LES AMIS DE SPIROU


Les Amis de Spirou T.1

Les Amis de Spirou T.1
Un ami de Spirou est franc et droit
Scénario : Jean-David Morvan
Dessin : David Evrard
Couleur : BenBK
Éditeur : Dupuis
72 pages
Prix : 15,50
Parution : 20 janvier 2023
ISBN 9791034763184

Ce qu’en dit l’éditeur

Marcinelle, septembre 1943. L’occupant nazi vient d’interdire la parution de Spirou ! Le jeune Flup et ses amis sont effondrés, car tous les cinq font partie du club des ADS, Les Amis de Spirou. Ensemble, ils vont créer un magazine de BD satirique anti-nazi, avec toute l’innocence d’enfants décidés à appliquer le code d’honneur de leur héros de BD préféré. Ce qui ne va parfois pas sans dangers. Des vrais dangers, de ceux dont on meurt…

S’inspirant de l’histoire réelle de jeunes lecteurs de Spirou morts pour la Résistance tout en explorant l’histoire de Jean Doisy, le créateur des ADS, premier rédacteur en chef de Spirou et lui-même résistant, Jean-David Morvan et David Evrard proposent une formidable et touchante série jeunesse pour l’Histoire de Spirou et celle de l’humanité tout court. « Spirou, ami partout toujours ! », comme le dit si bien la devise des ADS !

JD Morvan, Résistance, partout, toujours !

Après Irena et Simone, c’est outre-Quiévrain que Jean-David Morvan et David Evrard nous entrainent à la la suite d’une bande de gamins, tous membres du club « Les amis de Spirou » qui suite à l’interdiction de paraître du journal en 1943, décident de résister encore et toujours à l’envahisseur. Partant d’un fait réel, la mort de deux jeunes adhérents des ADS entrés en résistance, les auteurs entremêlant les péripéties de cette bande de copains et l’histoire de Jean Doisy, le premier « rédacteur en chef » de Spirou et créateur du fameux club, lui-même résistant, nous livrent un récit plein de peps et d’humour ce qui ne rend que plus poignants les moments dramatiques. Et c’est paru aux éditions Dupuis, bien évidemment !

Le club des six à Marcinelle

Charleroi, septembre 1943.

Flup découvre que le journal de Spirou, censuré par l’occupant a cessé de paraître. Mais « un ADS ne se laisse jamais abattre ». Le voilà parti rameuter Georges, Pierrot, Paulo, Armand sans oublier Miche, la seule fille de la bande. Ils décident alors de passer à l’action et résister en adaptant le code d’honneur des Amis de Spirou aux temps de guerre. Espiègles et courageux, ils n’ont pas peur d’en découdre avec les rexistes en culottes courtes dans des bagarres d’anthologie et vont jusqu’à créer et distribuer de façon on ne peut plus rocambolesque un journal de BD qui à l’instar du « Faux soir » se moquait ouvertement de l’occupant tandis que derrière sa fenêtre un bien triste personnage est à l’affût …

On sait très vite que deux n’en reviendront pas …

Un album jeunesse ? Oui mais …

Malgré son orientation jeunesse, cet album s’adresse à tous et ce en raison de sa dimension patrimoniale et transgénérationnelle et ses différents niveaux de lecture. Les jeunes y verront un trépidant récit d’aventures conjuguant action et émotion alors que les adultes y découvriront l’histoire de la Belgique sous l’occupation ainsi que le rôle essentiel qu’a joué Jean Doisy dans l’histoire des éditions Dupuis et dans celle de la résistance belge en ces temps troublés. Quant aux Spiroutistes, ils seront comblés par les nombreux clins d’œil et références à l’univers de Spirou et l’histoire de la bande dessinée.

Du biopic à la série

Un ami de Spirou est franc et droit, premier point du code d’honneur donne son titre au 1er volume de cette série « Les amis de Spirou » qui devrait en compter neuf et, mêlant réalité et fiction, nous narre les aventures pleines de rebondissements d’une bande de gamins sous l’occupation en 1943. Ça, c’est le premier axe annarratif.

Parallèlement, suivant un autre axe narratif et une autre temporalité (décembre 44) on va suivre l’histoire de la création du célèbre magazine et de son club à travers les confidences de Jean Doisy alias Le Fureteur créateur du club des ADS.

Or dans le projet de départ initié par Christelle Pissavy-Yvernault, il était question uniquement d’une biographie sur Jean Doisy. Depuis longtemps, elle avait envie que son combat soit adapté en bande dessinée. Pour elle, le déclic fut la lecture d’Irena.

En fait c’était pendant le confinement, je lisais Irena. Ça faisait des années avec Bertrand qu’on se disait que la vie de Jean Doisy et du journal de Spirou pendant la guerre était vraiment très intéressante, quasi romanesque, insoupçonnée et qu’elle méritait d’être racontée en bande dessinée. Quand j’ai lu Irena, là je me suis dit « ben voilà, c’est ça qu’il faut faire avec Jean Doisy. Il reste à changer le contexte, les rues, la silhouette du héros, enfin du personnage principal »...

Christelle Pissavy Yvernault, Rencontre à la Parenthèse, 21 janvier 2023

Comment est-on passé du biopic à la série ?

JD Morvan : L’évolution du projet

En compulsant la masse de documents d’archives mis à sa disposition, Jean-David Morvan est tombé sur l’article « Devant deux tombes d’enfants » écrit par Jean Doisy en décembre 1944, 3 mois après la libération de Bruxelles. Ça a été le déclic : il a décidé d’en faire le point de départ de sa narration.

« Une histoire suffisamment belle pour la choisir comme point de départ à la série »

À la libération de Bruxelles, il écrit un texte dans le Moustique où il explique que certains des ADS qui s’étaient engagés dans le club avant-guerre sont donc entrés en Résistance et deux d’entre eux sont morts. C’était un formidable démarrage pour notre bande dessinée à nous […] On s’est dit que c’était une belle histoire à raconter qui permettait de parler de la création du Journal de Spirou, des bandes dessinées qui étaient dans le journal de Spirou, de la Résistance Belge, de Jean Doisy, donc tout ça mis ensemble nous permettait de raconter une histoire assez complexe.

JD Morvan, Rencontre à la Parenthèse, 21 janvier 2023

Une série en 9 tomes

Chaque tome reprendra un point du code d’honneur illustré par un acte de résistance en résonnance.

Le code d’honneur version Morvan/Evrard

Ce sera aussi l’occasion pour les auteurs de contextualiser le récit en revenant sur le vécu, le passé des familles des différents protagonistes.

JD Morvan : La contextualisation

L’aventure, c’est l’aventure

« Les petits gamins qui sont là, on les a inventés. C’est pas exactement ceux qui sont morts dont il parle dans le texte parce que je ne voulais pas vraiment biographiquement d’abord possiblement choquer les familles en transformant les gens et inventant leur vie donc on a pris des personnages inventés mais on reste sur le même concept.« 

JD Morvan, Rencontre à la Parenthèse, 21 janvier 2023

De la même façon que les enfants sont issus de différents milieux sociaux on va avoir des familles catholique, communiste, juive aussi avec le personnage de Miche. Miche, c’est un peu le pendant de Spirou. D’ailleurs son pseudo c’est Spirouette. Elle est rousse comme lui, elle travaille aussi à l’hôtel et sa tenue vestimentaire rappelle fortement celle du célèbre groom. C’est un peu l’incarnation féminine de Spirou.

JD Morvan : La meilleure idée de l’album

Bienvenue chez les Spiroutistes

Dès les premières pages on entre dans l’univers de Spirou et des éditions Dupuis. On aperçoit la fabrique de céramique F. Dineur, un cabinet d’assurances sur lesquelles s’étalent les initiales JG, l’hôtel Velter … On va même jusqu’à croiser Spirou à l’hôtel Velter et la façon dont le portier qui a adopté la petite Miche la porte sur son épaule n’est pas sans rappeler Spip sur l’épaule de Spirou.

Tiens, puisqu’on parle de Spip, un écureuil apparait à diverses reprises dans l’album et ce dès la première page. Il va même jusqu’à mettre la pâtée à un rat aux couleurs de l’occupant. On croisera également Jijé qui croquera Flup dans les locaux de Dupuis … C’est truffé de références plus savoureuses les unes que les autres …

Tout, tout, tout, vous saurez (presque) tout, non pas sur le zizi des nazis, mais sur Jean Doisy

Auteur du poème : JDM

Le Fureteur était son nom. Du moins c’est ainsi qu’il signait ses écrits dans le courrier des lecteurs du Journal de Spirou. Créateur du personnage de Fantasio, il en prendra également le nom dans ses chroniques.

Le Fureteur, Fantasio, c’est Jean Doisy, journaliste, premier rédacteur en chef du Journal de Spirou, créateur du club des ADS, avec le désir d’éduquer la jeunesse à l’aide du fameux code qui s’inspire du scoutisme.

Jean Doisy l’homme de lettres, Georges Evrard le résistant humaniste décoré de la croix de guerre dont l’action comprend encore une bonne part de mystère ne sont qu’une seule et même personne : Jean-Georges Evrard.

C’est à travers ses conversations avec son ami curé, qu’il relatera sa propre histoire au sein des éditions Dupuis ainsi que celle du magazine. Cela peut paraître quelque peu paradoxal quand on sait que Jean Doisy, anticlérical, penchait plutôt du coté du communisme alors que la famille Dupuis était très catholique. Belle ficelle scénaristique proche du walk and talk que ces conversations qui illustrent cette contradiction que l’on retrouve également avec la présence de Dieu dans le quatrième point du code d’honneur : « Un ami de Spirou est fidèle à Dieu et à son pays ».

JD Morvan : Dieu

Dans la famille Dupuis, on n’a toujours parlé de Jean Doisy que du point de vue professionnel, pas du point de vue idéologique.

À la libération Jean Doisy a beaucoup écrit ans le journal de Spirou pour raconter au lecteur ce qui s’était passé pendant la guerre. La fierté de savoir que beaucoup de lecteurs ne s’étaient pas laissés embocher.

Christelle Pissavy Yvernault, Rencontre à la Parenthèse, 21 janvier 2023

Le Club des trois : Scénariste, Dessinateur, Coloriste

Ayant déjà planché avec succès sur les séries jeunesse Irena et Simone, Jean-David Morvan et David Evrard se connaissent bien. La difficulté rencontrée ici est due au fait que l’album avait été prépublié dans le Journal de Spirou. Or, en raison de l’évolution même du projet, la version de l’album est différente. Par exemple, quatre planches qui sont parues dans le journal ont été déplacées et seront intégrées dans le tome 2. Il leur a donc fallu, comme au cinéma, plancher sur le montage.

JD Morvan : Comme au cinéma

Le trait clairement jeunesse de David Evrard permet, comme dans Irena ou Simone, de raconter des scènes horribles (Je pense notamment à la rafle de la famille de Miche) sans pour autant choquer le jeune lecteur mais aussi d’apporter fraicheur, vivacité, et dynamisme dans la narration des péripéties de nos jeunes héros. Le contexte de l’occupation est parfaitement restitué. Il n’est pas une seule planche sans qu’on aperçoive en arrière plan, un soldat, un véhicule militaire, une affiche de propagande, une croix gammée… La menace est discrète mais omniprésente.

Un récit haut en couleurs

Est arrivé un petit nouveau dans la team : Le coloriste BenBK.

Outre, les deux temporalités qui correspondent à nos deux axes narratifs principaux à savoir les enfants en 1943 et Jean Doisy en 1944, il y a de nombreux flashbacks dans chacune des deux trames. Aussi pour la fluidité et la lisibilité du récit, la couleur va-t-elle jouer un rôle essentiel.

Pour David Evrard, le choix du coloriste était une évidence : Au vu de sa maîtrise des standards de la bande dessinée belge et sa parfaite connaissance des références, Benoît Bekaert, alias BenBK, coloriste belge de bandes dessinées s’imposait.

C’était un honneur pour moi d’avoir été choisi pour faire les couleurs de ce livre là et je n’ai pas eu de difficultés à me plonger dedans. Trouver une approche tout public pas vieillotte, c’était un challenge. C’est quand même un peu rétro pour le propos et pour le public visé, ça parle à tout le monde. Il faut positionner le curseur de façon assez subtile. Donc l’approche graphique a été assez directe pour moi. Le style de David aussi est dans la lignée de l’école de Marcinelle dans les années 90 (E411 c’est lui! ) la filiation était déjà présente autant pour David que pour moi.

BenBK, Rencontre à la Parenthèse, 21 janvier 2023

Et tu avais aussi une autre contrainte qui était toutes ces séquences de temporalités différentes et donc il fallait absolument que tu aies un jeu de palettes pour chaque séquence.

Christelle Pissavy Yvernault, Rencontre à la Parenthèse, 21 janvier 2023

Il y a un très très beau travail sur la couleur qui retranscrit tout en douceur le passage d’une temporalité à une autre, installe subtilement les différentes atmosphères et vient renforcer le rôle de la voix off. Je pense notamment au discours de Jean Doisy sur le flash back mettant en scène cet évènement dramatique survenu en 1940.

Ben Bk : La colorisation

Une envie de mémoire

Madeleine, Elena, Simone, Jean Doisy … on sait à quel point le devoir de mémoire est important pour Jean-David Morvan. Peut-être est-ce une façon, au moyen de ce merveilleux medium qu’est la bd, de poursuivre l’œuvre de Jean Doisy en instruisant les générations d’aujourd’hui et les amenant à réfléchir sur les valeurs essentielles et établir ainsi leur propre code pour le présent et l’avenir.

JD Morvan : L’envie de mémoire

Ah, ils savent y faire nos auteurs car bien évidemment, ce premier album se termine sur un cliffhanger. Et en attendant le prochain album, « Un ami de Spirou a du cran, il sait dire oui ou non« , on peut toujours prolonger un peu le plaisir en lisant les 4 pages documentaires qui, outre un fac-similé (caviardé) du fameux article de Jean Doisy point de départ de cette série, comprend de courts textes retraçant la création du Journal de Spirou, des ADS, une bio de Jean Doisy et cerise sur le gateau le fameux code d’honneur version Morvan/Evrard format affiche détachable.

Ne passez pas à côté de cette fabuleuse série. Pour moi, les Amis de Spirou, c’est partout, toujours ! Vivement le tome 2 !

Les commentaires audio de JD Morvan et BenBK sont extraits de l’interview réalisée le 21 janvier à la librairie La Parenthèse à Nancy.

Les citations sont tirées des propos des intervenants lors de la table ronde qui s’est tenue le même jour.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les 100 ans de Dupuis à La Parenthèse à Nancy

Rencontre avec JD Morvan, David Evrard, BenBK et Christelle Pissavy-Yvernault et intégralité de l’interview de JD Morvan et BenBK à l’occasion de la sortie de l’album.

Cliquez sur la photo du bas

Pour en savoir plus sur Jean Doisy

Un livre incontournable

Le premier tome de La véritable histoire de Spirou de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault qui, à partir de témoignages de la famille Dupuis, de leurs collaborateurs et de leurs trouvailles dans les cartons à dessin oubliés et les agendas remisés au grenier ont reconstitué l’histoire de Spirou et nous la livrent sous la forme de témoignages croisés, illustrés d’images inédites de la création des Imprimeries Dupuis au début du XXe siècle jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

L’exposition Spirou dans la tourmente de La Shoah

Mémorial de la Shoah jusqu’au 30 août

Cliquez sur la photo pour accéder à la visite virtuelle de l’expo avec Didier Pasamonik, commissaire de l’exposition

2 planches originales de l’album Les amis de Spirou

Le code d’honneur de Jijé
Jean Doisy

Une petite anecdote : ma mésaventure à l’expo

Il y avait aussi l’article Devant deux tombes d’enfants mais évidemment, il n’était pas caviardé et les prénoms des deux enfants qui vont y laisser leur vie étaient bien visibles. Donc je sais qui va mourir mais je ne spoilerai pas!

Un autre livre incontournable : Le catalogue de l’expo

Autour du Spirou d’Émile Bravo

Entre planches originales, recherches graphiques, documents historiques et témoignages d’historiens tels que Pascal Ory, Bernard Krouck, Tal Bruttmann, Joël Kotek, Caroline François, Chantal Kesteloot, Romain Blandre, Didier Pasamonik ainsi que Bertrand et Christelle Pissavy-Yvernault, cet ouvrage retrace une des plus sombres pages de l’Histoire de la Belgique.

Le Spirou d’Émile Bravo qui a initié l’expo

Le dossier très complet

des Cahiers de la bd n° 22 (avril-juin 2023)

Le podcast d’Autant en emporte l’histoire du samedi 1er octobre 2022 sur France Inter

Jean Doisy, la guerre de Spirou (radiofrance.fr)

avec Christelle Pissavy-Yvernault


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