Expo et rencontre Derf Backderf

Lors du dernier Quai des bulles, une très belle exposition a été consacrée à Derf Backderf, exposition doublée d’une rencontre avec l’auteur ce qui a permis d’approfondir son processus de création, déjà présent dans l’exposition à travers notamment de Kent State, quatre morts dans l’Ohio.

Portrait d’un enfant de l’Ohio

Les festivaliers ont pu suivre un parcours chronologique à travers ses 5 albums publiés aux Éditions Çà et là de Trues stories et Punk, Rock & Mobil homes à Kent State, quatre morts dans l’Ohio en passant par Mon ami Dahmer et Trashed.

La scénographie a privilégié la sobriété et l’élégance du noir et blanc, ce qui ne mettait que mieux en valeur la centaine de planches originales présentées.

Pour chaque album, un panneau d’introduction et outre les planches, des croquis, extraits de carnets, agrandissements de certaines planches ou cases, le must étant la représentation de la chambre du baron dans un mobile home reconstitué dans laquelle livres, posters et disques rappellent les références du dessinateur. Enfin, en avant première dix planches originales de son travail en cours : la suite de Punk Rock & Mobil Homes. 

True stories , punk, rock & mobil homes

mon ami dahmer

la rencontre

La rencontre portait sur ses albums et son processus de travail.

La présence des soldats dans sa ville Richfield la veille des évènements l’ayant profondément marqué (il avait 10 ans à l’époque), il reprendra la scène dans une sorte de prologue.

Derf Backderf décrit très minutieusement le drame et les trois jours qui l’ont précédé en s’attachant également à la fidélité de la représentation des lieux. Il va pour cela mener de nombreuses recherches et s’appuyer sur une documentation très fournie.

Sur la dernière photo, on peut voir le plan tracé par l’auteur afin de positionner les magasins existant au moment des faits.

un dessin très rapide de mise en place, puis le crayonné (c’est l’étape sur laquelle il passe le plus de temps), l’encrage et enfin la version définitive

Cette photo de John Paul Filo est très connue. Elle a gagné un prix Pulitzer en 1971. Le défi a été de pouvoir la redessiner sans la copier. C’est dans les crayonnés en haut à droite que la composition de l’image se met en place. Le dessinateur a décidé de se focaliser sur le cri plutôt que sur l’image. Les témoins de l’époque ont rapporté qu’à la fin de la fusillade, un silence de mort s’est établi avant qu’un cri ne s’élève. C’est ce cri qu’il a voulu retranscrire visuellement.

Une des constantes de Derf Backderf est de commencer et de clore chaque chapitre avec une illustration pleine page. Sur les 3 premiers jours, les pages étant majoritairement noires, on voit qu’une grande partie de l’action se passe de nuit ce qui n’est pas le cas pour les autres.

Pas vraiment satisfait de la scénarisation de ses deux premiers albums, le perfectionnisme de Derf Backederf l’a conduit à en faire plusieurs versions : 2 pour Trashed,album pointant du doigt les dommages causés par la société de consommation, pas moins de 4 pour Mon ami Dahmer, relatant la jeunesse de ce camarade d’école solitaire et étrange qu’il a côtoyé sur les bancs de l’école avant qu’il ne devienne l’effroyable tueur en série que l’on sait.

Il lui aura fallu vingt ans et pas moins de trois versions intermédiaires pour passer du récit initial de 20 pages de 1991 à la version définitive de 2011, parue en France en 2014.