LE FAUVE DE CORLEONE


Le Fauve de Corleone

Le Fauve de Corleone
Scénario : Jean-David Morvan
Dessin : Facundo Percio
Éditeur : Delcourt
128 pages
Prix : 19,99 €
Parution :  10 janvier 2024
ISBN 9782413044451

Ce qu’en dit l’éditeur

Comment un pauvre paysan du village de Corleone devint le plus sanguinaire des parrains de la Cosa Nostra ? Un album terriblement spectaculaire de JD Morvan ( Madeleine résistante , Simone ) et Facundo Percio ( Les Croix de boix ).

Salvatore « Totò u curtu » Riina, était connu sous le pseudonyme de La Belva (Le fauve). Nous allons suivre sa vie des champs, de Corleone au sortir de la guerre, son impitoyable ascension au sein de la mafia sicilienne jusqu’à l’attentat en 92 contre le juge Falcone et le procès hors-norme qui le condamna définitivement. C’est le récit de l’ascension du mal, dans un monde pétri de valeurs morales.

Dans Le fauve de Corleone « Vie et mort de Totò Riina, parrain de la Cosa Nostra. » paru en ce début d’année aux éditions Delcourt, Jean-David Morvan au scénario et Facundo Percio assisté de Vladimiro Merino et Facundo Teyo au dessin et à la couleur nous livrent un récit absolument passionnant retraçant l’ascension jusqu’au sommet et la chute d’un des plus sanguinaires parrains siciliens qui sema la terreur dans les années 80-90 en s’attaquant non seulement aux autres familles de Cosa Nostra mais également à l’état italien et dont le point culminant resté dans toutes les mémoires est le spectaculaire attentat contre le juge anti-mafia Giovanni Falcone en 1992.

Palerme, 18 mai 1939

Une blanche colombe survole la ville comme un heureux présage pour celui qui vient de voir le jour, le petit Giovanni Falcone. Présage ô combien mensonger quand on sait le destin tragique du juge Falcone.

Corleone, Sicile, 11 septembre 1943

Le jeune Salvatore travaille aux champs avec son père et ses frères.

Voix off:

– Je suis un agriculteur. Un paysan qui travaille honnêtement, comme ma famille, mes parents, mes grands-parents.

– Ça, c’est ce que tu as dit aux juges, en avril 1993 lors de ton procès.

Autoroute reliant l’aéroport Punta Raisi à Palerme, 23 mai 1992

600 kilos d’explosifs font sauter l’autoroute au passage du juge Falcone.

D’une explosion à une autre …

Retour au 11 septembre 1943 à Corleone où la manipulation d’un obus allemand causera la mort de son père et de l’un de ses frères, en handicapera un autre. Salvatore ou Totò comme l’appelait affectueusement son père ou encore « u curtu » – « le petit » en sicilien – comme, se moquant de sa petite taille, le surnommaient les autres, est alors âgé de 13 ans.

À partir de là on va suivre son passage du travail aux champs à la Cosa Nostra, son ascension au sein de l’organisation, le maxi-procès de Palerme en 86-87 pour lequel on construisit une salle spéciale octogonale permettant d’accueillir simultanément 474 accusés, leurs avocats, les juges, les carabiniers, les témoins, les traducteurs et les journalistes qui vit sa condamnation par contumace jusqu’à l’attentat en 92 contre le juge Falcone et son arrestation 8 mois plus tard après des années de cavale.

Instigateur de la seconde guerre de la mafia, conflit interne à Costra Nostra qui fit environ un millier de morts au début des années 80, « capo dei capi » , il s’attaqua également à l’état italien, en commanditant l’assassinat de ceux qui se mettaient en travers de son chemin tel en 1982 Carlo Alberto dalla Chiesa, tout juste nommé préfet de Palerme pour lutter contre la Mafia ce qui conduira l’État italien à proclamer ses premières lois anti-mafia comprenant notamment le délit d’association mafieuse et la possibilité de saisie des biens. Si le nom de Falcone est resté dans les mémoires, il y en a eu bien d’autres ne serait-ce que son collègue avec lequel il travaillait en étroite collaboration au sein du pôle anti-mafia le juge Paolo Borsellino qui fut assassiné 2 mois plus tard.

De « u curtu à « la Belva« 

Comment ce jeune garçon, fils de modestes paysans d’un petit village sicilien, élevé dans la morale chétienne devint-il « le fauve de Corleone » ?

Telle est la question posée en quatrième de couverture à laquelle le récit va répondre.

Alors il y a le contexte de l’époque bien sûr : le tragique évènement familial qui l’a propulsé chef de famille à l’âge de 13 ans, la misère d’après guerre, son esprit frondeur, prompt à la bagarre qui le conduira à tuer son adversaire lors d’une rixe à l’âge de 19 ans.

Mais cela n’explique pas son sinistre palmarès : une quarantaine de meurtres perpétrés de sa propre main, plus d’une centaine commandités. Mû par une ambition exponentielle, une soif de pouvoir inextinguible, il fit preuve d’une telle cruauté et d’un tel manque d’empathie qu’on le surnomma la Belva.

Les « hommes d’honneur » de Cosa Nostra

Outre le portrait d’un homme, les auteurs nous brossent celui de tout un système et nous permet de mieux comprendre les rouages de l’organisation et de la lutte contre celle-ci : Des campieri, ces gardiens engagés par les propriétaires terriens, recrues de choix pour la mafia jusqu’à la coupole, organisme de gouvernement de Cosa Nostra sur l’île dont l’existence a été dévoilée en 1984 par les révélations d’un des premiers à briser l’omertà : le repenti Tommaso Buscetta dont la famille avait été décimée par Toto Riina. Ce sont ces révélations faites au juge Falcone qui conduiront à de nombreuses arrestations et au fameux maxi-procès de Palerme.

Un récit à deux voix

Tout en en livrant un récit extrêmement documenté et très riche factuellement, Jean-David Morvan évite le piège du didactisme en usant ici d’un astucieux procédé scénaristique qui rappelle celui de Pierre-François Radice pour son Al Capone. Les mafieux sont tous deux incarcérés et reviennent sur leur passé. Al Capone s’adressait à sa mère, Totò Riina, à un mystérieux interlocuteur dont on découvrira peu à peu l’identité, une façon de nous faire pénétrer dans la psyché du personnage, de le mettre face à ses contradictions. Nous sommes alors en 2017 dans la prison de haute sécurité de Parme et le vieux fauve atteint d’un cancer n’a plus que quelques mois à vivre.

Le lettrage de Raphaël Ribeiro vint renforcer la lisibilité : lettres capitales pour l’action, minuscules pour la voix off de Riina et minuscules toujours mais en italique pour son interlocuteur.

Une narration graphique époustouflante

Le tout est servi par la mise en scène spectaculaire et la mise en page extrêmement variée et ultra dynamique de Facundo Percio jouant avec les codes de la bd, sortant des cases, offrant des pleines pages époustouflantes, usant avec une grande subtilité des variations de bichromie : ocre, sépia, carmin, gris bleuté … lors des changements de lieu ou de temporalité ce qui confère une grande lisibilité au récit.

Outre son trait charbonneux qui sied à merveille à ce genre de récit, on retrouve là toute la virtuosité du dessinateur argentin dont ce n’est pas la première collaboration avec JD Morvan.  Ils avaient déjà réalisé ensemble deux albums absolument remarquables Les Croix de bois (2020) et La ferme de l’enfant-loup (2021) chez Albin Michel. Facundo Percio a également signé plusieurs couvertures de de la série « les serial killer » scénarisée par Jean-David Morvan chez Glénat.

Ne ratez pas ce récit impeccable et implacable qui restitue de façon magistrale un pan de l’histoire de Cosa Nostra en en dévoilant les rouages. Il suffit d’aller voir le documentaire en deux parties Corleone, le parrain des parrains sur Arte pour voir à quel point la bd solidement documentée tant dans la narration que dans la représentation graphique est juste !

POUR ALLER PLUS LOIN

« Au début des années 80, la guerre entre les parrains de la mafia sicilienne est à son comble. Tommaso Buscetta, membre de Cosa Nostra, fuit son pays pour se cacher au Brésil. Pendant ce temps, en Italie, les règlements de comptes s’enchaînent, et les proches de Buscetta sont assassinés les uns après les autres. Arrêté par la police brésilienne puis extradé, Buscetta, prend une décision qui va changer l’histoire de la mafia : rencontrer le juge Falcone et trahir le serment fait à Cosa Nostra.« 


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