GAULOISES


GAULOISES

Gauloises
Scénario : Igort
Dessins : Andrea Serio
Éditeur : Futuropolis
88 pages
Prix : 23,00 €
Parution :  24 Août 2022
ISBN : 9782754833172

Ce qu’en dit l’éditeur …

Un tueur à gages napolitain, résidant à Milan, fait son boulot (et parfois même des heures supplémentaires) sans aucun état d’âme. Impitoyable. Enveloppé dans la fumée d’une gauloise, il finira par rencontrer l’autre. L’autre est un boxeur raté, né en Sardaigne, d’origine milanaise. Coureur de jupons, visage abimé et la gâchette facile, toujours au service du mal. Quelqu’un a tué Pupa le ventriloque, le protégé du parrain local. Ce quelqu’un doit payer. On raconte que c’est le tueur aux gauloises…
Igort revient à ses amours pour le noir dans la lignée de 5 est le numéro parfait ou Sinatra : une plume acérée, concise, taiseuse, qui installe immédiatement l’atmosphère des meilleurs polars.
Andrea Serio y ajoute l’élégance et la chaleur du dessin aux pastels : après Rhapsodie en bleu, preuve est faite qu’il faudra compter sur cet auteur dans les années à venir.

Le Serio nouveau est arrivé ! Où ça ? Chez Futuropolis et à l’instar deRhapsodie en bleu, un de mes gros coups de cœur paru chez ce même éditeur en 2020, Gauloisesce nouvel album d’Andrea Serio scénarisé par Igort est une merveille graphiquement parlant. Milan, drôle d’endroit pour une rencontre, duel au soleil entre deux tueurs à gages.

Ciro est un fumeur de gauloises

Tout commence à Milan et se termine à Milan. Entre les deux, l’histoire ou plutôt deux histoires, celles de deux hommes aux parcours différents mais à la destinée commune.

D’abord, il y a Ciro, notre fumeur de gauloises dont les volutes bleues planent sur tout l’album. Classieux, dégaine à la Delon dans Le samouraï, ce Napolitain d’origine résidant à Milan est un tueur froid, tombé gamin dans le giron de la camorra.

Ensuite, il y a Aldo, ancien boxeur raté qui a quitté son île natale à la recherche d’une vie meilleure et finira par se mettre également au service de la mafia.

L’un exécute un contrat, l’autre va être chargé de l’éliminer.

L’affrontement entre les deux hommes est inévitable…

Une écriture à l’os

Connu pour ses Cahiers (japonais, russes, ukrainiens) parus également chez Futuropolis, le scénariste sarde Igor Tuveri dit Igort renoue ici avec le polar et la mafia, univers qu’il avait déjà exploré quelques vingt ans auparavant dans 5 est le numéro parfait, paru aux Éditions Casterman.

Dans Gauloises, paradoxalement, il y a peu de scènes d’action. Tout est question d’atmosphère. Tout est dans l’ellipse et le texte laconique d’Igort laisse toute la place à l’illustration d’Andrea Serio qui s’inscrit dans les creux et devient narration.

Entre Naples et Milan, années 60

S’il n’est fait aucune mention de l’époque à laquelle se déroule le récit, plusieurs indices nous amènent à le situer dans les années 60 : les vêtements et la coiffure d’Ada, car comme dans tout polar qui respecte on y croisera des femmes, le disque d’Ornette Coleman sorti en 1959, l’évocation d’un autre duel entre deux légendes du Calcio, Mazzola, le mythique capitaine de L’Inter Milan versus Rivera, celui du Milan AC et enfin les voitures, notamment la Giulietta Spider de Ciro.

Les visages des deux protagonistes sont de marbre, impénétrables. C’est à travers leurs actes et ce qui gravite autour d’eux que les personnages vont prendre chair et nous promener entre Naples et Milan. Le Rione Sanita, fief de la Camorra et la baie de Naples vont céder la place à Bovisa, quartier industriel de Milan. La balade s’achèvera Piazza del Duomo, lieu emblématique de la capitale lombarde…

Les pastels d’Andrea Serio : Entre brume et lumière

Après Rhapsodie en bleu (2020) et Le poids du papillon (juin de cette année), le Toscan Andrea Serio signe là, pour notre plus grand plaisir, son troisième album chez Futuropolis. On retrouve toute la beauté, l’élégance de ses pastels aux bleu et jaune lumineux.

Brumeux quand ils évoquent la fumée des fameuses gauloises et des usines, ils vont au contraire flirter avec un réalisme quasi photographique lors d’un gros plan sur un sac poubelle ou la reproduction d’un portrait du boxeur Jack Dempsey, idole d’Aldo.

Adoptant un style plus épuré, ils vont jouer avec la lumière à travers de larges aplats aux formes géométriques pour planter le décor lors des scènes d’intérieur.

La lumière, elle, inonde les scènes d’extérieur et souligne également le temps qui passe comme dans ces deux planches en vis à vis représentant une promenade en baie de Naples, la silhouette de Castel dell’Ovo se détachant en arrière plan. Deux pages quasi identiques : sur la seconde planche cependant, le bleu lumineux et les vêtements estivaux auront cédé la place au blanc et bleu froid de l’hiver, les protagonistes étant vêtus conformément à la saison.

Et puis il y a cette étrange alchimie avec le texte qui fait d’une image a priori ordinaire tout un symbole comme cette cafetière napolitaine liée par les mots à San Genarro, patron de la ville qui tire son nom de Janus, le dieu à deux têtes, l’une tournée vers le présent, l’autre vers l’avenir …

Ciro, Aldo, Naples, Milan … Une narration à deux voix, qui se répondent : l’écriture à l’os d’Igort alliée à l’illustration somptueuse d’Andrea Serio font de cet album un polar fascinant.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les autres albums illustrés par Andrea Serio

Seriously : The art of Andrea Serio
Spaceman Project, 2019
Le poids du papillon
Futuropolis, Gallimard 2022
Rhapsodie en bleu
Futuropolis, 202
0

Ciro et le free jazz

Ornette Coleman
John Coltrane

Chronique de Francine VANHEE

Bande annonce Futuropolis


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