Les Idolâtres

Scénario : Joann Sfar
Dessin : Joann Sfar
Couleur : Brigitte Findakly
Éditeur : Dargaud
208 pages
Prix : 27,00 €
Parution : 26 janvier 2024
ISBN 9782205208597
Ce qu’en dit l’éditeur
Après La Synagogue, Joann Sfar replonge dans son passé et son enfance, après la mort de sa mère qui aboutit à un sentiment de vide étourdissant pour cet enfant. À l’occasion d’une analyse, Joann revient sur cet événement et explique à son psy ce qui a fait qu’il a préféré embrasser la vie, s’adonner sans limite à sa passion : l’art (la peinture et la bande dessinée en tête), ce qui fait qu’on se sent vivant, notamment par l’acte de la création par le dessin et l’écriture.
« Un vide, ça se remplit », lui confie son psy. Le seul fait de fabriquer des images permet de remplir ce vide et de créer de nouveaux souvenirs : Joann avoue qu’il accorde ainsi beaucoup d’importance aux images. Cet échange vient aussi en écho d’une conversation, lorsqu’il était plus jeune, avec un rabbin. Peut-on figer le souvenir d’un défunt, de sa propre mère, par une image ? Lorsqu’on s’en remet à une image plutôt qu’au monde, cela ne devient-il pas de l’idolâtrie ? Une image interdit-elle toute forme de dialogue ou de confrontation au monde ? Ou, au contraire, dessiner et surtout raconter (le propre de la bande dessinée) n’est-il pas une forme de liberté, d’ouverture et de compréhension du monde qui nous entoure ? Finalement, n’est-ce pas là une forme de thérapie ?…
Par un jeu d’allers et retours à différents moments de sa vie et par le biais de nombreux intervenants, Joann revient sur les actes fondateurs de son existence, entre la perte de sa mère disparue trop tôt et son propre chemin qui l’a amené à se consacrer à la création dont le dessin, parfois de façon compulsive, comme on embrasserait une religion.
À la fois récit philosophique et introspectif, cette histoire permet à l’auteur de se livrer avec une sincérité rare, livrant une véritable réflexion sur le sens de la vie. Un livre puissant, touchant, d’une grande intelligence et, finalement, une ode à la vie !

Dans La Synagogue, album centré sur la figure du père, Joann Sfar revenait sur sa jeunesse niçoise dans les années 80 sur fond d’antisémitisme et montée de l’extrême droite et s’interrogeait sur son rapport à la masculinité et au judaïsme.
Dans Les Idolâtres, centré sur sa mère ou plutôt l’absence de sa mère, il remonte encore plus loin dans son passé, plonge dans son enfance et nous livre par le biais d’anecdotes, rencontres déterminantes et réflexions passionnantes un récit kaléidoscopique introspectif conjuguant judaïsme, deuil et dessin, nous offrant les clés de son univers, son goût pour l’image tout en tentant de répondre à cette question existentielle sur le besoin vital pour lui de dessiner.
Les deux albums sont parus aux éditions Dargaud.
« Le dessin, c’est la vie »
Sa religion ? le dessin. L’écriture ou la vie, le mantra de Jorge Semprún. Le dessin, c’est la vie, celui de Joann Sfar.
Alors Joann Sfar, Les Idolâtres c’est quoi ?
Joann Sfar au mahJ le 3 décembre 2023

De son premier souvenir, la contemplation d’une coquillette – sa caverne de Platon – à sa première publication en 1991, Joann Sfar revisite et décortique ce qui a fait de lui l’homme et le dessinateur qu’il est aujourd’hui. Il n’a pas encore quatre ans au décès de sa mère disparue à l’âge de 26 ans. Il n’apprendra sa mort que deux ans plus tard. Entretemps, la version familiale sera qu’elle est partie en voyage. D’elle, il n’a aucun souvenir. Ne lui restent que les photos.

Adulte, il s’interroge sur sa fascination pour l’image qui pourrait mener à l’idolâtrie. C’est à travers ses séances autofictionnelles de psychanalyse et ses conversations avec un rabbin qu’il nous fait cheminer au cœur de sa pensée et du monde de la représentation : Différenciation entre le vide et le manque chez la psy, non représentation du défunt dans la religion juive afin de ne pas figer le souvenir.

Le deuil : Manque ou vide ?
« Plus que du deuil, je parle de l’absence de souvenirs de ma mère, qui ouvre la porte à toutes sortes d’inventions et de fictions, et qui est sûrement le point de départ de mon intérêt pour le dessin ».

Ce manque, ce vide – un vide ça se remplit, dixit sa psy – il va le combler par la création de ses propres images et sa propre dramaturgie.
Ce n’est pas la première fois qu’il aborde la thématique du deuil à travers les yeux d’un enfant. Dans la série Petit vampire (7 tomes parus chez Delcourt entre 1999 et 2005) dont Michel, son alter ego de papier est orphelin, il a mis beaucoup de sa propre enfance.
Et puis bien sûr, dans Le chat du Rabbin, le chat, c’est lui.
Arrêt sur images

La splendide couverture de l’album syncrétise le monde selon Joann Sfar. C’est quasiment une peinture religieuse, une vierge à l’enfant qui s’inspire d’une photo de lui bébé dans les bras de sa mère qui, avant d’être reprise dans les tons de Petit Vampire, rappelle par sa composition et ses couleurs celle du premier tome du Chat du Rabbin. Et cela va être pour le dessinateur l’occasion de nous donner comme il le dit lui-même les clés du Chat du Rabbin.


Les clés du Chat du Rabbin
Joann Sfar au mahJ le 3 décembre 2023

Comment se faire publier ?
Outre le côté intime, Sfar aborde le côté professionnel : Ses années de formation aux Beaux-Arts, l’importance de son professeur Jean-François Debord qui jugeant les cours d’autopsie inutiles les avait supprimés, les rencontres déterminantes avec Moebius et Sempé mais également Jacques Rouxel, le créateur des Shadoks sans oublier l’elficologue Pierre Dubois ou le philosophe Clément Rosset dont il a été l’élève.

On apprend que son goût pour l’aquarelle lui vient de Reiser suite à la colorisation par ce procédé de Gros Dégueulasse dans une émission télé.

L’autre découverte déterminante sera celle de l’œuvre de Chagall au musée de Nice vers l’âge de sept ans qui le désinhibera quant à la technique.

Les images et les mots pour le dire
« Refabriquer ses propres images, même à partir des drames du réel, c’est une manière de redevenir acteur de notre existence. »
L’ancien étudiant en philo qui aimerait qu’on considère le dessin comme une science humaine fait dialoguer à la fois par le verbe et l’image questionnement philosophique, poésie et humour parfois potache.
Côté représentation, il joue avec les échelles, la perspective et la temporalité de son trait jeté extrêmement dynamique. Le formidable travail de Brigitte Findakly, sa coloriste depuis Le Chat du Rabbin crée les ambiances et apporte une grande lisibilité à son dessin foisonnant.
La couleur
Joann Sfar au mahJ le 3 décembre 3023
Les Idolâtres? Du grand Joann Sfar! Un album à son image : touchant, drôle, foisonnant, débordant de vie car il ne faut pas oublier que dans ses albums « Personne ne meurt sans [son] autorisation. »

POUR ALLER PLUS LOIN
L’exposition
Première rétrospective en France consacrée à Joann Sfar, l’exposition Joann Sfar La vie dessinée qui se tient du 12 octobre 2023 au 12 mai 2024 au musée d’art et d’histoire du Judaïsme retrace plus de trente de création de l’artiste à travers environ 250 planches et dessins, de nombreux carnets ainsi que des photos et vidéos.

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La chronique du dernier tome du Chat du Rabbin
La traversée de la mer Noire



