Interview Sébastien Gnaedig


Interview Sébastien Gnaedig : Les 50 ans de Futuropolis

à la librairie La Parenthèse, Nancy lors du Livre sur la Place

13 septembre 2024

Sébastien Gnaedig bonjour. Nous sommes ravies de vous rencontrer au Livre sur la place et de souffler avec vous les cinquante bougies de Futuropolis, maison d’édition dont vous êtes le directeur éditorial depuis vingt ans. Chaque année, la libraire la Parenthèse met à l’honneur une maison d’édition. Cette année, c’est donc Futuropolis. Vous êtes venu accompagné de quelques-uns de vos auteurs et autrices dont Baru que les Nancéiens connaissent bien et Florence Cestac qui rappelons-le a été cofondatrice de Futuro avec Étienne Robial. Alors avant de parler de votre rôle proprement dit au sein de la maison, pouvez-vous nous dire comment est née Futuropolis et en quoi elle se démarquait des autres maisons d’édition ?

Au départ, c’est une librairie qui a été reprise par Étienne Robial et Florence Cestac en 1972 et puis qui s’est transformée en maison d’édition en 1974 où Étienne Robial et Florence Cestac ont commencé à publier des auteurs du patrimoine français et étranger notamment. Le premier livre qu’ils ont publié est un livre de Calvo, l’auteur de La bête est morte donc et puis ils ont publié un titre inédit de Jacques Tardi La véritable histoire du soldat inconnu. En fait, cette maison est une maison qui quelque part a eu selon moi une très grande importance dans le sens où elle a apporté très vite cette notion d’auteur : mettre en avant l’auteur plutôt que le personnage.

Oui d’ailleurs sur le livre, apparaissait le nom de l’auteur en gros : C’était Tardi, c’était Calvo….

Oui c’est ça. Il n’y avait parfois même que le nom de l’auteur, il n’y avait même pas le  titre du livre. Ce combat, parce que je crois que c’était vraiment un combat pour eux – c’est-à-dire faire reconnaître l’auteur derrière les personnages de bande dessinée – ce combat était mené et a fini par être reconnu finalement par l’ensemble de la profession.

Ensuite, c’est une maison qui très vite a fait la part belle comme je le disais à la création du passé en essayant de republier des œuvres qui étaient parues dans les journaux que ce soit en France ou encore une fois à l’étranger avec la fameuse collection Copyright dont Florence Cestac était la directrice et qui a ressorti ainsi pour le public français les strips de Popeye, de Superman, de Batman, de Zorro, de Terry et les pirates, etc …

Et puis de l’autre côté, leur travail a été de mettre en avant de jeunes auteurs qui débutaient dont ils ont finalement publié les premiers livres, des auteurs qui sont devenus aujourd’hui des auteurs reconnus. Je cite évidemment Jean-Claude Denis, Baru et notamment Edmond Baudoin qui a publié la plupart de ses livres chez eux.

Le départ d’Étienne Robial en 1994 avait créé un vide et Futuropolis a vivoté jusqu’à ce qu’en 2004, date à laquelle vous avez rejoint la maison, elle renaisse de ses cendres. Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter Dupuis pour vous lancer dans cette aventure et quels étaient alors vos objectifs ?

Vous savez, reprendre une maison où finalement, il n’y a plus rien, c’est quelque part redémarrer à zéro. Alors, il y a un passé qui est là, qui est prestigieux, que je connaissais puisque j’étais lecteur et amateur de cette maison d’édition quand elle existait, donc c’était déjà un honneur qu’on me le propose mais c’était surtout aussi pour moi une opportunité. Moi, j’ai travaillé dans différentes maisons : j’ai été responsable des Humanoïdes Associés, j’ai travaillé chez Dupuis comme vous le disiez mais on arrive dans un catalogue qui est vivant; donc les auteurs sont présents, ils sont là avant vous, on doit s’occuper d’eux et vous apportez à la marge une ou deux évolutions. Là, il s’agissait de redémarrer quelque chose et c’est vrai que c’est un défi pour un éditeur de redémarrer quelque chose de cet ordre et puis en fait je ne l’ai pas fait seul. Quand on m’a proposé ça, je suis allé voir les auteurs qui m’étaient le plus chers, les auteurs avec qui je travaillais depuis longtemps en leur disant « Voilà j’ai cette proposition. Il y a 2 solutions : Soit on reste ensemble chez Dupuis ou alors est-ce qu’on ne se lancerait pas dans une nouvelle aventure ? » en sachant que je voyais dans le potentiel de cette relance la possibilité d’élargir la forme des livres à nouveau. On était – je serai très clair – chez Dupuis dans un principe de collection : Aire Libre, Repérages, etc … J’en avais créé deux nouvelles qui s’appelaient Expresso et Empreinte(s) mais n’empêche que nous restions dans une forme qui finalement était standardisée. Futuropolis s’était fait connaître par l’ouverture tous azimuts des formats puisqu’on avait des formats 30×40, des formats à l’italienne, etc … et là, moi je voulais renouer avec ça en essayant d’adapter la forme au fond, en sortant des collections et donc je savais que de toute façon dans les discussions que j’avais régulièrement avec les auteurs comme Etienne Davodeau, Jean-Claude Denis, Baru, et aussi Pascal Rabaté, Bernard Hislaire, Blutch, David B, De Crécy etc … que ces auteurs étaient un petit peu frustrés finalement de se retrouver …

pris dans un carcan…

pris dans un carcan de pagination, de format et que là on allait pouvoir peut-être aller plus loin. Et donc c’est ce pari-là que j’ai pris avec eux. Ils m’ont tous dit oui et ça m’a évidemment conforté dans l’idée d’y aller.

Vous parliez des auteurs mais il y a un autre nom qui revient souvent, c’est celui de Didier Gonord. Vous avez travaillé ensemble aux Humanos, chez Dupuis puis chez Futuropolis. Quel rôle essentiel selon vous joue-t-il au sein de la maison ?

Je pense que Didier Gonord en tant que graphiste, puisqu’il est graphiste, directeur artistique aussi, a révolutionné à son époque l’art de la couverture comme Étienne Robial l’avait fait quelque part à son époque, de manière très différente d’ailleurs. Ils n’ont pas du tout la même approche. L’un est très dans les standards du dogme suisse on va dire avec des choses très, très construites. Didier Gonord est quelqu’un qui ouvre beaucoup plus le look du livre au style du dessin. Mais c’est le premier à mon sens qui a pensé la couverture comme une affiche. Il faut revenir aussi à l’époque. Moi je me souviens d’aux Humanoïdes Associés, quand on a commencé à travailler ensemble en 90, on mettait toujours le titre en haut pour les bacs …

Oui pour qu’on retrouve tout de suite …

Voilà. Et lui avait cette réflexion tout à fait simple qui était de dire que la couverture a une puissance quand elle est en vitrine ou en facing sur les tables. Après, quand elle est dans les bacs, tout le monde s’en moque : c’est le nom de l’auteur ou le titre de la série qu’on recherche. C’est plus important par contre d’imaginer cette couverture comme une affiche de cinéma, comme un appel et lors de la publication d’un livre, lui – comme moi d’ailleurs – a toujours défini son rôle comme étant d’essayer d’amener les gens à prendre le livre sur un étal de librairie. Et après, eh bien c’est le talent, le travail de l’auteur qui touche ou pas ; et là-dessus on s’est toujours entendu parce que je trouve que c’est un œil, c’est quelqu’un qui en feuilletant les livres en cours souvent trouve l’image, souvent trouve l’idée sans forcément les lire d’ailleurs, en feuilletant ; il a un œil graphique qui fait qu’il va ressortir une image et souvent proposer des solutions aux couvertures quand l’auteur n’a pas l’idée évidemment. Souvent l’auteur n’a pas l’idée parce qu’on lui demande de faire la couverture à un moment où il est encore dans la réalisation du livre. On a les délais des commerciaux, de la mise en vente etc… ce qui fait que c’est souvent six mois avant la sortie qu’on doit réaliser la couverture. Et à ce moment-là, souvent l’auteur est tellement immergé dans son livre qu’il n’est pas en fait

qu’il n’a pas assez de recul …

exactement. Et c’est vrai que Didier a été quelqu’un qui a apporté souvent des solutions, des propositions, une force de proposition. Il dessine aussi et donc il a parfois fait des roughs des solutions et moi je suis toujours épaté par ce renouvellement, cette curiosité qu’il peut avoir sur des styles très très différents.

Quelles sont les qualités indispensables que doit posséder un directeur éditorial ? Quelles relations entretenez-vous avec vos auteurs ? Elles semblent assez fortes puisque vous dites vous-même que quand vous avez quitté Dupuis, vous avez emmené vos auteurs…

De toute façon, un éditeur doit être curieux. Il doit être curieux des projets des autres, il doit être à l’écoute. Moi je trouve que le principal travail c’est justement d’essayer de se mettre dans une situation où on reçoit une histoire, on reçoit une proposition d’histoire et on y réagit. Évidemment, ça nous plaît ou ça ne nous plaît pas. Mais quand on est touché par une histoire ou quand c’est un compagnonnage avec un auteur, on finit par connaître cet auteur. Un auteur n’est jamais au top tout le temps. Donc on est là justement pour l’accompagner. Moi je dis toujours que je suis un accompagnateur bienveillant. Un accompagnateur bienveillant, c’est justement de se rendre compte si l’auteur est en difficulté, s’il est en forme, s’il a une bonne idée, si son idée bat un peu de l’aile et essayer de rassurer, de l’aider à construire son histoire et à la suivre au fur à mesure. Ça, c’est le travail de l’éditeur. L’éditeur, c’est vraiment dans le suivi au quotidien et au fur à mesure de la création de l’histoire.

Directeur éditorial, c’est autre chose. Directeur éditorial, c’est construire un catalogue. Moi, c’est aussi pour ça – comme je le disais – que cette proposition de Futuropolis est le projet de ma vie éditoriale même si je ne suis pas le créateur de cette maison mais ça va faire 20 ans maintenant que je m’en occupe. C’est construire un catalogue justement en essayant de fédérer des auteurs parfois très différents les uns des autres mais pour qu’au sein de ce même catalogue, il y ait une cohérence qui se détache. Moi, par exemple, je le reconnais, un de mes modèles, ce n’est pas forcément Futuropolis, c’était (A SUIVRE) [NDLR : La maquette originale de (A SUIVRE) est d’Étienne Robial]. Je trouvais que la revue (A SUIVRE) était pour moi le modèle parfait parce que quand on regarde les auteurs qui sont venus dans (A SUIVRE), eh bien en fait il venaient de tous les horizons, c’est-à-dire qu’il y en a qui venaient évidemment de Charlie, de Pilote mais aussi de Tintin, de Pif …

comme Pratt …

même si il n’y avait aucun sens à ce qu’il soit dans Pif mais enfin il y était. Et on leur proposait une forme nouvelle et la forme d’(A SUIVRE) était très forte : C’était le noir et blanc et les récits au long cours plutôt adultes. Et donc proposer une forme qui était très très marquante à des auteurs aussi différents que Servais, Muñoz, Sampayo, Tardi, Forest ou effectivement Pratt …

Comès …

ou Comès, formidable auteur, eh bien ça donnait une cohérence. Et moi, c’est vrai que j’ai horreur des chapelles. J’ai publié des auteurs qui faisaient de l’heroic fantasy et qui à un certain âge avaient envie par exemple de raconter un récit intimiste ou une histoire personnelle qui leur était arrivée et qui s’inquiétaient un peu de me le présenter en me disant « J’ai fait que des barbares ou autres mais là j’ai envie d’autre chose. » Mais moi, ça ne me gêne pas. Ils m’auraient proposé simplement des barbares, je leur aurais simplement dit non. Mais avoir un auteur qui tend un pouce, s’empare d’une histoire qui peut me toucher, qui est forte, etc … c’est parfait. Ça ne me pose pas de problème à partir du moment où ça correspond. Par contre, effectivement pour moi Futuropolis c’était aussi une maison que j’ai restreint à un certain genre. C’est à dire pas de jeunesse. C’est une maison d’édition adulte. On ne fait pas de genre, pratiquement pas même s’il y a parfois certaines séries qui empruntent un peu le genre de l’anticipation mais pour porter un propos plus adulte et donc à ce moment là je peux tout à fait l’accepter. Peu d’humour. Mais en fait on est un peu aussi le produit des livres qu’on publie et qui amènent des auteurs qui s’y retrouvent. Moi je crois beaucoup à ça d’ailleurs. Je crois beaucoup à ce lien qui se crée entre auteurs et que quand un auteur cherche une maison d’édition, eh bien il va d’abord regarder où sont publiés les auteurs qui l’ont inspiré. Et ça, je vois que ça marche comme ça. Et puis il y a les livres qui marchent et il y a les livres qui ne marchent pas. On a parfois aussi un peu tenté la série même si elle n’était pas de genre et puis aujourd’hui on nous reconnaît beaucoup sur la bande dessinée documentaire, sociétale etc … parce qu’on a en publié comme Joe Sacco, comme Étienne Davodeau, comme Emmanuel Lepage, comme d’autres auteurs qui ont marqué et qui parce qu’ils ont marqué leur époque et leurs confrères eh bien nous amènent d’autres auteurs un peu du même genre. Je dis souvent qu’il y a des livres comme ça qui marquent et moi j’ai eu souvent des auteurs qui me disent après qu’on ait publié – je ne sais pas – par exemple Les ignorants de Davodeau « Ah mais on peut faire ça en bande dessinée ! Et alors moi, ça m’amène telle histoire parce que j’aimerais bien aussi raconter ce qui se passe près de chez moi. Je ne m’autorisais pas à le faire parce que je pensais que ça n’intéresserait personne mais je me rends compte en fait que c’est possible. » Et c’est ainsi, que les programmes se construisent.

Pensez-vous que le fait d’être vous même dessinateur – vous avez signé notamment l’adaptation de Profession du père de Sorj Chalandon en 2018 et plus récemment en 2022 l’album Ulysse Nobody sur un scénario de Mordillat – soit un plus pour votre métier d’éditeur ?

En fait je pense qu’on n’a pas besoin d’être auteur pour être éditeur parce qu’on part là vraiment sur le travail d’écoute. On doit se mette à l’écoute, on doit le lire, on doit être le premier lecteur bienveillant, etc… Je pense que ce que ça m’a apporté de faire, surtout que je suis dessinateur – je ne suis pas le scénariste, je suis le dessinateur donc je passe pas mal de temps à faire – j’ai fait aussi de l’adaptation moi-même donc je pense que ça m’a apporté plus d’empathie encore. Même si je m’en rendais compte, je vois bien que la création n’est pas un long fleuve tranquille. J’en ai vu des auteurs avec des hauts et des bas dans le même livre. Même pour un livre qui est important pour eux, eh bien il y a des moments d’euphorie, puis il y a des moments de panne, il y a des moments de difficulté. C’est une chose de le voir chez les autres, c’est une chose de le ressentir de l’intérieur. Et ça, je peux dire que je suis passé par toutes ces phases qui font qu’aujourd’hui évidemment encore plus qu’hier je pense être peut-être plus bienveillant encore pour ça parce que je comprends les mécanismes en tout cas intérieurs qui sont à l’œuvre dans ces moments-là.

À l’instar d’autres maisons d’édition vous vous êtes lancés en 2021 dans la réédition d’œuvres phares au format poche. 12 titres sont actuellement disponibles. Pourquoi ce choix de format ? Comment s’opère la sélection ?

On essaie toujours de trouver une manière de faire vivre les titres de fonds. Avec le nombre de titres qui sortent par an maintenant qui est énorme on se rend bien compte et c’est normal – bon évidemment quand on va à La Parenthèse qui est une librairie extrêmement impressionnante dans sa taille il y a un fonds extraordinaire mais tous les libraires n’ont pas cette superficie et donc les titres de fonds disparaissent assez vite. Et donc à part les choix des libraires évidemment qui font leur sélection, eh bien ça tourne, on va dire. Et en plus, sur les tables elles-mêmes de nouveautés ça tourne très vite et l’idée c’est toujours de se dire quelle est la deuxième vie. Alors en littérature, le poche s’est imposé évidemment comme le vrai marché quelque part et on essaie, voilà. La problématique du poche pour la bande dessinée, c’est la réduction des planches et donc de la taille du lettrage. Et honnêtement, pour moi, il y a deux critères : l’un est que le dessin supporte la réduction parce que parfois la réduction est trop forte et tue le dessin et l’autre, c’est la lisibilité des textes. Voilà tout simplement. Après, forcément on prend des titres importants du fonds mais encore que nous, dans les titres qu’on a réédités, il y a des titres qui étaient épuisés dans leur forme première. Par exemple je pense au très beau Sang Noir de Jean-Luc Loyer qui parle de cette catastrophe minière dans le Nord. Ça nous embêtait que ce titre soit épuisé donc ça nous a permis de le ressortir et en plus dans un prix plus démocratique qui je l’avoue était plus en adéquation aussi pour les gens qui avaient envie de l’acheter mais qui trouvaient peut-être que mettre 20 € dans un livre comme celui-ci était un peu dur.

Programme anniversaire des 50 ans, masterclass … quelles sont les différentes manifestations organisées à l’occasion de cet anniversaire ?

Justement on parlait de la mémoire qui passe et je me suis dit 50 ans, c’est 50 ans de la bande dessinée et la bande dessinée s’est réinventée en 50 ans. Elle a complètement changé – ça n’a plus rien à voir – avec notamment ce développement de la bande dessinée adulte. Et moi, je me suis dit Futuropolis étant une des maisons qui a marqué cette histoire-là et ces jalons-là, c’est intéressant à travers son histoire de raconter cette évolution et de faire revivre certains noms, certains auteurs un peu oubliés. Vous savez – il n’est pas chez Futuropolis mais vous parliez de Comès qui est malheureusement décédé il y a quelques années – eh bien honnêtement quand on cite son nom aujourd’hui pour de jeunes libraires, il y en a beaucoup qui ne savent pas du tout qui c’est. Et on le voit avec un certain nombre d’auteurs qui ont marqué l’histoire mais qui sont oubliés aujourd’hui. Et je vois bien avec certains plus jeunes lecteurs ou lectrices qu’on a l’impression que la bande dessinée adulte s’est révélée avec Joann Sfar, Riad Sattouf ou Manu Larcenet. Or, on a envie quand même de revenir à la génération de Baru, de Florence Cestac, de Jean-Claude Denis, de Muñoz, Sampayo, de Comès qui ont marqué cette histoire et qui sont un peu oubliés. Donc l’idée était de profiter de certains salons, de certaines manifestations pour faire des conférences. Je suis ravi d’ailleurs de pouvoir en faire avec Florence Cestac la co-fondatrice des éditions mais aussi avec Baru mais aussi Edmond Baudoin, Benjamin Flao, David Prudhomme, Étienne Davodeau ou Emmanuel Lepage pour revenir un peu sur ces années, parler de ce qu’est la bande dessinée, cette trajectoire là pour un public de professionnels – ça nous est arrivé pour des libraires, des bibliothécaires – mais aussi pour un public comme aujourd’hui. Aujourd’hui, nous l’avons fait au Livre sur la Place. Et d’ailleurs il y avait beaucoup de monde. On pouvait s’en réjouir. Et je crois que c’est une manière quand même justement de rappeler ce parcours, de rappeler que moi j’existe, je suis là en tant qu’éditeur, j’ai pu relancer Futuropolis parce qu’avant moi, il y a eu Étienne Robial, Florence Cestac, Baru, Tardi et des gens qui ont œuvré et on fait de cette maison et de la bande dessinée en général quelque chose dont aujourd’hui je suis l’héritier.

Les soixante autrices et auteurs édités cette année (dont quatorze le sont pour la première fois) présentent le titre qui les a le plus marqué de la maison d’édition.

Oui, c’était chouette ça.

Et vous, quel est le vôtre ?

C’est difficile. Pour moi, c’est difficile. Je ne suis pas le seul éditeur chez Futuropolis. Il y a eu Claude Gendrot qui vient de partir à la retraite qui était l’éditeur de Gibrat, Emmanuel Lepage …

qui est remplacé par une femme je crois

par une femme Marie-Agnès Le Roux qui nous a rejoints et je m’en réjouis parce que la bande dessinée s’est beaucoup ouverte aussi aussi bien aux autrices qu’aux lectrices et je pense que c’est un grand bien car ça apporte énormément de choses positives. Il y a Alain David aussi, le cofondateur de Rackham qui est l’éditeur de Joe Sacco, de Troubs, de Luz etc… Et donc pour moi, c’est assez difficile parce que des livres dont je me suis occupé m’ont énormément marqué comme Les petits ruisseaux comme le Rébétiko, comme Au pied des étoiles dont je n’étais pas l’éditeur mais qui est un livre que je trouve absolument formidable.

Après je peux évidemment citer que quand moi j’étais jeune un des livres qui m’a marqué c’est Edmond Baudoin Couma acó par exemple qui est justement, on s’en rend compte aujourd’hui, certainement en France le père de la bande dessinée autobiographique. C’est clair. Alors Baru l’a portée aussi à sa manière mais il trouve des petits biais quand même. Mais Edmond, quand il raconte l’histoire de son grand-père… Eh bien ça a été un livre qui moi jeune m’a énormément marqué parce que ben oui on pouvait raconter ça ; on peut raconter l’histoire d’un homme semi-clochard qui vit dans un petit village du sud de la France et à sa manière il le rend extraordinaire. Et ça c’est des choses qui me touchent beaucoup aujourd’hui parce que je pense que la bande dessinée est faite pour ça.

Eh bien je crois qu’on va terminer là-dessus. Merci beaucoup de nous avoir accordé un peu de votre temps.

Avec plaisir

Bon anniversaire à Futuropolis et bon festival au Livre sur la place !

Interview de Francine VANHEE

POUR ALLER PLUS LOIN

Le narrateur, Sorj Chalandon lui-même, est journaliste. En mai 1987, il est envoyé par son journal à Lyon pour suivre le procès du nazi Klaus Barbie, accusé de crimes contre l’humanité. Peu de temps avant que ne débute le procès, il se rend à Izieu : le 6 avril 1944, quarante-quatre enfants et sept adultes, tous Juifs, furent arrachés de leur maison par Klaus Barbie et ses chiens. Ils furent conduits dans le camp d’internement de Drancy, puis déportés à Auschwitz-Birkenau.
Le narrateur aurait voulu que son père soit avec lui à Izieu, pour l’aider à comprendre. À comprendre ce qui avait poussé son père, en novembre 1942, à rejoindre les Allemands plutôt que les combattre. À comprendre pourquoi il était devenu un traître… À comprendre pourquoi lui, son fils, était un « enfant de salaud »…

Parallèlement au procès Barbie, le narrateur cherche intensément la vérité sur son père. Il récupère le dossier pénal de celui-ci, et se met à l’éplucher. Dès lors, ce n’est pas un procès qui s’ouvre, mais deux. L’un intime, l’autre universel…

« Enfant de salaud n’est pas la suite de Profession du père, mais son prolongement. C’est en quelque sorte le dénouement de toute une vie : celle de l’enfant devenu journaliste pour comprendre, pour chercher la vérité. Pour qu’on arrête de me mentir. » Sorj Chalandon

Le sens de la narration graphique de Sébastien Gnaedig s’allie aux couleurs magnifiques d’Isabelle Merlet. Un récit poignant qui croise la grande et la petite histoire.


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