UN LIVRE, UNE EXPO :
Jean -Claude GÖTTING « Version Originale sous-titrée français » éditions « Virages graphiques ».
UN LIVRE

Scénario : Jean-Claude Götting
Dessin : Jean-Claude Götting
Éditeur : Rivages
Collection : Virages graphiques
96 pages
Prix : 22,00 €
Parution : 14 Septembre 2022
ISBN 9782743657727
Ce qu’en dit l’éditeur …
Quarante dessins qui sont autant d’instantanés de films imaginaires. Des images qui, avec leur sous-titre, créent l’impression troublante de connaître ces films qui n’existent pourtant que dans l’esprit du dessinateur. Le lecteur projette ses propres amours cinéphiliques. Se raconte des histoires. Se prend à rêver. Dans version originale, Jean-Claude Götting me tout son talent, sa sensibilité et sa puissance, au service de ce qui se révèle, au final, une véritable – et merveilleuse – déclaration d’amour au cinéma, à ces scènes qui nous émeuvent, nous bouleversent, nous restent en mémoire.
UNE EXPO

Chronique d’Anne-Laure GHENO
(Bd Otaku)

7EME ET 9 EME ART : UNE HISTOIRE D’AMOUR
7e et 9 e arts sont souvent associés : dans des adaptations d’albums célèbres plus ou moins réussies, dans des hommages indirects aux grands films qui nourrissent les œuvres des bédéastes (on pensera par exemple au travail de Laurent Astier sur les westerns mythiques dans « La Venin » ou au livre « Vintage and Badass» qui, sous la plume de Nury et Brüno eux-mêmes, explicite l’inspiration cinématographique à l’œuvre dans la série « Tyler Cross »). Il existe également des hommages assumés tels le « Pour en finir avec le cinéma » de Blutch, ou le « Ciné-club » de Simon Roussin à cheval entre artbook et bande dessinée… En apparence, « Version originale » paru chez Virages graphiques ( la jeune et prometteuse collection BD des éditions Rivages) est de ceux-là.
En apparence seulement, car cet album/artbook est « original » à plus d’un titre ! D’abord par sa composition : 40 images qui ont donné et donnent lieu à des expositions. La première eut lieu en décembre dernier en « avant-première » à la galerie Huberty-Breyne de Bruxelles tandis que la seconde, qui se déroule dans la belle et nouvelle galerie Les Arts dessinés (d’après le magazine du même nom) 19 rue Chapon à Paris jusqu’au 29 octobre, accompagne la parution de l’ouvrage. L’album se mue alors aussi en catalogue d’exposition.
LE CINEMA D’ANTAN
Chaque tableau ressemble à un photogramme extrait d’un film américain des années 50-60 ou des joyaux de la nouvelle vague. On y retrouve des éclairages, cadrages, angles de prise de vue très cinématographiques. D’ailleurs, l’auteur confesse qu’il aurait rêvé de faire du cinéma :
« Quand j’étais jeune, je rêvais de faire du cinéma. Je pensais que ça arriverait facilement, mais, quand je vois l’énergie qu’il faut, ne serait-ce que pour « lancer » un projet … Quatre ans pour mettre en place un budget c’est trop pour moi (rires). Si les choses n’avancent pas assez vite, ça a tendance à me couper dans mon élan et à me démotiver. Il en va de même pour mes scénarios, je ne peux pas rester penché dessus pendant trop longtemps, sous peine de devenir très critique vis-à-vis de mon travail. Je dois rester dans l’euphorie de l’écriture. «
Il n’y a pas de réelle chronologie dans ce livre, pas de fil narratif non plus. Seule indication : les « sous-titres français » placés en superposition sur une bande en rhodoïd conçus par le dessinateur. On a ainsi des extraits de dialogues décontextualisés et on ne peut s’empêcher de lier les images entre elles, de les faire se répondre, de créer des histoires ou plutôt notre propre film ! Ces hommes et ces femmes prodiguent un sentiment de « déjà vu « ( en français dans le texte ! ). On a l’impression de revoir les programmations du « Cinéma de minuit » qui faisaient la part belle aux élégantes telles Ava Gardner, Gene Tierney, Rita Hayworth ou plus tard Audrey Hepburn ou encore Jean Seberg ou Romy Schneider… Mais les bribes de films qui s’égrènent au fur et à mesure que l‘on feuillette le livre sont des films qui n’existent pas, des « films du crayon » nés de l’imagination de l’artiste. Et c’est magnifique et troublant à la fois car le lecteur/spectateur fait sien l’imaginaire de Gotting dans un échange de références partagées . Comme le déclare l’artiste lui-même :
» Ils représentent des œuvres fictives, mais avec un jeu de sous-titres sur celluloïd, sous chaque dessin, afin de permettre à chacun.e de s’imaginer son propre film. C’est assez vague pour ne pas être trop indicatif et à la fois empreint de tellement de codes d’une forme de cinéma que j’aime et qui m’a marqué, de la nouvelle vague avec Truffaut et consorts aux vieux polars US «
VIRAGES GRAPHIQUES
Une somptueuse déclaration d’amour au 7e art et au 9e …. Mise doublement en relief et en écho : d’abord par ce que le livre, format à l’italienne, reprend la taille exacte des tableaux (17 x 22,9 cm) dans un magnifique écrin à l’épais grammage et refuse le principe de la double page. L’œil du lecteur/spectateur est attiré uniquement sur la page de droite cernée de noir comme un écran. La page gauche restant blanche et ne proposant, en une superposition de blancs presque filigranée, qu’une reproduction d’une bribe du dialogue inséré sur le rhodoïd créé comme un écho diffracté également par les « fragments » de textes de Diastème, Vincent Farasse, Charlotte Lagrange et Pauline Peyrade auteurs, metteurs en scène et parfois même réalisateurs qui traitent de l’amour, la haine et la passion sous forme de scène de théâtre, de notations de choses vues , de bribes de dialogues qui sont comme une mise en abyme des tableaux ….
LES ARTS DESSINES
L’exposition rétrospective Gotting de la rue Chapon illustre bien le lien entre les arts puisque non seulement elle nous présente les tableaux en noir et blanc de « Version originale » mais également les illustrations couleurs réalisées par le dessinateur pour la plaquette de présentation de la saison 2023 du théâtre des Célestins à Lyon. Ces dernières illustrations sont plutôt de petite taille, presque des miniatures. On y retrouve le trait condensé et épais et les couleurs flamboyantes auxquelles l’artiste nous a habitué dans ses illustrations de couverture ( dont les fameuses des romans « Harry Potter »). Les tableaux qui ont servi à créer l’ouvrage « Version originale » sont plus grands. Sur ces dessins effectués à la peinture acrylique sur papier, on peut admirer la technique si particulière de Gotting (il se sert des petits rouleaux en mousse que les enfants utilisent pour leurs ateliers créatifs) qui donne une texture grainée à ses œuvres et rappelle le rendu un peu flouté d’une vieille pellicule noir et blanc. Les rustines et les textes au crayon montrent également sur certaines toiles les « repentirs » de l’artiste qui intervertit des sous-titres, réinvente lui-même en les créant ses propres histoires, et nous invite doublement au voyage…









































