LA CREVETTE


La Crevette

La Crevette
Scénario : Zidrou
Dessin : Paul Salomone
Éditeur : Le Lombard
96 pages
Prix : 20,45 €
Parution : 07 février 2025
ISBN 9782808212137

Ce qu’en dit l’éditeur

Ah, si les mannequins du magasin pouvaient parler… Leurs yeux de plastique en ont vu défiler, des employés. Ils en connaissent tous les petits secrets… sauf un ! Un secret minuscule qui se niche chez Séraphin, l’acariâtre patron des lieux. Un secret qu’Aline, la nouvelle dactylo, va découvrir par inadvertance. Et qui pourrait faire du magasin Divine une bien triste comédie, s’il venait à être révélé…

Paul Salomone collabore pour la deuxième fois avec Zidrou. Si pour « Celle qui fit le bonheur des insectes », c’était plutôt au départ un mariage arrangé, l’idylle entre dessinateur et scénariste se poursuit désormais volontairement ! Zidrou bâtit dans ce nouvel album sorti aux éditions Le Lombard une histoire sur mesure pour son co-auteur.

L’HOMME QUI AIMAIT LES FEMMES

Le dessinateur a ainsi décidé de l’époque – fin des années 50 – et du lieu : un magasin de lingerie. Il faut dire que dès « L’homme qui n’aimait pas les armes à feu » on avait remarqué que Salomone c’était plutôt « l’homme qui aimait les femmes ». Au fil des planches nous admirions une Margaux plus ou moins vêtue et moults guêpières et corsets. L’effeuillage fut encore plus systématique dans le poétique « Des plumes & Elle » où, seul aux commandes, il évoquait un peintre qui capturait l’image des belles de nuit…

GALERIE DE PORTRAITS

On retrouve son trait particulier, ses silhouettes gracieuses et aquarellées. Ses filles sont belles et toutes individualisées : des mannequins de la vitrine aux deux héroïnes. Il apporte un soin tout particulier à recréer les silhouettes et la mode de l’époque en s’inspirant du « Jardin des Modes » et de catalogues de lingerie de 1958. Son attention aux détails vestimentaires contribue grandement à caractériser, à la manière d’une costumière de théâtre, les personnages et à les rendre réalistes.

Mais il a aussi un véritable don de caricaturiste. Il crée des trognes et dégaines inoubliables qu’il s’agisse du Gille de Binche neurasthénique, de la femme de ménage aux faux airs de Rosy de Palma ou de Madame Ledoyen raide comme la justice avec sa coiffure d’une autre époque. Son découpage est extrêmement dynamique et les cadrages variés.

36 VUES DE PARIS

On lui découvre également un talent pour les paysages urbains. Certaines planches sont une variation au fil des saisons (l’introduction et la conclusion au jardin des Tuileries par exemple), les décors sont fouillés, qu’il s’agisse de Neuilly, du Champ de Mars ou du Golfe Drouot tandis que les arrières plans fourmillent de détails. On se perd avec délice dans ses planches.

Il travaille en couleurs directes et nous offre des pages aux teintes souvent fondues et presque délavées comme une photo passée. Dans une utilisation à la fois narrative et symbolique, ses couleurs se ravivent en même temps que les personnages s’affirment.

Enfin, il transcrit bien les ambiances en intégrant à sa narration graphique onomatopées et chansons.

LA « DIVINE » COMÉDIE

Le scénario nous régale tout autant. Zidrou joue avec le lecteur : un titre énigmatique, une scène inaugurale qui semble être une digression, une voix off surprenante (principe déjà mis en œuvre dans « Lydie ») évitent une histoire planplan cousue de fil blanc !

Les dialogues sont rythmés et ciselés, chaque personnage a sa « parlure » et on se régale des aphorismes de Mme Ledoyen ou des punchlines d’Aline et Brigitte. Comme à l’accoutumée Zidrou fait dans l’oxymore : le fond est profondément humaniste mais, pour éviter fadeur et mièvrerie, il déploie de l’ironie… Un peu comme la dentelle noire « épice » le coton blanc dans le modèle de lingerie crée par l’héroïne.

Une histoire à la fois légère (« la crevette » dont vous ne saurez rien ici !) et grave qui sans être moralisatrice contient une morale bienveillante sur l’acceptation de soi et des autres. Un récit poétique échappant au graveleux qui s’inscrit parfaitement dans le corpus de chacun de ses auteurs. Une suite est d’ores et déjà annoncée et l’on s’en réjouit !

Chronique d’Anne-Laure SEVENO


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