La collection les cahiers de la bande desssinée
Il y a un an, les éditions Glénat lançaient une nouvelle collection : les cahiers de la bande dessinée du nom de la fameuse revue créée par Jacques Glénat quelque cinquante ans plus tôt.
Trois ouvrages sont parus à ce jour.



De Stroumpf aux Cahiers de la bande dessinée
Baptisé Schtroumpf à sa naissance en 1969, ce fanzine créé par le tout jeune Jacques Glénat – On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans – prendra ensuite le nom de Schtroumpf, Les Cahiers de la bande dessinée, puis Les Cahiers de la bande dessinée, puis Les Cahiers de la BD avant de disparaître en 1990 de la maison Glénat … Chaque numéro de cette revue bimestrielle était consacré à un auteur à travers une étude approfondie de son œuvre et sa carrière. La version actuelle de la revue trimestrielle de Les Cahiers de la bande dessinée née en 2017 sous l’impulsion de Vincent Bernière, le rédacteur en chef des hors-séries BD de Beaux-Arts Magazine a quitté le giron de la maison Glénat.



Sous la houlette de Christelle-Pissavy-Yvernault
Libraire reconvertie dans la recherche en histoire de la bande dessinée, Christelle Pissavy-Yvernaut s’est penchée seule ou en binôme avec son mari Bertrand Pissavy-Yvernault sur le patrimoine des éditions Dupuis. On lui doit notamment de nombreux ouvrages de référence d’entretiens ou monographiques sur la bande dessinée belge, des introductions d’intégrales et le monumental triptyque La véritable histoire de Spirou dont deux volumes sont parus à ce jour.
Désirant élargir son horizon c’est aux éditions Glénat qu’elle va proposer ce projet de collection les cahiers de la bande dessinée pour tirer la substantifique moelle de la bande dessinée à travers des volumes consacrés aux autrices et auteurs de la maison Glénat : monographies, livres d’entretiens, ouvrages dans lesquels une autrice, un auteur prend la parole pour parler de son art, artbooks.
Qui de mieux que Christelle Pissavy-Yvernault, la directrice de la collection pour nous la présenter ?
Extrait de l’interview réalisée en novembre 2024 à bd BOUM Blois
Comment est née cette collection ? De quels types d’ouvrages va-t-elle être constituée et quel est votre rôle au sein de cette collection ?
Cette collection est née de l’envie de faire des ouvrages qui allaient au-delà de l’histoire du Journal de Spirou dans laquelle avec Bertrand on baigne depuis une quinzaine d’années. J’avais ces contacts avec la maison Glénat. Il y avait une légitimité à leur proposer cette collection à cause justement de l’histoire de Jacques Glénat qui comme tout le monde sait a commencé à 16 ans avec les Cahiers de la bande dessinée qui était un fanzine de référence que Bertrand et moi avons beaucoup étudié parce qu’ils avaient en leur temps interviewé des auteurs comme Greg, Goscinny, Godard, Forest …




Tous les grands de l’époque …
Oui les grands de l’époque et c’est un casting fabuleux vraiment et une source de documentation. Il y avait à chaque fois des articles sur les auteurs, c’était vraiment une revue d’étude très intéressante, très sérieuse même si toute cette équipe était bénévole. Ce n’étaient que des passionnés, c’étaient des pionniers de l’époque. Aujourd’hui, c’est vrai que les cahiers de la bande dessinée, ça existe sous forme de revue Les cahiers de la BD mais nous on s’est inscrit vraiment dans l’héritage du fanzine qui s’appelait à l’époque Les cahiers de la bande dessinée et c’est pour ça d’ailleurs qu’on a repris le même logo, la même typographie et que l’on reste dans cet esprit-là. Et ce que j’ai proposé aux éditions Glénat, c’était justement d’abord d’étudier leur catalogue parce qu’ils ont travaillé avec de grands auteurs, ils ont des séries phares. Au fil du temps, ils ont une histoire et aussi une histoire éditoriale remarquable. Donc l’idée, c’était de valoriser cette histoire-là, ces auteurs-là et d’ouvrir à la bande dessinée parce que chez Glénat, il y a un vrai amour de la bande dessinée en tant que telle. J’ai pu l’observer. Il y a une écoute particulière, une oreille pour tout ce qui touche au métier de la bande dessinée et c’est pour ça que par exemple, le livre de Frank Pé a pu paraître. Quand Frank Pé me l’avait donné à lire, j’avais trouvé ça passionnant. Ce n’était que la première mouture, il y en a eu quelques autres depuis. C’était la première fois que je lisais un auteur qui parlait avec autant de sincérité et de passion de son métier, pas de sa carrière, mais de son métier. Et puis il a un univers singulier qui est le sien, plein d’emphase, plein de réflexion, de passion, de partis pris aussi très tranchés et voilà il n’y avait que cette collection qui pouvait accueillir ce type de parole et ça ouvre des portes justement.
Oui parce que je suppose que vous aurez d’autres dessinateurs ou scénaristes qui vont aussi peut-être participer à cette collection.
Oui. On a très envie justement. Au-delà de ces livres sur les auteurs de la maison Glénat que nous allons publier au fil du temps, des livres d’entretiens etc, il faudra faire une place aussi aux auteurs qui veulent prendre la parole pour parler de leur métier. Les auteurs de bande dessinée, ce ne sont pas que des dessinateurs, ce sont des scénaristes, ce sont des coloristes. On veut créer des débats, que cette collection soit un lieu de réflexion, de culture, de nourriture que le lecteur autant que les auteurs puissent se nourrir de ce qu’est la bande dessinée.
Donc à la limite, il y aurait en gros trois types d’ouvrages : des monographies, des entretiens et d’autres ouvrages où les auteurs prendraient la parole.
Oui et plus encore. Là, on prépare pour l’année prochaine un artbook sur Peter Pan.
Une quatrième catégorie donc …
Mais il ne s’agit pas d’en faire trop. On veut être sélectif parce que ces ouvrages-là prennent du temps, c’est chronophage. On veut bien les faire, on ne veut pas que ça prenne des dimensions industrielles. D’ailleurs il y a une petite mention en ouverture de chaque livre qui précise ça : par exemple, « Franquin et moi » est le deuxième titre de la collection les cahiers de la bande dessinée. Donc on veut vraiment que chacun s’inscrive dans une continuité, que ça ne parte pas tous azimuts, qu’il n’y ait pas une espèce d’explosion dans tous les sens. Chaque livre aura sa place et sera pensé en tant que tel.
Et il y a quand même une unité au niveau de la maquette. Quand on regarde les trois qui sont déjà parus, ils sont conçus de la même façon.
C’était le principe. Si l’on regarde les ouvrages qu’on a pu faire chez Dupuis, on finissait par tourner en rond au niveau de la maquette parce que c’était standardisé et les auteurs étaient parfois malheureux parce qu’ils ne pouvaient pas s’exprimer. C’était très très contraignant. Ces intégrales, c’étaient de belles maquettes mais il y avait finalement de la liberté pour quoi ? Pour la typo, pas tellement ; pour l’image non plus puisqu’en plus on reprenait des images existantes, donc c’était très contraint. Et là, j’ai eu envie de pouvoir laisser l’esthétisme parler avant l’identification et donc j’ai demandé à Philippe Poirier, le graphiste des éditions Black and White qui lui sait faire des livres d’art, est un passionné de typo d’ouvrages, qui sait concevoir un livre – c’est dans ses gènes – de concevoir une maquette qui soit identifiable au premier coup d’œil mais qui n’enferme rien, qui puisse permettre plein de choses. Chez Glénat, ça correspondait aussi à leurs attentes parce qu’ils n’avaient pas envie de faire des livres standardisés. Il nous a proposé ce projet de maquette, jaquette américaine qui se déplie et déjà dans les trois premiers livres on a pu utiliser l’objet de façons différentes. C’est subtil. C’est vraiment un graphiste qui a le soin du détail : la jaquette qui ne recouvre pas l’entièreté du livre s’arrête à un certain niveau et quand on ouvre le livre, ça laisse paraître quelques éléments de la couverture mais pas tous, c’est très soigné. Les auteurs, ça leur permet justement de prendre possession et je sais que Frank Pé a adoré ça, a adoré pouvoir jouer, concevoir un dessin qui soit dans tel format, c’est créatif.

Les livres de la collection

Ce que dit l’éditeur de l’essai de Frank Pé
« Je veux la beauté et la grâce en plus. »
« La bande dessinée est avant tout un langage en soi, à la croisée du scénario, du découpage et du dessin, et isoler un de ces éléments pourrait répéter l’erreur de ne pas voir l’originalité si puissante de cet art. Non, la bande dessinée n’est pas un animal hybride, c’est un langage unique et cohérent. Mais il demande malgré tout une maîtrise de moyens particuliers, comme l’écriture des dialogues ou la couleur. Le dessin est, en soi, un domaine vaste comme le cœur. Je vais me pencher sur lui, approcher la loupe et le questionner. »
C’est par ces mots que s’ouvre l’essai que Frank Pé, maître incontesté du Neuvième Art – il débute sa carrière dans le Journal de Spirou dès 1973 –, dans lequel l’auteur de La Bête livre une réflexion passionnante et passionnée sur la force du dessin en bande dessinée, son pouvoir narratif mais aussi ses effets méditatifs… Un ouvrage destiné autant aux amateurs qu’aux professionnels, qui se veut aussi éclairant que son modèle revendiqué, le fameux Comment on devient créateur de bandes dessinées, entretiens menés par Philippe Vandooren avec Franquin et Jijé. Un ouvrage qui lance la nouvelle collection des « Cahiers de la Bande Dessinée » qui, plus de 50 ans après la création de la revue par Jacques Glénat, entend proposer un écrin amoureux à des livres uniques consacrés à des auteurs qui, chacun à leur manière, ont fait de la bande dessinée un art de référence à nul autre pareil.
Pour découvrir les premières pages :
https://bdmanga.liseuse-hachette.fr/glenat/9782344065518/index.html

Chroniques des deux livres d’entretiens menés par Chistelle Pissavy-Yvernault

À paraître le 15/10/2025

Article de Francine VANHEE

