AL CAPONE

Ce qu’en dit l’éditeur …

La véritable histoire du plus grand gangster de tous les temps… ou plutôt, ce qu’il veut bien en dire.
Quand vous naissez à Brooklyn en 1899 dans une famille pauvre italienne, quelles sont vos chances de vous en sortir ? Peut-être votre doigté particulièrement habile pour tricher aux cartes ? Sans doute aussi votre charisme et votre culot qui vous feront remarquer par les voyous du quartier, puis par les poids lourds du crime organisé…?
Si vous êtes, par-dessus le marché, intelligent et prêt à tout pour vous détacher du lot, alors la prohibition, tout juste instaurée dans tout le pays, vous ouvrira les portes du succès !

Pour raconter la vie de la figure emblématique du crime organisé des années 30 aux États-Unis, je veux parler d’Al Capone bien sûr, Swann Meralli et PF Radice se sont inspirés de son autobiographie très subjective, doux euphémisme, et il leur a fallu, si j’ose dire, rectifier le tir, ce qu’ils ont fait très habilement dans Al Capone, l’album qui vient de paraître aux Éditions Sarbacane.

« la vraie fausse histoire du plus grand gangster de tous les temps »

1938, prison fédérale d’Alcatraz

Dans sa cellule, Al Capone, tente de se justifier auprès de la mama. Tout ce qu’on raconte sur lui est faux. Lui, un tueur, un voleur, un coureur de jupons ? Pure médisance ! Lui qui au contraire est un bienfaiteur ayant donné du travail à des milliers d’Italiens … Et le voilà parti à raconter son histoire … Un fils ne ment pas à sa mère…

Son histoire : d’abord son enfance à Brooklyn où il a grandi dans une famille très pauvre, son côté gamin des rues roublard et bagarreur, ses premiers pas, puis son ascension dans le milieu de la pègre locale, son culot, son flair d’avoir compris avant les autres les énormes profits qu’il pourrait tirer de la contrebande d’alcool durant la prohibition en mettant en place un système d’acheminement de l’alcool puis son propre système de distillation, ce qui fera de lui le roi de Chicago ne reculant devant rien pour éliminer ses adversaires même les jours de Saint-Valentin… Puis ce sera la chute et son incarcération dans cette prison d’où il sortira fatigué, miné par la syphilis, atteint de paranoïa et en proie à des hallucinations.

Moi menteur, moi assassin, moi fou … Pour définir Al Capone, on pourrait reprendre les titres de la trilogie d’Altarriba à laquelle il conviendrait d’ajouter, moi beau parleur, moi tricheur, moi coureur (de jupons) …

Paroles, paroles, paroles …

Swann Meralli a la double casquette d’auteur d’albums jeunesse et scénariste de bandes dessinées.

Pierre-Francois Radice, artiste protéiforme passé par l’école Émile Cohl intervient dans différents domaines : l’illustration d’albums jeunesse, la sculpture, la gravure. Son incursion dans le domaine de la bande dessinée est tout récent. Toujours avec Swann Meralli, on lui doit deux premiers albums : La pâtisserie en BD (2020) et La cuisine en BD (2021), tous deux parus chez Casterman. Alors comment est-il passé de La cuisine en BD et La pâtisserie en BD à Al Capone, roman graphique de 176 pages ?

Pierre-François Radice

Et c’est bien là que que se situe la grande réussite de l’album, dans ce choix narratif et scénaristique très efficace : le décalage voire la contradiction entre le récit édulcoré, romancé d’Al Capone et la réalité d’une extrême violence retranscrite, elle par l’illustration.

Le décalage texte/image

Trait charbonneux, dessin stylisé, ambiance des années 30

L’autre réussite, quant à elle, tient à l’illustration de PF Radice. On est rapidement conquis par son trait charbonneux, son travail sur la couleur qu’il s’agisse des tons chauds au charme rétro ou du bleu profond des scènes nocturnes, son utilisation de la lumière, sans parler de la représentation stylisée tout en rondeur d’Al Capone.

La stylisation d’Al Capone

Le dessinateur s’est solidement documenté et a porté une attention toute particulière aux décors et accessoires qu’il reproduit très fidèlement, de la Cadillac blindée Town Sedan V8 du parrain à la couverture du Time du 24 mars 1930.

Les décors

Le découpage, le cadrage donnent le rythme et apportent lisibilité et fluidité au récit. Les doubles pages et pleines pages fourmillant de détails nous font pénétrer au cœur même du récit tout en l’aérant.

Le plaisir de dessiner

Petite méthode illustrée de la façon de procéder de Pierre-françois Radice

1 – Le storyboard

Mise en place rapide des personnages, décors, objets… Première intention sur la composition des cases et de la planche. (découpage, cadrage)

2-Le crayonné

Pour le dessinateur, une des étapes les plus importantes. Il travaille les proportions et l’attitude, le mouvement des personnages jusque dans les détails. Il met également en place les premières ombres et pose l’ambiance lumineuse.

3- L’encrage au pinceau

Il se concentre sur la ligne, le trait ainsi que le travail du « frotté » et s’efforce de renforcer l’ ambiance lumineuse avec toute la texture des ombres.

4-La couleur

Elle est réalisée numériquement à la tablette en lui conférant une texture de linogravure afin de la faire vibrer légèrement et travaillée de façon à renforcer l’ambiance chaleureuse des années 20/30.

Un bel écrin

Pour terminer, je soulignerai l’élégance de l’album avec son liseré et sa calligraphie art déco déjà présents sur la couverture qu’on va retrouver sur la page titre ainsi que les pages annonçant les différents chapitres et encadrant la numérotation des pages.

Par le procédé scénaristique utilisé, Swann Meralli et PF Radice ont réussi à brosser un portrait fort juste de ce personnage hors normes aux multiples facettes.

Cette «vraie fausse histoire du plus grand gangster de tous les temps», par son côté décalé, l’humour qui s’en dégage en dépit de la gravité des faits relatés, nous permet de passer un excellent moment de lecture. Ne boudons pas notre plaisir !

Les propos de Pierre-François Radice sont tirés de l’entretien réalisé le samedi 10 septembre 2022 au Livre sur la Place.

POUR ALLER PLUS LOIN

2 podcasts

Une « Chronique Sauvage » de Robert Arnaut (1987)

Al Capone, technicien du crime (radiofrance.fr)

Al Capone, vie et mort d’un intouchable (Au fil de l’histoire, 2012)

Al Capone, vie et mort d’un intouchable (radiofrance.fr)

Scareface, roman d’Armitage Trail

Le roman (1930)

Reconstitution quasi documentaire du milieu de la mafia à Chicago à l’époque de la prohibition dont le protagoniste est inspiré de façon lointaine par Al Capone