Série « Un putain de salopard »

T1 Isabel
Scénario : Régis Loisel
Dessin : Olivier Pont
Couleur : François Lapierre
Éditeur : Rue de Sèvres
88 pages
Prix : 18,00 €
Parution : 16 septembre 2019
ISBN 9782369816720
Ce qu’en dit l’éditeur
Max, qui vient d’enterrer sa mère, se retrouve avec pour héritage deux photos d’elle et lui enfant quand ils vivaient au Brésil. Sur chacune d’elles, un homme différent. L’un d’eux serait-il son père ?
Il plonge sur les traces de son passé, vers un camp forestier en Amazonie. Mais ses rêves d’aventure et d’exotisme buteront vite sur la réalité de cette jungle des années 70. Il découvre un territoire gangréné par la violence, les réseaux de prostitutions, et la loi du plus fort.Il s’appuiera sur un joyeux trio déluré dont deux infirmières françaises, et surtout sur une jeune Brésilienne muette, Baïa, indispensable guide. Dans la moiteur tropicale de cet environnement hostile, chacun poursuit ses buts et tente de survivre.


T2 O Maneta
Scénario : Régis Loisel
Dessin : Olivier Pont
Couleur : François Lapierre
Éditeur : Rue de Sèvres
88 pages
Prix : 18,00 €
Parution : 11 novembre 2020
ISBN 9782810202331
Ce qu’en dit l’éditeur
Pour échapper aux hommes de main du camp minier, Max et Baia se perdent dans la jungle. Qu’importe, Baia guide, nourrit et soigne Max.
En s’enfonçant toujours davantage dans cette forêt tropicale, Baia arrive jusqu’à l’épave d’un avion écrasé il y a quelques années. À son bord, le squelette d’une enfant dont les poignets sont encore ligotés. Serait-ce l’épave de cette vieille histoire de kidnapping de la fille du patron de la mine et d’un beau magot détourné ?
De leur côté, Christelle et Charlotte prennent la fuite en direction de chez Corinne. Elles quittent le dispensaire où elles abandonnent un cadavre. Recherchées, les deux infirmières pourront compter sur l’aide de Rego, un vieux flic de la région au passé douteux.


T3 Isabel
Scénario : Régis Loisel
Dessin : Olivier Pont
Couleur : François Lapierre
Éditeur : Rue de Sèvres
80 pages
Prix : 18,00 €
Parution : 26 octobbre 2022
ISBN 9782810202478
Ce qu’en dit l’éditeur
Pour échapper aux hommes de main du camp minier, Max et Baia se perdent dans la jungle. Qu’importe, Baia guide, nourrit et soigne Max.
En s’enfonçant toujours davantage dans cette forêt tropicale, Baia arrive jusqu’à l’épave d’un avion écrasé il y a quelques années. À son bord, le squelette d’une enfant dont les poignets sont encore ligotés. Serait-ce l’épave de cette vieille histoire de kidnapping de la fille du patron de la mine et d’un beau magot détourné ?
De leur côté, Christelle et Charlotte prennent la fuite en direction de chez Corinne. Elles quittent le dispensaire où elles abandonnent un cadavre. Recherchées, les deux infirmières pourront compter sur l’aide de Rego, un vieux flic de la région au passé douteux.


T4 Le rituel
Scénario : Régis Loisel
Dessin : Olivier Pont
Couleur : François Lapierre
Éditeur : Rue de Sèvres
96 pages
Prix : 18,00 €
Parution : 20 novembre 2024
ISBN 9782810206155
Ce qu’en dit l’éditeur
Herman, mourant, met la main sur le manchot et le contraint à le mener à l’épave de l’avion où repose la dépouille de sa fille. De leur côté, Max et Baïa, accompagnés par Régo, se mettent à la recherche de ce dernier pour obtenir la vérité autour de leurs origines qu’il est le seul à détenir. Tous vont se retrouver réunis au coeur de la jungle pour une ultime confrontation.
Quand on apprend que la maison Rue de Sèvres a signé une association non pas de malfaiteurs mais avec deux grands auteurs pour une série phare, on est intrigué.
Quand on découvre que ces deux auteurs sont Loisel l’auteur des mythiques « La Quête de l’oiseau du temps » et « Peter Pan » et Olivier Pont dessinateur du très poignant « Où le regarde ne porte pas », auteur des inventifs « Desseins » et « Bouts d’ficelle » et réalisateur de courts métrages multi-primés, on est alléché.
Quand on entend le titre provocateur « Un putain de salopard », on est amusé en vrai sale gosse qui se réjouit déjà à l’idée de voir la tête de son libraire quand on réclamera la série à corps et à cris dans son magasin.
Et quand enfin, chaque année, il nous est donné de découvrir régulièrement à l’automne l’un des tomes charnus qui compose cette tétralogie et bien on est tout bonnement charmé !
Pourquoi donc faut-il lire « Un putain de salopard », l’une des meilleures séries de ces dernières années ?

NOSTALGIE ET QUÊTE DU PÈRE
D’abord à cause de l’histoire : nous sommes dans les années 1970, en pleine période où des routards « peace and love » découvraient le monde. La jeunesse de Loisel se déroula à cette époque et il retranscrit bien l’insouciance qui pouvait alors régner. Mais « Un putain de salopard » n’est pas du tout la chronique d’un road trip nostalgique. Max débarque en plein cœur de l’Amazonie peu après la mort de sa mère. Elle lui a légué deux photos prises durant sa petite enfance quand il habitait au Brésil. Sur chacun des clichés, un homme différent le tient dans ses bras. L’un d’eux est son père, oui, mais lequel ?

C’est pour tenter de trouver la réponse que le jeune homme retourne à l’endroit qui l’a vu naître. Comme dans « Le Magasin général » de Loisel et Tripp on a alors une longue mise en place du cadre et des protagonistes dans un village isolé.
En effet, le récit se déroule au moment de la construction de la transamazonienne. Ce chantier pharaonique draine des gens de tous horizons : Charlotte et Christelle un couple d’infirmières venues faire de l’humanitaire dans un dispensaire à l’initiative de leur copine Corinne, une hippie très libérée qui travaille comme serveuse dans le rade du coin, « Le Toucan », tenu par l’accorte Margarida. On croise aussi la route de proxénètes qui se livrent à un trafic de jeunes femmes pour procurer de la distraction aux ouvriers employés dans le camp de déboisement d’Hermann dont les sbires et hommes de main font régner la terreur auprès des autochtones parmi lesquels Mali la guérisseuse spirite et sa fille Baïa une ravissante métisse muette et il y a aussi des orpailleurs venus chercher fortune de tous les coins d’Europe … Pour faire régner un semblant d’ordre dans tout cela, voilà Rego le flic neurasthénique et étonnamment pas corrompu mais souvent débordé. Ainsi, nulle redite avec le récit québécois ! Car si l’on passe de rencontre en rencontre dans les pas de Max on pourrait ajouter que l’on va surtout de surprise en surprise.

UNE HISTOIRE HALETANTE
En effet, le récit s’accélère et l’on quitte bientôt le village et le dispensaire. Max et Baïa d’une part se retrouvent perdus dans la jungle tandis que Christelle, Charlotte et Margarida de l’autre sont la cible de malfrats pour avoir sauvé une jeune fille qui s’était échappée du réseau. Le récit se mue alors à la fois en quête et en enquête et devient un récit initiatique mâtiné de fantastique, un récit d’aventures et aussi en filigrane un récit engagé.

Aux longs plans séquences du début, des pleines pages muettes ou des planches aux cases panoramiques et en plongée se déroulant au village ou dans la jungle, succèdent des scènes de poursuite extrêmement rythmées qui défient le gaufrier et adoptent des cadrages surprenants et dynamiques.


Hitchcock disait que pour qu’un film soit réussi, il faut avoir un vrai méchant et l’on peut dire que les deux auteurs ont retenu la leçon : Mermoz le scélérat de l’histoire est un méchant hyperbolique comme le rappellent les doux noms d’oiseau qui forment le titre ! Il est taillé à la serpe avec une vraie gueule patibulaire. Il prend réellement vie avec son air cauteleux et son regard (borgne) sournois sous le crayon d’Olivier Pont et on adore le détester.
Le dessinateur accorde d’ailleurs dans la pure tradition du cinéma français, une place importante à tous les « seconds couteaux » de l’histoire : tous sont bien individualisés avec des trognes irrésistibles et sont croqués avec maestria dans un style qui devient presque caricatural. Mention spéciale à Galvao le faussaire énamouré de sa mygale !

UNE GALERIE DE PERSONNAGES ATTACHANTS
Hermann, l’autre méchant, est lui bien moins monolithique. Apparemment sans scrupules, il est rongé par un chagrin qui le consume et s’avère beaucoup plus humain qu’on le croit.

C’est l’une des forces du récit : les personnages principaux sont souvent beaucoup plus nuancés qu’ils ne le paraissent au premier abord. Ainsi Charlotte l’infirmière est proie au doute et à la tentation de l’égoïsme. Le héros Max, lui, jeune benêt sympathique, est dans le dernier tome un homme blessé et tourmenté. Moins lisse et beaucoup plus intéressant ! Max est littéralement déniaisé au début du récit dans une scène très drôle mais il devient un homme en se frottant à des réalités qu’il n’imaginait pas dans sa vision un peu simpliste de la vie… Cette évolution du personnage est d’ailleurs graphiquement présentée : dans l’incipit, Pont se sert d’un trait semi-réaliste un peu rond et dans le tome final le trait du portrait est nettement plus anguleux. D’autres personnages enfin, destinés au départ à être de quasi-figurants, vont acquérir au fil des échanges et des ping pong créatifs des deux auteurs une épaisseur qu’eux-mêmes ne leur auraient pas soupçonnée. Ainsi Rego, le flic un peu looser, voit son importance augmenter au fil du récit : il devient un rouage essentiel de l’intrigue, allié de Max dans sa quête ; mais il est aussi développé dans une dimension plus personnelle grâce à son idylle toute en retenue et en délicatesse avec Margarida. On retiendra particulièrement une scène chère aux auteurs qui aurait dû se trouver au tome 3 et a finalement été « repéchée » dans le 4 où, sans un mot, dans une scène nocturne baignée de la belle lumière des couleurs bleutées de François Lapierre (qui officie depuis près de 30 ans sur les albums de Loisel) on découvre l’amour qui lie ces deux personnages.

Sans un mot … c’est aussi ainsi que fonctionne l’histoire du couple de jeunes premiers. Un peu à la manière de celui de Peter et Clochette : Baïa est muette, ses paroles sont « interprétées » par Max mais c’est elle qui le guide … au propre et au figuré dans la jungle et dans la vie.

UNE SÉRIE DISCRÈTEMENT ENGAGÉE
Et c’est là le dernier intérêt, et non des moindres, de la série. Sous l’aventure et la romance surgissent l’engagement et la dénonciation. Dans de rares et percutants flashbacks, Loisel et Pont reviennent sur la catastrophe écologique que fut la percée de la transamazonienne. Ils montrent ainsi combien ce chantier draina de fléaux : épidémies, malfrats, corruption et trafics en tous genres.

Enfin les deux auteurs taillent la part du lion dans leur série non pas à un héros mais à des héroïnes : les personnages forts ce sont les femmes. Elles amènent littéralement le remède par leurs soins au dispensaire (Christelle et Charlotte) ou par leurs talents de guérisseuses (Baïa et Mali) mais aussi métaphoriquement par la chaîne d’entraide qu’elles mettent en place et l’amour qu’elles dispensent d’ici ou …. De l’au-delà ( Corinne, Margarida et Isabel). Ce récit de sororité écrit par deux hommes est alors un récit qui dépasse la noirceur du polar et devient presque « feel good » dans un épilogue aux couleurs lumineuses et au message plein d’espoir. Dans la période actuelle, cela fait du bien !

Une série à glisser assurément sous le sapin !
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Une réponse à “UN PUTAIN DE SALOPARD T1 à 4”
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