CAUCHEMARS EX MACHINA


Cauchemars ex Machina

Cauchemars Ex Machina
Scénario : Thierry Smolderen
Dessin : Jorge González
Éditeur : Dargaud
128 pages
Prix : 25,50 €
Parution :  14 janvier 2022
ISBN 9782205082449

Ce qu’en dit l’éditeur

En 1940, le roman-mystère triomphe.

La guerre venue, trois des meilleurs écrivains du genre s’engagent dans un combat à distance. Margery Allingham, star du polar anglais fait équipe avec le génial Ernst Bornemann, réfugié allemand, pour piéger le Français Corneille Richelin.

Pas une seconde ce dernier ne se doute des manipulations de ses deux confrères travaillant pour les services secrets britanniques. Le but du jeu ? Attirer l’oncle du protecteur allemand de Richelin dans un piège mortel. L’issue du conflit mondial en dépend.

Une des plus belles, des plus originales découvertes de ce début d’année, un véritable diamant (noir) ciselé par une narration intelligente, jouissive et une illustration extrêmement élégante et envoûtante! Quand deux célèbres auteurs de romans policiers à mystères œuvrant pour l’Intelligence service ont pour mission de manipuler un de leurs pairs pour piéger un dignitaire nazi, on est loin du polar classique. Dans Cauchemars ex Machina paru aux Éditions Dargaud, Thierry Smolderen et Jorge González nous entraînent dans une aventure cauchemardesque pour les protagonistes mais divinement rocambolesque et tarantinesque pour le lecteur.

Margery, Cameron, Corneille et les autres

Paris, 27 septembre 1991

Corneille Richelin, auteur de polars français, est retrouvé mort dans son bureau fermé de l’intérieur, une hache préhistorique plantée au beau milieu du front. Ainsi s’ouvre le récit sur la figure on ne peut plus classique du crime impossible, le crime en chambre close.

« Le moment est venu d’expliquer comment j’ai tué Corneille Richelin le matin du 27 septembre 1991, quelques minutes après huit heures.« 

Nous passons du Paris de 1991 où tout s’est achevé à celui de 1938 où tout a commencé. Cet automne-là, quelques  romanciers du mystère et non des moindres se réunissent à l’initiative du Baron Hans von Richtenback, un Allemand grand amateur du genre. Simenon, Steeman entre autres sont de la partie. C’est là qu’entre en scène notre narratrice Margery Allingham. grande dame du roman policier d’Outre-Manche.

Ce sera pour elle l’occasion de faire la connaissance de sa future victime, un obscur écrivaillon adulé par le baron dont le procédé d’écriture est peu banal : Tous ses romans lui sont dictés par ses cauchemars.

Nous retrouvons ensuite notre romancière en 1942 où, en raison de ses capacités hors normes à sonder l’âme humaine et élaborer des intrigues sans failles, elle se voit confier comme mission de manipuler Richelin et par ricochet son protecteur le baron afin d’attirer dans un piège mortel l’oncle de celui-ci, un des rouages essentiels de la machine de guerre nazie. Pour cela elle fera équipe avec Cameron McCane, un autre écrivain de roman policier très brillant au profil atypique. Et tous deux vont mettre leur intelligence au service du contre-espionnage britannique. Nous voilà partis pour une aventure trépidante pleine de surprises et de rebondissements !

Scénario machiavélique, historique, fantastique et indéniablement cinématographique

Ça commence comme un polar, ça se termine comme un polar, ça a la couleur du polar mais … car il y a un mais et il est de taille, ce n’est pas vraiment un polar ce qui n’est guère étonnant quand on sait que c’est Thierry Smolderen qui tire les ficelles et comme manipulateur du lecteur, il n’a rien à envier aux protagonistes de l’album. Aussi va-t-il s’en donner à cœur joie pour brouiller les pistes en mêlant non seulement les genres (polar, espionnage, aventure) mais également les personnages réels et fictionnels, tout ça sur fond de seconde guerre mondiale. Il nous livre une histoire à tiroirs complexe extrêmement bien ficelée avec mises en abyme et nombreux clins d’œil non seulement aux romans policiers, au cinéma de l’époque, mais aussi à des faits historiques telle l’opération Mincemeat à laquelle a participé un certain Ian Fleming et que l’opération Contrebasse imaginée par nos deux romanciers aurait pu contrarier. Le tout est saupoudré de pincées de fantastique, d’onirisme et d’une bonne louche d’ésotérisme nazi. Jubilatoire !

À l’instar de nos deux comploteurs qui bâtissent leur scénario à partir des cauchemars du malheureux Richelin, le scénariste se nourrit de la vie des personnages réels et, se jouant des temporalités, va émailler son récit de séquences au premier abord anecdotiques comme celle se déroulant dans ce pub où Cameron a failli être confondu comme espion ou encore la discussion très intime entre Margery et Cameron dans un chalet à Chamonix… Du grand art ! Les personnages sont fouillés, terriblement humains telle Margery qui se pose beaucoup de questions et éprouve des problèmes de conscience quant au bien fondé de ses actions et aux dommages collatéraux qui en découleront. Et bien sûr, les dialogues d’une extrême richesse ne sont pas en reste.

Once upon a time … « The face on the cutting-room floor »

Bien que l’album soit chapitré comme le serait un roman, l’écriture de Thierry Smolderen est avant tout cinématographique, sur le fond bien sûr mais aussi dans la forme. Les plans s’enchaînent de façon très fluide passant d’un lieu à un autre, d’une époque à une autre, de Paris à l’Angleterre, Chamonix ou l’Alaska. Écriture cinématographique, ton à la Tarentino d’« Inglorious bastards » ou « Once upon a time in Hollywood », le 7ème art est bien le fil rouge de cette histoire.

C’est après avoir vu « L’assassinat du père Noël» que Richelin a l’idée du scénario de son propre film avec comme version du crime impossible, celui perpétré dans la neige avec absence des traces de pas de l’assassin. Et puis, il y a ce roman clé du « bigger than life » Cameron McCabe « The face on the cutting-room floor », (Coupez! pour sa traduction française), un polar postmoderne devenu culte dont l’intrigue se déroule dans le milieu du cinéma dont je ne saurais que trop vous conseiller la lecture à la suite de l’album. Une véritable pépite!

Atmosphère, atmosphère …

Le cinéma, toujours… Qui d’autre que Jorge González le dessinateur argentin du très remarqué « Chère Patagonie », album retraçant le destin de plusieurs générations d’autochtones et de colons dans lequel il est question de la destinée d’un film réalisé par un cinéaste allemand favori de Goebbels venu en repérage, aurait pu mieux coller au récit ? Les planches de « Cauchemars ex machina » sont de toute beauté et bien que rappelant l’album cité précédemment, font l’objet d’un trait réaliste moins charbonneux soulignant l’expressivité des personnages. Des illustrations pleine page plantant le décor permettent le passage d’un lieu à un autre et donnent le ton, épousant à la perfection le climat ambiant : la douceur de la verte Angleterre, le blanc glacé et glaçant de la montagne à Chamonix…

En totale cohérence avec le scénario, le dessinateur fait également usage de procédés cinématographiques tels ce fondu au noir qui nous fait passer de 1991 à 1938 ou encore ce fondu enchaîné qui nous mène de la voiture de Margery en Angleterre à l’avion de Cameron en Alaska. All makes sense !

Une narration aux petits oignons sublimée par une illustration trois étoiles, voilà qui fait de Cauchemars ex machina un récit « atypik » à déguster, savourer et consommer sans modération. Un pur régal !

pour aller plus loin

Cauchemars ex Machina : un scénario « diabolique » – Photo – DARGAUD

Le roman « The face on the cutting-room floor« 

« Un polar Hollywoodien entre roman noir et jeux littéraires. Années 30, Londres. Cameron McCabe travaille au montage d’un film, lorsque son producteur lui demande de couper toutes les scènes dans lesquelles intervient une jeune actrice, Estella Lamare. McCabe a du mal à comprendre cette décision aussi surprenante que soudaine. Le lendemain, le corps d’Estella est retrouvé dans la salle de montage.
McCabe décide alors de mener seul son enquête. Il nous raconte ses pérégrinations dans le monde du cinéma et compte les suspects..
. »

Le film qui a inspiré Richelin

L’expo Jorge González à bd BOUM 2022

Cliquez sur l’image pour découvrir l’expo


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