LA COULEUR DES CHOSES


La couleur des choses

La couleur des choses
Scénario : Martin Panchaud
Dessin : Martin Panchaud
Éditeur : Çà et là
236 pages
Prix : 24,00 €
Parution :  09 septembre 2022
ISBN 9782369903086

Ce qu’en dit l’éditeur

Simon, un jeune Anglais de 14 ans un peu rondouillard, est constamment l’objet de moqueries de la part des jeunes de son quartier, qui le recrutent pour toutes sortes de corvées. Un jour qu’il fait les courses pour une diseuse de bonne aventure, celle-ci lui révèle quels vont être les gagnants de la prestigieuse course de chevaux du Royal Ascot. Simon mise alors secrètement toutes les économies de son père sur un seul cheval, et gagne plus de 16 millions de livres. Mais quand il revient chez lui, Simon trouve sa mère dans le coma et la police lui annonce que son père a disparu… Étant mineur, Simon ne peut pas encaisser son ticket de pari. Pour ce faire, et pour découvrir ce qui est arrivé à sa mère, il doit absolument retrouver son père. Au terme d’une aventure riche en péripéties et en surprises, Simon, l’éternel perdant, deviendra un gamin très débrouillard.
La couleur des choses bouscule les habitudes des lecteurs et lectrices de bandes dessinées ; le livre est intégralement dessiné en vue plongeante sans perspective et tous les personnages sont représentés sous forme de cercles de couleur. Le récit oscille entre comédie et polar avec une technique graphique surprenante, mêlant architecture, infographies et pictogrammes à foison, qui font de ce roman très graphique un livre étonnant et captivant.

Une des plus belles surprises de l’année 2022 : La couleur des choses, album paru aux éditions Çà et là dans lequel Martin Panchaud vient nous raconter à sa façon comment Simon, un jeune Anglais de 14 ans dans l’incapacité de toucher le pactole gagné à une course hippique en raison d’un drame familial va s’en sortir. Et nous voilà partis dans un road trip inénarrable, mêlant action, humour et émotion, un thriller à la sauce Tarantino ou frères Cohen, une tragi-comédie rocambolesque tout ça sur fond de chronique sociale, bref une histoire fantastique rondement menée !

Un quartier déshérité, quelque part en Angleterre

Tout est loin de tourner rond dans la vie de Simon, un ado de 14 ans un peu rondouillard. Pas facile de trouver sa place entre une mère qui le couve, un père accro à la bière et aux courses qui au mieux l’ignore et ceux qui, se la jouant petites terreurs du quartier, le harcèlent et l’embarquent dans leurs plans foireux. L’argent est roi, surtout quand on en manque. Afin de rembourser une dette, Simon va tenter le tout pour le tout : suivant les prédications d’une voyante qui lui révèle quels vont être les gagnants de la prestigieuse course hippique de Royal Ascot, il va miser les économies (de son père!) lors de cette course. Bingo ! Il va empocher 16 millions de livres sterling ! Oui mais … car il y a un mais et il est de taille : pour toucher le pactole, il faut être majeur ou du moins avoir l’aval de ses parents or quand Simon rentre chez lui, il découvre que sa mère, suite à une violente agression, est dans le coma et que son père a disparu …

Un OVNI : Objet Visuellement Novateur Identifié

Ce qui fait la grande originalité, voire l’unicité de cet album, c’est sa forme narrative qui en fait une expérience de lecture unique car si nous nous trouvons en terrain connu concernant le fond, une famille dysfonctionnelle dans une banlieue déshéritée, les émois de l’adolescence, etc … ce n’est pas le cas pour la forme qui, elle, nous transporte en terre inconnue.

Les personnages ? des petits ronds de couleur tous de la même taille donnant libre court à l’imagination du lecteur quant à leur aspect physique. Leur couleur ? Question de feeling …

La couverture est une bonne entrée en matière : le rond central, c’est Simon. Vers lui convergent le père (rond vert), la mère, (rond bleu), les trois harceleurs … etc. Des objets qui, on le découvrira lors de la lecture, sont des éléments essentiels viennent compléter le tableau : le symbole de la livre sterling, un cheval, le ticket gagnant, une basket, un pistolet et en bas à droite sans lien apparent avec le reste, une baleine …

Les décors ? Des vues aériennes,  sans perspective. Intérieurs ou extérieurs ressemblent à des plans.

Les dialogues ? Placés en dehors des cases, ils sont reliés aux ronds de couleur par des traits.

Le pacte avec le lecteur

À l’instar de Chris Ware ou Marc-Antoine Mathieu, Martin Pinchaud joue pour notre plus grand plaisir avec les codes de la bd. Rien d’étonnant quand on sait que cet auteur illustrateur suisse est membre de l’Octopode, une association artistique ayant pour objectif de favoriser le développement de l’art narratif sous toutes ses formes.

« Pour mon travail personnel, je me suis demandé ce que ça ferait si j’utilisais la rigueur et le minimalisme du graphisme, qui enlève le maximum pour garder l’essentiel, avec l’esprit de la narration et les codes de la bande dessinée. Très vite, j’ai trouvé que ce système de ronds de couleur assez simple avait du potentiel. En cachant les visages et les corps, je laisse le lecteur remplir tous ces vides et j’aime à croire que cela crée des histoires plus intimes. »

Cette forme de narration totalement inédite est la réponse de l’auteur à son handicap. Grand dyslexique, il lui a fallu trouver une autre façon de raconter des histoires mais si les mots lui posent problème, ce n’est pas le cas de l’imagination et c’est à l’imaginaire du lecteur qu’il va faire appel. D’où sa volonté de créer un pacte avec celui-ci.

Et ça marche !

Ajoutez à cela des cartes, infographies, schémas, qui nous permettent de suivre l’évolution de la fameuse baleine de la couverture, la baleine b-52, ou de comprendre le fonctionnement du taser X26 …

Et puis au détour d’une page, sortant de la perspective vue du dessus, un zoom sur un objet précis représenté lui de façon très réaliste …

De Die Farbe der Dinge à La couleur des choses

La genèse de l’album remonte à dix ans. Après avoir écrit et dessiné les 50 premières pages, l’auteur a reçu en 2012 le Prix Töpffer de la jeune bande dessinée de la ville de Genève qui récompense un auteur émergent âgé de 15 à 30 ans n’ayant pas encore publié.

Dix ans plus tard, déjà couronné de plusieurs prix en Suisse comme en France dont le Grand prix de la critique ACBD 2023, il poursuit son ascension dans de nombreuses sélections dont Angoulême. Drôle de destinée pour un album écrit en français mais paru d’abord en allemand parce qu’on avait pas cru en lui.

C’est là son premier album. Qu’est-ce qui l’a amené à la bande dessinée ?

Quand la réalité rejoint la fiction

Ce qui est fou c’est son sens de la narration et l’extrême fluidité du récit malgré le procédé graphique inhabituel. C’est rythmé, truffé de surprises et de rebondissements. Les dialogues sont percutants. Noirceur et humour se taillent la part du lion. Ce qui m’a bluffée, c’est sa capacité à mêler habilement imaginaire et réel. Je pense à la baleine bien sûr, mais aussi à la fameuse course de chevaux qui a réellement eu lieu le 23 juin 2012. D’ailleurs, on peut trouver facilement sur le net une photo de Black Caviar avec feue la reine.

22ème victoire de Black Caviar Martin Panchaud

Du côté de chez SWANH

Les fans de Star Wars apprécieront : 3 occurrences quand même : le parallèle entre ce que vit Simon et l’épisode 5 de Star Wars qui passe à la télé quand il est au foyer, la référence aussi à la propre œuvre de l’auteur intitulée SWANH, (SWANH étant l’acronyme de Star Wars : A New Hope, épidode IV de la saga) une fresque de 123 mètres de long qui, contrairement à ce que je croyais, n’est pas antérieure à l’album mais au contraire a vu le jour lors des recherches menées par Martin Panchaud pendant la phase d’écriture de l’album.

On peut même y voir un jeu sur la polysémie du patronyme de Simon : Simon Hope.

Martin Panchaud est un grand cinéphile et s’il ne peut utiliser, vu son propre style de narration, les codes cinématographiques habituels, c’est le rythme qui va l’inspirer.

Argent, famille, adolescence

L’histoire prend place dans un quartier lambda d’une ville lambda où les jeunes trompent leur ennui en cherchant les moyens de se faire de l’argent.

« Pour que l’argent ne fasse pas le bonheur, il faut déjà beaucoup en gagner »

Aussi l’argent est-il au cœur des préoccupations de tous, ados comme adultes, ce qui est parfaitement illustré par les chansons qui s’échappent de l’autoradio lorsque Simon parti à la recherche du père perdu sillonne l’Angleterre.

La couleur des choses, c’est donc aussi une chronique sociale qui brosse également un tableau des relations intrafamiliales au sein d’une famille dysfonctionnelle : les violents échanges au sein du couple mais aussi la relation fusionnelle mère/fils et le difficile rapport au père.

C’est enfin une représentation très juste des couleurs de l’adolescence : la gaucherie, le besoin de s’affirmer, les premiers émois amoureux et leur côté fleur bleu mais aussi l’éveil à la sexualité avec ses côté parfois très crus ou au contraire très oniriques.

La fin de cette épopée rocambolesque marquera pour Simon le passage à l’âge adulte.

Des p’tits ronds, des p’tits ronds, toujours des p’tits ronds… Qui aurait cru qu’ils nous procureraient autant d’émotions ? Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! Mais ce n’est qu’un début car ce ne sont pas les projets qui manquent : Adaptation cinématographique de La couleur des choses, conception d’un jeu vidéo, nouveau roman graphique … Martin Panchaud n’a pas fini de nous enchanter. Après nous en avoir fait voir de toutes les couleurs dans cet album, il a bien l’intention dans le prochain de nous faire franchir le mur du son.

Les propos de Martin Panchaud sont tirés de l’entretien réalisé à La Parenthèse, librairie spécialisée de bandes dessinées le jeudi 8 décembre 2022 lors d’une séance de dédicace

POUR ALLER PLUS LOIN

L’interview de Martin Panchaud

Sa machine à dédicacer

STAR WARS

L’adaptation infographique de Star Wars IV A new hope par Martin Panchaud

Star Wars IV, A New Hope – SWANH.NET Star Wars Infographic

La victoire de Black Caviar en 2012


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