INTERVIEW D‘ELENE USDIN
au FIBD Angoulême
(28 janvier 2023)
Bonjour Elene Usdin. Je suis ravie de vous retrouver au festival d’Angoulême. Une des expositions phares de cette cinquantième édition est bien sûr l’expo Druillet, un des fondateurs du mythique Métal Hurlant. En 2021, on a assisté à la renaissance de Métal Hurlant alternant numéros où la parole est donnée aux artistes d’aujourd’hui et numéros vintage. Vous avez participé au numéro 3 qui a pour thème Vacances sur Mars. Qu’est-ce qui vous a amenée à vous lancer dans cette aventure ?
Pour tout dire, c’est eux qui m’ont contactée en me demandant si j’étais intéressée par raconter une histoire courte dans leur numéro sur Vacances sur Mars et Métal Hurlant, c’est Métal hurlant ! C’est quand même un nom mythique. J’ai grandi avec même si je n’étais pas une lectrice. En fait, c’était assez extérieur à moi mais l’idée de participer à un numéro comme ça, ça m’a enchantée tout de suite. Et puis je me suis dit que ce serait intéressant après la grosse pagination que j’avais eue avec René.e – 270 pages – là, de devoir me confronter à une narration avec un maximum de 15 pages. Donc j’ai pris les 15 pages pour raconter cette histoire.


Alors justement, quelles ont été les contraintes induites par la forme du récit court ?
Du coup synthétiser, arriver à avoir une chute sur 15 pages, arriver à avoir une montée dans l’histoire pour mettre un peu un suspense et puis voilà. Tout ça en 15 pages. Pour moi c’était un vrai challenge mais en même temps c’est venu assez vite. J’ai fait un premier crayonné avec deux fins différentes. J’ai proposé ça à la rédaction et on a choisi ensemble une des deux pistes. Et comme en fait l’histoire c’est un rêve dans un rêve dans un rêve et à la fin on revient un peu sur ces pages du début, finalement c’est comme une loupe. Voilà c’est comme ça que la fin et la chute arrivent sur quinze pages quoi.
Pensez-vous renouveler l’expérience ?

Eh ben oui. Comme je disais, je vais le faire pour le prochain numéro, pas le prochain en réalité, mais le numéro 7 donc qui sera sur le thème des monstres. Quand ils m’ont donné le thème, ça m’a dit de me confronter à nouveau à cet exercice et là c’est encore avec moins de pages puisqu’il y a 9 pages. Je raconte l’histoire de Mary Bell qui est un fait divers dans les années 60 en Angleterre, l’histoire d’une très jeune fille donc qui avait 10 ans et qui a tué de sang froid deux enfants. Mais qui est le monstre dans cette histoire ? Est-ce que c’est la justice anglaise ? Est-ce que c’est sa mère qui l’a maltraitée ? Est-ce que c’est vraiment elle ? Etc… Donc tout le questionnement dans cette courte histoire, c’est ça : qu’un monstre finalement c’est toujours une question de point de vue.
Revenons à Night Mare Motel. On se retrouve dans une société dystopique générée par le manque de sommeil à savoir qu’on ne peut plus dormir sur Mars sans éprouver d’horribles cauchemars. D’où vous est venue cette idée ?

Alors comment m’est venue cette idée ? Je ne sais plus exactement la genèse de cette idée. Je pense qu’au début, je me disais que ce serait intéressant d’avoir sur Mars une vie à deux vitesses pour les riches et les pauvres. En fait, j’avais vraiment envie de parler de classes sociales et des riches qui habiteraient dans un univers plus protégé, plus confortable que les pauvres et donc m’est venu en tête d’avoir sur la planète les pauvres qui seraient restés et puis les riches qui partiraient; et pourquoi ? Eh bien parce qu’en fait, on ne peut plus dormir d’où les insomnies ou le manque de sommeil. Le sommeil finalement, c’est un confort qui dans mon histoire est réservé aux riches sauf que dans l’histoire effectivement la jeunesse dorée s’encanaille, vient sur Mars pour éprouver les frissons de « qu’est-ce que c’est que faire des affreux cauchemars? » et là l’histoire commence à Night Mare Motel, en référence à nightmare, cauchemar.

Comme son nom l’indique ainsi que la formule d’accueil par laquelle le réceptionniste souhaite la malvenue, on sait d’entrée quelle va être l’atmosphère et qu’elle va être cauchemardesque. Le rêve est un élément récurent dans votre œuvre et comme dans René.e aux bois dormants, rêve et réalité se confondent. On a ici une mise en abyme des rêves. On se demande même parfois qui rêve ou plutôt qui cauchemarde. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?
C’était peut-être ça aussi une porte d’entrée. C’était l’envie de raconter des rêves dans des rêves dans des rêves et donc de parler effectivement du rêve, donc du sommeil, donc de l’absence de sommeil. Dans l’’histoire, on arrive dans les cauchemars dès la première page en fait et on ne comprend qu’à la suivante qu’on est dans un cauchemar.

Ça m’intéresse beaucoup de travailler sur la symbolique donc sur le rêve, de pouvoir raconter des problématiques plus sociales ou des problématiques plus politiques en fait mais toujours pars le biais de la symbolique et donc finalement le rêve pour ça c’est bien pratique parce qu’on peut raconter des choses toujours un petit peu en décalé, et donc on a ce personnage Makbel qui tient son motel et on ne sait pas trop s’il rêve ou s’il ne rêve pas

Je crois savoir que le storyboard de votre prochain album est achevé, du moins votre éditeur l’a entre les mains. Le rêve y est-il toujours présent ?
Ça va être très différent la façon dont on aborde cette nouvelle histoire. Je l’écris avec mon fils, enfin au scénario ; on écrit le scénario tous les deux. Le scénario est fait. Là je suis effectivement sur le storyboard mais qui n’est pas fini parce que c’est un peu mon problème : j’ai toujours tendance à ce qu’une histoire en enchaîne une autre, etc… Et donc c’est toujours un peu un portefeuille et donc toujours un peu plus long que prévu. Le rêve n’est pas présent. Par contre ce qui est présent, c’est toujours cette double narration en noir et blanc et en couleurs et qui sera du coup la différence entre le temps présent que les deux jeunes filles, les deux héroïnes vont vivre et qui vont se dérouler en même temps et le temps passé qui sera en noir et blanc dans les carnets de l’une d’elles et qui sera ses souvenirs. Par contre, ce qu’il y aura d’introspectif, c’est un des personnages qui s’appelle Salomon, qui est paranoïaque et qui nous offre les affres de son âme. C’est un moyen pour moi aussi de profiter de partir dans une symbolique et dans des mondes parallèles avec lui en fait.
Un dernier mot sur le titre ?
Détroit-Roma. Ca ne devrait pas changer. A priori c’est ça.
Eh bien merci beaucoup Elene et bonne séance de dédicaces !
Interview de Francine VANHEE

POUR ALLER PLUS LOIN
Petit aperçu des 15 pages sur la page Instagram d’Elene

Sa présentation de Night Mare Motel
