Expo Les Illuminés
Festival Cabaret vert
Maison des Ailleurs, Charleville-Mézières
du 5 juillet au 22 septembre 2024


Le Cabaret vert, c’est le rock bien sûr mais c’est aussi la bd avec pas moins de 70 auteurs en dédicaces et 6 expositions dont Les illuminés. Réalisée en partenariat avec le musée Arthur Rimbaud, cette très intéressante exposition installée jusqu’au 22 septembre 2024 à la Maison des Ailleurs, maison où a vécu Arthur Rimbaud adolescent durant sa période de création poétique de 1869 à 1875, met en regard les œuvres du musée et certains passages de l’album Les illuminés de Jean Dytar et Laurent-Frédéric Bollée paru aux éditions Delcourt l’an dernier.
Les festivaliers ont eu la chance de pouvoir parcourir l’exposition en compagnie de Jean Dytar, coscénariste et dessinateur de l’album et Carole Marquet-Morelle directrice du Musée.
« On a pu concevoir une exposition dans l’esprit qui joue vraiment avec le lieu en interaction avec l’esprit de l’album et la structure du livre c’est à dire que la Maison des Ailleurs a été vidée de tout meuble, les murs sont même déshabillés des anciennes tapisseries et ils ont conçu les lieux avec des marques au sol qui représentent les cartes de certaines villes dans lesquelles Rimbaud est allé. Mon livre est structuré en chapitres qui voyagent à droite à gauche et du coup l’exposition joue un peu ce jeu là; on passe de pièce en pièce, de ville en ville et ça fonctionne bien. L’autre chose chouette, c’est que l’idée a tout de suite été posée de faire résonner les documents du fonds du musée Rimbaud ou des prêts qu’on a pu obtenir de certaines lettres, de certains manuscrits originaux de certaines éditions originales des Illuminations, d’Une saison en enfer, de certains objets aussi.«
La visite commence au premier étage.
Première salle : Bruxelles




Durant la période de l’écriture des Illuminations, les poètes Rimbaud, Verlaine et Germain Nouveau n’ont cessé de se croiser mais toujours par paire, jamais les trois ensemble. C’est cette situation qui a amené Jean Dytar à la narration en simultané d’épisodes qui se passent au même moment mais pas au même endroit, deux personnages vivant quelque chose alors que le troisième est ailleurs.
« On a essayé de rassembler à chaque fois quatre pages qui forment une suite narrative, qui permettent d’avoir un peu de matière à lire et ça permet aussi de parler un peu du dispositif de narration de ce livre qui est une expérience particulière avec un jeu sur la simultanéité des narrations et des situations.«
Dans cette séquence, Rimbaud et Verlaine se voient pour la dernière fois à Stuttgart après la sortie de prison de ce dernier alors que Germain Nouveau lui est à Bruxelles.

Le fait d’exposer une suite de quatre planches, qui précisons-le ne sont pas des originaux puisque le dessinateur a travaillé en numérique sur iPad, met bien en évidence son processus narratif offrant plusieurs lectures possibles.
Une lecture linéaire


Une lecture verticale

et rien ne nous empêche de mixer les deux …
Ici, comme dans d’autres pièces, sur les vitres sont imprimés les fac-similés du parvis de la cathédrale d’Aix-en-Provence, rappelant une autre ligne narrative.


En effet, le livre est structuré en chapitres, chaque chapitre correspondant à une tranche de vie des protagonistes. Entre chaque chapitre, vient s’intercaler une double page du parvis de la cathédrale avec le personnage d’un mendiant qui petit à petit va nous conduire à la fin de l’album et nous dévoiler son identité.


Dans cette pièce, un portrait de Verlaine, une pipe Gambier, modèle de la pipe que fumait Rimbaud, une lettre de Stuttgart de Rimbaud à ses parents, une des deux seules lettres connues durant son voyage en Europe ainsi que le texte écrit par Verlaine plus de dix ans après leur dernière rencontre qui exprmime toute l’admiration et l’amour qu’il éprouvait pour Rimbaud malgré tout.




Deuxième salle : Londres




Trois épisodes des Illuminés se déroulent à Londres.
Rimbaud s’est d’abord rendu à Londres avec Verlaine en 1872, puis avec Germain Nouveau en 1874 pendant la période de l’écriture des Illuminations alors que Verlaine est en prison. En 1875, c’est à Londres qu’aura lieu la première rencontre entre Germain Nouveau et Verlaine.
Un besoin d’ailleurs



Deux exemples de jeux visuels où les personnages se font écho dans les deux dernières planches
Personnage à sa fenêtre


Personnage en déséquilibre


Dans cette pièce, Le portrait de Rimbaud à la pipe par Verlaine, le manuscrit de Promontoire, un poème des Illuminations et Poison perdu, poème sans signature que d’aucuns attribuent à Rimbaud d’autres à Germain Nouveau.
Rimbaud ou Nouveau?



Troisième salle : Charleville



À cette période Rimbaud s’était mis au piano, d’où la présence du piano dans cette salle.
Un des éléments importants de la pièce est la reproduction du tableau L’absinthe de Degas car c’est une source d’inspiration picturale à laquelle Jean Dytar a pensé dès le début du projet : travailler la touche, la matière, la lumière comme les impressionnistes. Le choix du monochrome va apporter une touche photos anciennes.
L’absinthe

On va trouver ici une des deux séquences où il y a 3 lignes narratives puisque les personnages sont tous trois à des endroits différents. Rimbaud, lui, est à Charleville au moment de la mort de sa sœur. C’est la seule séquence qui se déroule dans cette ville d’où on ne verra finalement pas grand-chose.

« L’absinthe m’a servi littéralement de décor pour la scène du bas où on voit Germain Nouveau qui est dans un coin et puis un autre personnage à un moment. Il y a là un jeu de citation.«
L’autre élément important est le dessin d’Ernest Delahaye, un ami d’enfance de Rimbaud devenu par la suite également ami avec Verlaine et Germain Nouveau qui le représente crâne rasé. Cela fait référence au fait qu’à la mort de sa sœur, Rimbaud s’était rasé la tête. On ne le voit pas dans l’exposition mais c’est à la fin de cette séquence que Rimbaud se rasera la tête.


Quatrième salle : Paris



Dans cette scène parisienne, Germain Nouveau fait la rencontre de Rimbaud au jardin du Luxembourg après l’avoir aperçu au café Tabourey aujourd’hui disparu, situé alors derrière le jardin. Là aussi il va y avoir jeu visuel entre les grilles du jardin et celles de la prison où se trouve Verlaine après avoir tiré sur Rimbaud, scène qui ne sera pas montrée mais relatée par un agent de police à un autre moment dans l’album.

« Rimbaud se met entre les grilles et là il y a aussi un jeu graphique du rapport au sentiment d’être en liberté et au sentiment de se sentir malgré tout prisonnier dans sa vie en quelque sorte et le jeu de la grille et de la cage.«



Dans cette pièce, un révolver, la même arme que celle avec laquelle Verlaine a tiré sur Rimbaud, une photo de la prison de Mons où il était détenu, le poème Crimen amoris (Crime d’amour) écrit en prison, la première édition d’Une saison en enfer et un dessin de Cazals représentant Rimbaud avec l’ombre de Verlaine.




Nous quittons le premier étage pour le deuxième et sommes accueillis en haut de l’escalier par un stop motion révélant la genèse de la couverture. C’est l’un des privilèges réservés aux visiteurs. Ne pouvant leur montrer de planches originales, Jean Dytar leur fait découvrir par ce biais les différentes recherches et étapes de la réalisation de cette superbe illustration, véritable tableau en soi.

La couverture
Cinquième salle : Europe



Dans cette pièce, on va trouver une seule séquence narrative et des planches faisant référence à diverses destinations.

Explications de scènes
Mise en écho
Répétition de cadrage


On frappe à la porte …

Jeu autour du jonglage
Situation de mal être





Mise en parallèle de l’abandon de la vie artistique et littéraire de Rimbaud et Germain Nouveau qui contrairement à Rimbaud, par la dimension mystique qu’il partage d’ailleurs avec Verlaine parviendra à trouver sa voie.

Dans cette pièce, une copie de la main de sa sœur Isabelle d’une lettre de Gênes à ses parents, une lettre d’Ernest Delahaye qui évoque les nombreux voyages de Rimbaud et un plan de Vienne ayant appartenu à Rimbaud.



Sixième salle : Harar



C’est là, dans cette ville de l’est de l’Éthiopie qu’Arthur Rimbaud a vécu ses dernières années. Deux lettres de Rimbaud à sa famille ont été prêtées au musée pour l’exposition. La première datée d’août 1885 avant son expédition de ventes d’armes relate les préparatifs et la seconde écrite deux ans après ses désillusions.



La séquence prend place en 1886 au moment de la première publication des Illuminations. Les auteurs font dialoguer Rimbaud alors en galère avec son âne. Verlaine en pleine déchéance, rongé par l’alcoolisme, est en discussion avec l’éditeur des Illuminations alors que Germain Nouveau, lui vit une période douce-amère, sa compagne du moment, malade, lisant un de ses poèmes.

Dans cette pièce, outre les deux lettres, trois photos et une première édition des Illuminations.




Septième salle : Aden


On arrive ici à la fin du livre. Ellipse. Le fil narratif avec le parvis de la cathédrale nous conduit en 1903. Je n’en dirai pas plus afin de laisser le plaisir de la découverte de cette conclusion à ceux qui n’ont pas encore lu l’album.

Dans cette pièce, Quelques amis, les deux poèmes de Verlaine dédiés à Rimbaud et Germain Nouveau dans la revue Le Chat noir, une photographie inédite de Germain Nouveau en cours d’identification redécouverte lors des recherches pour l’exposition et une très émouvante lettre de Germain Nouveau de passage à Alger adressée à Rimbaud alors que celui-ci était déjà mort depuis deux ans …




Les dessous de la création

La dernière pièce est dédiée au processus créatif de l’album : travail collaboratif avec Laurent-Frédéric Bollée et recherches picturales où l’on voit que le monochrome tout comme l’utilisation de l’iPad ont été précédés d’autres techniques.
Les différentes étapes

Essais à la peinture acrylique



De l’acrylique au numérique
Du pinceau à l’iPad

Essais au lavis



Tirage d’art de la librairie Esprit BD de Clermont-Ferrand

« Le visiteur peut découvrir les secrets cachés derrière la longue et périlleuse publication des « Illuminations » et l’impact que cette œuvre a eu sur les amis de Rimbaud »
J’ajouterai à ces propos de Carole Marquet-Morelle, la directrice du musée que cette visite permet également de découvrir les secrets cachés derrière la création des Illuminés.
Les citations de Jean Dytar et les extraits sonores sont tirés de la visite commentée du samedi 17 août réalisée dans le cadre du Cabaret vert.
Texte et photos de Francine VANHEE










Une réponse à “Expo « Les Illuminés »”
👏👏👏
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