Proies faciles : Vautours

Scénario : Miguelanxo Prado
Traduction : Éloise De La Maison
Dessin : Miguelanxo Prado
Éditeur : Rue de Sèvres
84 pages
Prix : 20,00 €
Parution : 24 janvier 2024
ISBN 9782810218219
Ce qu’en dit l’éditeur
Février 2017, Irina, une adolescente de 15 ans, est retrouvée morte dans son lit. Les autorités concluent à un suicide, et l’affaire semble rapidement classifiée. L’inspectrice Tabares et son adjoint Sotillo sont en charge de l’affaire, mais ils ne sont cependant pas convaincus par cette théorie. Aussi, lorsqu’ils retrouvent dans la tablette de la jeune fille des photos d’elle nue et un lien avec un mystérieux photographe érotique, l’enquête prend soudainement une tournure glaçante. Miguelanxo Prado, après Proies faciles T1, revient avec un nouveau polar social froid et dur, réalisé avec toute la maestria qui le caractérise.

Dans Proies faciles : Vautours paru en ce début d’année aux éditions Rue de Sèvres le duo d’enquêteurs Olga Tabares et Carlos Sotillo est de retour. Miguelanxo Prado nous plonge cette fois encore dans un polar social d’une profonde noirceur. L’enquête suite à la mort d’Irina, une adolescente de 15 ans les mènera dans l’univers glauque de la pédocriminalité. Un sans faute !
Proie Facile

Elle avait tout pour elle Irina : Non seulement elle était très belle mais c’était aussi une brillante élève, une forte personnalité bien intégrée au collège.
Et pourtant un beau matin de février 2017, ses parents adoptifs font une macabre découverte : Irina git sans vie sur son lit. Suicide ? Tout porte à le croire. Et pourtant … L’inspectrice Tabares et son adjoint Sotillo chargés de constater le décès se posent des questions : Où sont passés le téléphone portable et l’ordinateur de l’adolescente ? Et si suicide il y a, quelles en sont les causes ?

Il décident de pousser un peu plus loin leurs investigations et commencent par interroger son entourage, ses parents d’abord, puis son amie Carla, ses professeurs qui la trouvaient somnolente en cours ces derniers temps alors que Carla, elle, la trouvait étrange « elle croyait faire des trucs sans s’en rendre compte, comme dans un rêve.» À cette occasion, Carla va leur remettre la tablette qu’Irina avait oubliée chez elle la veille de sa mort. Ils vont alors découvrir qu’elle avait fait de nombreuses recherches sur l’amnésie partielle, l’amnésie sélective, la schizophrénie, l’exhibitionnisme, l’hypnose … et avait visité le site de la protection de l’enfance ce qui va les conduire à faire appel à la BIT (Brigade d’investigation technologique) qui, dans un dossier caché, va trouver des photos pornographiques d’Irina nue ainsi qu’un lien avec un photographe professionnel connu pour ses photos érotiques, une « espèce d’Hamilton contemporain » pour lequel elle avait posé lors d’une campagne de mode.
Ce n’est que le début d’une affaire qui va se révéler de plus en plus sordide …


Proies faciles : Des hyènes aux vautours


Au départ, pour Miguelanxo Prado, Proies faciles devait être un one shot. D’ailleurs, il n’était question ni de tome 1 ni du sous-titre « Hyènes », comme le montre la couverture de l’album sorti en 2017. À l’occasion de la sortie de ce deuxième opus consacré aux enquêtes de notre tandem Tabares/Sotillo, le premier – à l’origine en noir en blanc – a bénéficié d’une nouvelle édition en couleur cette fois et Hyènes y est mentionné. À noter que les planches originales ayant été réalisées en acrylique gris sur du Canson gris, la colorisation ne pouvait être faite que numériquement.


Afin d’harmoniser les couvertures des deux opus, la typographie du premier va également changer lors de la réédition de ce dernier.
Dernière modification et pas des moindres : Alors que sur la couverte de Hyènes seule l’inspectrice était présente, pour Vautours ils sont là tous les deux. Le dessinateur trouvant qu’il n’avait pas assez développé la psychologie de nos deux inspecteurs dans le premier opus a eu envie de les mettre en scène dans une nouvelle enquête afin approfondir leur relation.


Au cours du récit, on va également retrouver des personnages secondaires le commissaire bien sûr mais aussi Dany Black le blogueur des « carnets noirs », autre type de hyène ou vautour qui se repaît des affaires sordides et fait du sensationnalisme sur les réseaux sociaux.

D’un scandale à l’autre
D’un album à l’autre, le domaine d’investigation va glisser d’un scandale bancaire – basé sur des faits réels – qui a causé la ruine des petits épargnants souvent retraités, à la pédopornographie. Bien qu’indépendants l’un de l’autre, ces deux polars sociaux ont un dénominateur commun : l’argent dont la convoitise est cause de bien des turpitudes.
Scandale financier, Pédocriminalité, deux fléaux qui gangrènent notre société.
Ce qui ne devait être au départ qu’une enquête de routine va les mener loin dans les méandres des dérives perverses de notre société contemporaine.
La sobriété d’une narration extrêmement bien ficelée
De bout en bout, Miguelanxo Prado nous livre là une intrigue extrêmement bien ficelée aux multiples rebondissements, qui bien qu’entrecroisant plusieurs temporalités est d’une grande fluidité.
Tout en terriblement efficace, il a su éviter l’écueil du voyeurisme malsain dans le scénario comme dans la narration graphique. Dans la première partie du récit, nous allons nous mettre dans les pas des deux policiers et suivre jour après jour l’avancée de l’enquête : interrogatoires et débriefings au commissariat et à l’extérieur, walks and talks jusqu’à l’arrestation des coupables.

Suite à un rebondissement de taille, entremêlant deux temporalités, la seconde partie tout en levant le voile sur la descente aux enfers d’Irina d’une part va d’autre part se concentrer sur les dessous de l’affaire et son côté systémique, tout ce que cela implique, l’économie souterraine générée et la difficulté de traçage de la cryptomonnaie, l’administration de scopolamine ou burundanga, cette drogue puissante extrêmement dangereuse entraînant soumission chimique et perte de mémoire (à l’instar du GHB) jusqu’aux malversations individuelles portant préjudice au système judiciaire… alors que les révélations se succèdent et que nous nous enfonçons de plus en plus dans l’abjection.
Olga et Carlos

L’inspectrice en chef Olga Tabares et son adjoint l’inspecteur Carlos Sotillo, ont le profil même de policiers consciencieux, minutieux et opiniâtres, n’hésitant pas par éthique à contourner la hiérarchie quand les besoins de l’enquête le demandent.

Dans un récit d’une telle noirceur, le lecteur comme les protagonistes ont besoin de pauses pour pouvoir respirer un peu. Lors de moments un peu hors du temps tels une balade en mer ou une visite au planétarium, l’auteur en profitera pour approfondir et faire évoluer les liens qui les unissent. Et puis apportant une dose d’humour, il y a leur antagonisme récurrent concernant la nourriture, elle prenant facilement la mouche, lui s’amusant à la provoquer.

Une narration graphique loin du spectaculaire
Pourquoi la couleur alors que pour le premier opus était en noir en blanc ? Le dessinateur a opté pour la couleur parce qu’il lui semblait que « la lecture aurait été insupportable tant le sujet est sombre ».
Sa technique, le crayonné repassé à la plume puis la couleur directe à l’acrylique très texturée sur papier gris, par la froideur et le côté crépusculaire de la gamme chromatique employée est en parfait adéquation avec la noirceur du propos.

Le dessinateur comme à l’accoutumée a accordé une grande importance au chara design et à l’expressivité des personnages extrêmement bien campés.

Ayant fait des études d’architecture, il a également apporté un soin tout particulier aux décors tant intérieurs qu’extérieurs. Si la ville, une ville portuaire espagnole, n’est pas citée, d’aucuns reconnaîtront des éléments architecturaux dont le palais de justice, la marina, le planétarium la tour d’Hercule d’A Coruña – La Corogne – ville de Galice qui n’est autre que la ville natale du dessinateur. Cependant beaucoup de lieux ayant été inventés ou réinterprétés par le dessinateur sont fictifs.
Références architecturales
La tour d’Hercule


Le palais de justice



La marina


Le planétarium



Une fois l’album refermé, une question se pose : À quand la prochaine enquête ?
POUR ALLER PLUS LOIN
2 autres albums de Miguelanxo Prado que je vous recommande chaudement
Trait de craie, Casterman

« Après avoir essuyé pendant deux jours une tempête, Raul accoste sur un îlot qu’aucune carte ne signale. Un mur couvert de graffitis, un phare désaffecté, une auberge-cantine-buvette tenue par une femme et son étrange fils, des rochers, des goélands et des superstitions, voilà à quoi se résume cette île sans nom. Un autre bateau est à quai. A son bord, Ana, une femme belle et sauvage. Une drôle d’histoire se noue entre Raul et Ana, faite de silences, d’incompréhensions et de rendez-vous manqués. »
Prix des libraires BD 93, Alph-art du meilleur album étranger d’Angoulême 94 et Prix spécial du jury du Festival de Sierre 94.

Ardalén, Casterman

Chamboulée dans sa vie personnelle et professionnelle, Sabela se rend dans un village des montagnes de Galice, sur les traces d’un ami de sa famille. Mais sur place, sa rencontre amicale avec un vieil homme solitaire, Fidel, va bientôt bouleverser les projets de la jeune femme. En dépit de l’hostilité et de la jalousie de certains villageois alentour, l’un et l’autre en viennent rapidement à s’échanger confidences et souvenirs. Leurs récits s’entremêlent et la mémoire impétueuse de Fidel, qui invoque souvent l’univers coloré de Cuba, semble parfois acquérir la texture du réel : l’évocation de sa fiancée d’autrefois Rosalia, de son ami Ramon disparu dans un naufrage, d’une mystérieuse fée qui lui fait écouter la mer dans un coquillage, et jusqu’à ses visions du chant des baleines, qui lui apparaissent parfois à l’orée de la forêt, poussées par le vent…
Premio Nacional del Cómic 2013

La chronique de L’étrange cas Barbora Š., Denoël Graphic

« Mai 2007, République tchèque. Le bug d’un babyphone permet à un homme d’intercepter les images d’un gamin couché sur le sol d’une maison voisine, nu et menotté. La mère de l’enfant est arrêtée, inculpée d’activités pédopornographiques … »
Signé par trois auteurs tchèques, l’album revisite un fait divers authentique, qui a profondément secoué la République Tchèque en 2007.
Chronique de Francine VANHEE


