MEREL


mErel

Merel
Scénario : Clara Lodewick
Dessin : Clara Lodewick
Éditeur : Dupuis
Collection Les Ondes Marcinelle
160 pages
Prix : 24,00 €
Parution :  19 aout 2022
ISBN 9791034762682

Ce qu’en dit l’éditeur

Merel, âgée d’une quarantaine d’années, est une femme libre vivant sans mari ni enfants. Partageant son quotidien entre l’élevage de canards, le club de football local et l’écriture, elle mène une vie d’harmonie et d’amitiés.
Mais tout se dérègle lors d’une soirée au cours de laquelle elle fait une blague sur la sexualité du mari de l’une de ses voisines. Une blague qui va faire courir le bruit que Merel couche avec tous les hommes de son petit village de Flandre. L’ensemble de la communauté va dès lors se liguer contre elle, faisant de sa vie un enfer.

Merel, une quadra dynamique vit dans un petit village du Hainaut sans mari ni enfants. Elle élève avec passion des canards d’ornement, est correspondante pour le journal local et l’un des piliers du club de foot. Elle a des amitiés « viriles » mais le jour où elle se permet une blague pas très fine (qui aurait bien faire rire si elle avait été un homme) sur l’un de ses amis d’enfance Geerts, tout dérape. Le village entier va se liguer contre elle, colporter des rumeurs et faire de sa vie un enfer…

Quelle n’a pas été notre surprise après la lecture de cet album de découvrir que son autrice était toute jeune. Clara Lodewick inaugure justement une nouvelle collection de la maison Dupuis consacrée aux romans graphiques de jeunes auteurs : « Les Ondes Marcinelle ». Et elle le fait avec brio ! Son travail fait preuve d’une grande maturité surtout sur le plan scénaristique. En effet, dans un cadre en apparence bucolique (la campagne et les petits villages) , elle montre comment le poison de la rumeur va se distiller. Il y a du Balzac ou du Flaubert dans cette autrice ! L’album s’ouvre sur une scène de comices agricoles et l’artiste nous dépeint à sa façon ses « Scènes de la vie de province ».

Ses personnages sont tous très bien caractérisés. Merel, l’héroïne éponyme, est très attachante dans sa « rudesse », ses maladresses et sa naïveté aussi. Elle n’est pas la seule héroïne de ce récit. On y trouve aussi le coupe Geert / Suzie qui n’a plus rien à se dire et se délite en faisant souffrir leur fils Finn qui chaque soir se trouve au milieu des disputes et rancœurs. L’artiste montre combien ces deux histoires a priori parallèles sont liées et nous fait comprendre comment Suzie se construit une ennemie pour éviter d’avoir trop à se remettre en question et comment les petites lâchetés et l’ennui de chacun vont sournoisement s’accorder sur un bouc-émissaire. Clara nous émeut aussi en montrant par petites touches comment Merel si enjouée va petit à petit sombrer. Sa peinture du harcèlement est d’une justesse incroyable et souligne combien chacun peut se muer en harceleur.

Il y a donc également du Brel chez elle, dans son étude de mœurs elle raconte son plat pays et la bêtise ordinaire. Son histoire est très bien menée : elle parvient à nous « happer » sans aucun effet spécial, simplement en réalisant une chronique d’un quotidien qui dérape. Bon sang ne saurait mentir : son père est scénariste (sous le nom de plume de Dugomier, il a écrit la série jeunesse à succès « Les enfants de la Résistance ») et elle a hérité de son talent de raconteur d’histoires.

Si l’on peut être tout de suite séduit par le scénario, le graphisme peut dérouter. Le style est très ligne claire et le trait semi-réaliste et les personnages dotés de grosses cernes et poches sous les yeux ne sont guère en beauté même s’ils ne sont pas sans évoquer « Les Frustrés » de Bretécher. L’artiste travaille sur du papier au stylo bille puis effectue la mise en couleurs à la gouache. Elle dit ne pas aimer le numérique qui l’ennuie et « n’offre pas le plaisir d’ouvrir des tubes et de voir la couleur des pigments changer à la lumière ». Elle nettoie pourtant ses planches à l’ordinateur et c’est peut-être ce qui donne un côté trop aseptisé à son trait qui manque du coup un peu de chair pour traduire la violence des passions qui se déchaînent. Mais on ne pourra que saluer en revanche son utilisation de la couleur pour créer les différentes ambiances (là aussi elle a été à bonne école : sa mère a longtemps été coloriste) et son détourage des cases ou son absence de décor lorsqu’elle voulait se focaliser sur les personnages et leurs sentiments.

Cette première œuvre de l’ancienne étudiante de St Luc inaugure donc brillamment la collection en prenant pour cadre un milieu peu dépeint et en en ôtant tous les stéréotypes bucoliques qui y sont attachés. Clara Lodewick travaille actuellement sur son deuxième projet dans lequel l’humain (trop humain) sera encore au centre de l’intrigue et nous l’attendons avec impatience !

POUR ALLER PLUS LOIN

« Merel » n’est pas la première histoire de Clara Lodewick où interviennent des canards (flamands) à voir son site où apparaît l’histoire courte.

Kwak Kwak – Clara Lode (wordpress.com)


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