki Bilal.

Enki Bilal, 1. Rendez-vous à Paris, 2006; 2. Partie de chasse, 1982; 3. La femme piège, 1986

Une petite pièce est entièrement consacrée à la suite hommage à Bob Dylan de Matttotti « A Hard Rain’s A-Gonna Fall »,

Et puis il y a les héritiers : Nicolas de Crécy ou encore Brecht Evens qui joue sur les transparences colorées.

Dans les années 80, on assiste à un renouveau de l’esthétique du noir et blanc dans le mensuel (À suivre) sous les pinceaux de Pratt, Muñoz, Comès, Tardi.

José Muñoz, Alack Sinner, 1976
Didier Comès, Silence, 1980

Actuellement, il se déploie dans de nouvelles esthétiques comme celles de Thomas Ott ou Nina Bunjevac qui par de subtiles utilisations de l’ombre et la lumière créent des univers troublants.

Thomas Ott, (Suisse), Cinema Panocticum, 2005
Nina Bunjevac, (Canada), La réparation, 2022
Keizō Miyanishi, Maila, 1970

Le récit mémoriel s’inspirant d’évènements vécus mêle l’histoire individuelle à l’histoire collective, ce qui en fait toute sa puissance et sa richesse.

Dans les trois grands foyers du 9e art Japon, États-Unis, Europe , vont paraitre trois œuvres majeures précurseures de l’écriture de l’histoire mémorielle en bande dessinée : C’était la guerre des tranchées de Tardi, Maus d’Art Spiegelman, Gen d’Hiroshima de Keiji Nakazawa.

Dans C’était la guerre des tranchées paru en 1993, Tardi s’appuie sur le témoignage de son grand-père pour nous livrer l’histoire de soldats broyés par ce qui fut la grande boucherie de la Première Guerre mondiale.

Plus tard, il s’appuiera sur les carnets de son père pour Moi, René Tardi, Prisonnier de Guerre au Stalag II B. (2012-2018)

Dans La guerre d’Alan, Emmanuel Guibert transcrit en bande dessinée les souvenirs de guerre d’un ami Alan Ingram Cope, soldat américain débarqué en Normandie à l’âge de 20 ans.

Dans Maus, publié à partir de 1980, Art Spiegelman part d’entretiens réalisés avec son père juif polonais pour transmettre le récit de la Shoah.

L’exposition lui consacre son propre espace permettant par exemple de découvrir son processus créatif  : esquisses, études préparatoires, premières pages de Prisonner of the hell planet publié en 1973, point de départ de Maus …

Dans Gen d’Hiroshima publié à partir de 1973, Keiji Nakazawa raconte les ravages du bombardement atomique de 1945 qu’il a vécu enfant et ses répercussions.

L’histoire contemporaine trouve aussi sa place dans l’exposition à travers Joe Sacco qui dans une forme proche du reportage journalistique nous livre son expérience dans les territoires palestiniens occupés dans Gaza 56 ou encore Marjane Satrapi qui nous raconte son enfance iranienne pendant la révolution islamique et sa jeunesse en Europe dans Persepolis.

Tardi, Casse-pipe à la Nation (d’après Léo Mallet), 1996 Illustration de couverture

Très en vogue à l’heure actuelle, les adaptions de romans étaient déjà à l’ordre du jour dans les années 70-80. En Italie, Dino Battaglia adapte de façon magistrale des récits de Maupassant, Poe ou Stevenson sublimés par son noir et blanc créateur d’atmosphères.

Le visiteur va découvrir les premières planches d’ Il Golem (1972) d’après Gustav Meyrink, Mademoiselle Fifi (1977) d’après Guy de Maupassant, La chute de la maison Usher (1969) d’après Edgar Allan Poe et L’étrange cas du docteur Jeckyll et Mr Hyde (1974) d’après Robert Louis Stevenson.

En Argentine, Alberto Breccia varie les techniques avec notamment des collages de papiers déchirés colorés pour Le petit chaperon rouge avec toujours en toile de fond son combat contre la dictature militaire.

Le Petit Chaperon Rouge d’après les frères Grimm, 1980
Dracula, librement adapté de Bram Stoker, 1993
Rapport sur les aveugles d’après Héros et tombes d’Ernesto Sábato, 1993

Outre ces deux grands maîtres, on croisera Tardi pour Brouillard au pont de Tolbiac (1981) de Léo Mallet, Luz pour Verbon Subutex (2020) de Virginie Despentes, Rebbecca Dautremer pour Des souris et des hommes (2020) de Steinbeck.

Rébecca Dautremer, Des souris et des hommes, 2020
Luz, Vernon Subutex, 2020

Si beaucoup sont fidèles au roman d’origine, d’autres tels Posy Simmonds avec Gemma Bovery d’après Emma Bovary de Flaubert … ou Winshlush avec son Pinocchio emprunté à Collodi vont détourner l’histoire et la transposer dans un autre univers.

Posy Simmonds, Gemma Bovery, 1997

Arrivée en France dans les années 60 du space opera avec le spectaculaire Lone Sloane de Philippe Druillet, pour ne citer que lui. Puis, 1976 verra la naissance de Métal Hurlant dans lequel signeront les plus grands noms dont Moebius.

Philippe Druillet, Lone Sloane, tome 4 : Gail, 1978

Quelques années plus tôt, en 1952, au Japon, Osamu Tezuka donnait naissance à Astro Boy, ce robot volant au secours des humains pour sauver la Terre.

En pénétrant dans l’espace dédié à l’anticipation, les visiteurs vont découvrir une petite salle avec un écran de 6 mètres de longueur diffusant en intégralité le Metropolis de Tezuka et Akira d’Ōtomo.

Les années 60 aux USA verront l’émergence d’une multitude de nouveaux super-héros qui eux aussi vont voler au secours de l’humanité entrainant dans leur sillon ceux de l’âge d’or qui vont trouver une nouvelle jeunesse.

Jack Kirby, Fantastic Four n° 95, 1970
Illustration de couverture

Années 80, Frank Miller avec The Dark Kight returns, Dave Gibbons et Alan Moore avec les Watchmen renouvelleront les codes du genre en faisant évoluer leurs héros dans un univers plus sombre et plus violent.

Frank Miller, The Dark Knight Returns, 1997
Illustration de couverture

Ville réelle, fantasmée ou du futur, elle est souvent un personnage à part entière.

Will Eisner a fait de l’espace urbain et de la vie des quartiers la composante majeure de ses récits.

Will Eisner, A Contract with God, 1985
Will Eisner, Big City, Tome 4 : Métropole, 1989

Au centre de l’espace dédié à la ville trône la maquette construite par Seth afin de figurer en 3 D l’univers graphique de Clyde Fans.

Seth, Canada, Clyde Fans, 2017

Dans Le Bibendum céleste, Nicolas De Crécy nous livre une vision fantastique d’une « New-York-sur-Loire » peuplée de créatures imaginaires.

« En fait, c’était la naissance de Chicago, qui est un peu la naissance de l’architecture telle qu’on peut la voir aux États-Unis, qui est un mélange de gigantisme et de baroque. Il y a du néo-gothique, il y a plein de mélanges extraordinaires. Et dans ce livre, il y avait plein d’éléments graphiques que je trouvais fascinants et donc que j’ai réintégrés dans cette bande dessinée comme une influence, entre autres, parce que les influences étaient surtout picturales, de plein de sources différentes. Mais, au niveau purement architectural, ça venait de ce livre et de photographies de Berenice Abbott, du début du 20ᵉ siècle sur New York. Et ça se sent un petit peu dans les dessins qui sont exposés, parce qu’on reconnaît une architecture qui est quand même du début du 20ᵉ. »

Nicolas de Crécy, Archi & BD, La ville dessinée , 2010
Nicolas de Crécy, Le Bibendum céleste, tome 3, 2001
À droite, Nicolas de Crécy La Cathédrale Version 2, 2023,
Illustration inédite réalisée pour l’exposition

Et puis bien sûr il y a la fameuse série des Cités obscures de François Schuiten, un univers parallèle au nôtre truffé de références à notre monde notamment sur le plan architectural.

François Schuiten, Les cités obscures, tome 4, 1988
Marc-Antoine Mathieu, Julius Corentin Acquefaques

La géométrie se trouve dans la grammaire même de la bande dessinée : structuration de la planche, composition et liberté par rapport au cadre de la page, de la case.

Yūichi Yokoyama fait passer au premier plan la typographie et les onomatopées qui déterminent la structure de Travaux Publics.

Dans RG, Jochen Gerner revisite les albums de Tintin en détournant les codes du langage et de l’image.

Crépax utilise la ligne, la verticalité, l’horizontalité pour mieux les éclater dans son récit Valentina.

Dans cet espace est projetée La couleur des choses de Martin Panchaud qui n’est que formes géométriques.

Et la visite s’achève sur … Chris Ware

Texte et photos de Francine VANHEE

Entretien mené par Lucas Hureau, conseiller de l’exposition « Bande dessinée, 1964-2024 », en novembre 2023.

Artiste et autrice de bande dessinée alternative, Dominque Goblet signe avec Faire semblant c’est mentir une autobiographie qui est le fruit d’un travail de douze ans, dasn laquelle les strates du temps se voient et se lisent. Elle y raconte des souvenirs fondateurs de son enfance, l’évolution de sa relation avec son père et une histoire d’amour compliquée. Au fil des pages, le style et les techniques graphiques évoluent, d’un dessin à la ligne claire aux jeux d’ombres et de profondeurs avec le crayon gras, en passant par la gravure, l’huile, le collage. Remettant en jeu des notions de vérité, de réalité et de fiction, cette œuvre constitue une expérimentation graphique et narrative.

Entretien mené par Anne Lemonnier, co-commissaire de l’exposition « Bande dessinée, 1964-2024 », en novembre 2023.

Rencontre exclusive avec l’artiste, dont le travail incontournable est montré dans l’exposition événement « Bande dessinée, 1964 – 2024 ».  Par Ingrid Luquet-Gad

En 2012, la Bibliothèque publique d’information lui consacrait une vaste rétrospective. Entretien avec un artiste rare, dont l’œuvre immense est montrée dans l’exposition « Bande dessinée, 1964 – 2024 ».

Propos recueillis par Benoît Mouchart, directeur artistique chargé de la programmation culturelle du festival international de la bande dessinée d’Angoulême

Retour sur le tournant graphique de cette décennie emblématique par Thierry Groensteen, historien de la bande dessinée et conseiller scientifique de l’exposition « Bande dessinée, 1964 – 2024 »*.


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