Expo BD & Cinéma


Expo : Bande dessinée & Cinéma
Halle Freyssinet, Amiens
jusqu’au 25 juin 2023

A découvrir parmi les nombreuses expositions plus belles les unes que les autres aux rdv bd Amiens : l’exposition Bande dessinée & Cinéma : deux arts en dialogue créée par le Pôle BD Hauts-de-France, qui, comme son nom l’indique met en lumière les convergences entre ces deux média et comment ils se nourrissent l’un de l’autre à travers le regard croisé de dix-sept auteurs et dessinateurs.

A l’entrée de l’expo, l’affiche réalisée par Olivier Supiot, est conçue comme une affiche de cinéma avec le nom des trois commissaires Gilles Hautière, Alexandra Maringer et Justin Wadlow en lieu et place de celui du réalisateur. Ayant eu toute latitude quant à sa réalisation, la présence de la lune, véritable symbole du début du cinéma s’est imposée au dessinateur ainsi que l’envie de souligner le « caractère intemporel du cinéma avec un imaginaire enfantin ». Les nuages et cette nuit « américaine » lui confèrent le caractère intemporel. Il a opté pour un trait enfantin pour la représentation des personnages, personnages mythiques eux aussi : Charlot, Marilyn, Tati et de dos ce cow-boy, représentant à lui seul de ce genre qu’est le western. Un personnage, une actrice, un réalisateur, un genre : le compte y est.

Au centre de cette exposition, une reproduction de la Tour Perret autour de laquelle gravitent trois espaces : « La bande dessinée parle du cinéma » , « Le cinéma parle de la bande dessinée » et entre ces deux espaces, « Le cinéma dialogue avec la bande dessinée. »

La bande dessinée parle du cinéma

Dès notre entrée dans le premier espace, par la présence des projecteurs et de ces murs blancs semblables à des écrans de cinéma, nous pénétrons d’emblée dans l’univers du 7ème art.

Ces écrans géants accueillent les planches de huit dessinateurs et dessinatrices qui ne vont pas se suivre mais se répondre car l’intention des commissaires de l’expo était de croiser les regards qu’ils portent sur le cinéma. A l’intérieur de chacune des quatre thématiques La naissance du cinéma, Les montreurs d’ombres, Silence, ça tourne ! et Hollywood(land) exposées dans cet espace, on a des passerelles.

Ainsi, concernant Alice Guy qui apparaît dans Les pionniers. la machine du diable de Dorison, Maric et Hostache (Rue de Sèvres 2022) et dans Alice Guy de Catel et Bocquet (Dargaud, 2021), on a le même personnage, Alice Guy, qui regarde la même scène : les premières images de cinéma.

La naissance du cinéma

La première thématique, bien évidemment, est la naissance du cinéma et revient sur les origines techniques, artistiques et commerciales du 7e art. On y découvrira à travers les planches tirées des albums Les pionniers, et Alice Guy mis en parallèle, ces pionniers que furent entre autres Alice Guy, première réalisatrice de fiction de cinéma, Méliès, premier réalisateur de documentaire de cinéma, Gaumont.

Les montreurs d’ombres

Le titre fait référence au magicien Prospero qui fait apparaître et disparaitre tempêtes et bateaux dans la Tempête de Shakespeare.

« À l’image du Prospero de Shakespeare sur son île, le réalisateur est un magicien qui change le monde pour le plier à ses rêves.

Cet espace est consacré aux premiers réalisateurs et acteurs : Charlie Chaplin, Jacques Tati, Alfred Hitchcock et Maximus Wyld, acteur fictif né sous la plume de Loo Hui Phang vont venir rejoindre Méliès et Alice Guy.

On y retrouve Alice Guy en temps que première cinéaste à raconter une histoire. Des liens sont établis entre ces différents personnages : Alice Guy rencontre Charlie Chaplin à Hollywood dans la bd de David François avant que Charlot, le personnage créé par Chaplin n’entre en résonance avec Monsieur Hulot, le personnage créé par Tati, qui lui va courir tout le long de l’espace pour nous amener sur les plateaux de tournage.

Olivier Supiot et Justin Wadlow

« Dans le livre, il m’a paru intéressant de faire un parallèle entre Charlie Chaplin et Monsieur Hulot. Il faut savoir que Jacques Tati n’aimait pas du tout qu’on lui dise qu’il était le Charlie Chaplin français. C’est quelque chose qui lui déplaisait particulièrement parce que ses modèles c’étaient plutôt Buster Keaton, Harold Lloyd W.C. Fields ou encore Laurel et Hardy. 

D’où l’envie de différencier les deux personnages et de les mettre en frontal en direct avec ces petites flèches et les textes bien sûr que l’on retouvera dans l’album.

Charlot a plutôt tendance à provoquer les accidents volontairement tandis que Monsieur Hulot est plutôt dans une forme d’inconscience catastrophique… ce qui fait aussi de lui un personnage si attachant et un peu lunaire. »

Olivier Supiot, lors de la visite commentée de l’exposition

Silence, ça tourne!

Tournage Alice Guy

On découvre ou retrouve la magie des plateaux de tournage de Méliès à Hollywood, en passant par Alice Guy, Charlie Chaplin et Tati toujours, sorte de fil rouge qui nous permet de passer d’un espace à l’autre.

Des plateaux de tournage bien différents : la plage pour Les vacances de Monsieur Hulot de Tati, les grands studios hollywoodiens à travers les planches de Hugues Micol dans Black-out.

Une façon aussi de révéler non seulement le côté magique mais aussi le côté kitsch à travers le plateau de tournage d’Hollywoodland de Zidrou ou tyrannique à travers les planches de David François évoquant le tournage du Kid. Et des plateaux de tournage hollywoodiens à Hollywoodland, il n’y a qu’un pas.

Tournage Chaplin

Hollywood(land)

Hollywood avec ses grands films, ses fêtes, ses excès est devenu un mythe mais ça a d’abord été un lieu. Et la quatrième thématique est là pour nous le rappeler.

Hollywoodland, c’est à l’origine un panneau publicitaire dans les années 30 installé pour vendre des terrains. Une faillite a suivi mais les lettres sont restées enfin presque : il n’est resté qu’Hollywood. Lors de la restauration dudit panneau dans les années 60, les lettres disparues l’ont été à jamais. On retrouve ici Hollywoodland à travers les planches de Hugues Nicol et David François et les cartes postales d’Hollywoodland.

La bande dessinée dialogue avec le cinéma

Cet espace va servir de passerelle, faire le lien entre les deux autres en faisant dialoguer 7e et 9e arts.

Les dessins tirés de Version Originale sous-titrée français de Jean-Claude Götting, arrêts sur image de films imaginaires nés de l’esprit de l’auteur sont une porte ouverte à l’imagination du visiteur tout comme les planches muettes tirées de Dernier Souffle de Thierry Martin. Tous deux jouent avec les codes du cinéma pour nous raconter une histoire, des histoires.

Le visiteur de l’expo pourra même s’essayer à monter son propre film ou du moins une séquence à partir d’une série de reproductions de planches extraites de  Dernier souffle.

Götting Version originale sous-titrée français

Thierry Martin, invité du Son des Bulles sur RCN 90.7 (6 avril 2023)

Comment est né l’album Dernier souffle?
Dernier souffle à Amiens

Dans ce même espace, un mur accueille les propos de Loo Hui Phang autour de l’invisibilité des minorités à Hollywood.

Le cinéma parle de la bande dessinée 

Ce dernier espace repose sur la transposition en film de la bande dessinée La guerre des Lulus.

Après Loo hui Phang, ce sera également l’occasion de découvrir la méthode de travail d’un autre scénariste Régis Hautière ainsi que le passage de la BD au film à travers une série de panneaux « De la case à l’écran » sur la guerre des Lulus décrivant en détail les différentes étapes. Dans cette partie immersive, le visiteur a accès à de nombreux documents : planches originales, photos … ainsi qu’à différents accessoires, costumes, éléments de décors … qui proviennent du film.

Le mot des sénaristes et dessinateurs

Lors du week-end d’ouverture du festival, les visiteurs ont eu la chance de pouvoir assister à deux visites menées par un commissaire de l’exposition, Justin Wadlow : une sur les débuts du cinéma commentée par Damien Maric, l’autre autour de l’affiche de l’expo et Tati avec Olivier Supiot et David François en guest star.

Les dessinateurs tous comme les trois scénaristes Régis Hautière, Arnaud Le Gouëfflec et Loo Hui Phang lors de la table ronde « Écrire pour la bd à l’épreuve du cinéma » ont tenu le même discours :

Si Cinéma et bande dessinée ont un bien langage commun (gros plan, plan panoramique champ-contrechamp …), les procédés de narration et la gestion du temps sont totalement différents.

Une autre différence majeure qui peut faire réfléchir quant au choix du medium est la contrainte budgétaire.

Les albums

CATEL et José-Louis BOCQUET, Alice Guy, Dargaud, 2021.

Guillaume DORISON, Damien MARIC, Jean-Baptiste HOSTACHE, Les Pionniers. La machine du Diable, Rue de Sèvres, 2022.

Frantz DUCHAZEAU et Fabien VEHLMAN, Le Diable Amoureux et autres films jamais tournés par Méliès, Dargaud, 2009.

David FRANCOIS et Laurent SEKSIK, Chaplin en Amérique, Rue de Sèvres, 2019.

David FRANCOIS et Laurent SEKSIK, Chaplin Prince d’Hollywood, Rue de Sèvres, 2021.

HARDOC et Régis HAUTIÈRE, La guerre des Lulus, tomes 1 à 10, Casterman, 2013/2023.

Jean-Claude GÖTTING, Version Originale, sous-titrée Français, Virages Graphiques, 2022.

Éric MALTAITE et ZIDROU, Hollywoodland, Fluide Glacial, 2022.

Thierry MARTIN, Dernier souffle, Soleil, 2021.

Hugues MICOL et Loo HUI PHANG, Black-out, Futuropolis, 2020.

Nicolas PITZ, La bobine d’Alfred, Rue de Sèvres, 2018.

Olivier SUPIOT et Arnaud LE GOUËFFLEC, Tati et le film sans fin, Glénat, 2023.

Texte et photos de Francine VANHEE

POUR ALLER PLUS LOIN

Autour de Jacques Tati

Une expo hors les murs

Tati et le film sans fin

au Centre culturel Jacques Tati

Jusqu’au 25 juin

La chronique de l’album

Cliquez sur la photo

Autour de Loo Hui Phang

La chronique de Black-out

Expo et rencontres à SoBD 2022

Cliquez sur les photos

Autour dAlice Guy


Laisser un commentaire