VANN NATH: Le peintre des Khmers rouges


Vann Nath : Le peintre des Khmers rouges

Vann Nath :
le peintre des Khmers rouges
Scénario : Matteo Mastragostino
Dessin : Paolo Castaldi
Éditeur : La Boîte à bulles
128 pages
Prix : 22,00
Parution :  04 novembre 2020
ISBN 9782849533796

Ce qu’en dit l’éditeur

En 1978, alors qu’il est encore un tout jeune peintre, Vann Nath est arrêté par les Khmers rouges. Accusé de violation du code moral, il est enfermé à la tristement célèbre prison de Tuol Seng à Phnom Penh,  plus connue sous le nom de S-21.

Dès lors, sa peinture deviendra sa planche de salut puisqu’il sera contraint, comme bon nombre d’artistes et artisans cambodgiens, de mettre son talent au service de la  dictature.

Sur les quelques 14 000 hommes, femmes et enfants emprisonnés, ils ne sont que 12 dont 7 adultes à être sortis vivants de l’ancien lycée de Phnom Penh transformé en prison de Tuol Sleng, centre de torture et d’exécution des Khmers rouges rebaptisé S21. C’est cette tragédie, l’une des pages les plus noires de l’histoire du Cambodge que l’on (re)découvre à travers le regard de l’un des rescapés dans l’album Vann Nath, le peintre des Khmers rouges sous la plume de Matteo Mastragostino et le pinceau de Paolo Castaldi, deux bédéistes italiens, aux éditions La Boîte à Bulles.

Avril 1975, la chute de Phnom Penh marque la fin de plusieurs années de guerre civile et les Khmers rouges sont acclamés par la foule. Malgré l’inquiétude de sa femme, Vann Nath, peintre d’enseignes, décide de retourner en ville à son atelier. L’atmosphère est lourde et les vainqueurs, au nom de l’Angkar, l’«organisation» révolutionnaire du Kampuchéa démocratique – nouveau nom du Cambodge – intiment aux habitants l’ordre de quitter la ville…

Phnom Penh, novembre 1979. Nath en plein cauchemar se réveille aux côtés de sa femme. Toujours ce même rêve qui le hante : son impuissance face à la disparition de son fils. Que s’est-il donc passé durant ce laps de 4 années ?

Nous allons le découvrir en le suivant jusqu’au lieu où il se rend tous les jours  : la sinistre prison de Tuol Sleng maintenant désaffectée. Là, il peint. Il peint ce qu’il a vécu lui même, ce qu’il a entendu, ce qu’on lui a raconté. Et les souvenirs affluent depuis son arrestation arbitraire en décembre 1977 dans la coopérative agricole qu’il avait été contraint de rejoindre, son incarcération en janvier 1978, jusqu’à sa libération suite à la chute des Khmers rouges en janvier 1979.

Au S21, régnaient la terreur et le «  kamtech » qui signifie détruire, puis effacer toute trace afin qu’il ne reste rien de la vie et rien de la mort. Non pas tuer mais détruire, comme on détruit un objet. Le schéma est toujours le même : arrestation de personnes absolument innocentes suite à une dénonciation elle-même extorquée à une autre victime toute aussi innocente, torture afin d’obtenir des aveux de sabotages imaginaires et souvent grotesques et les noms des complices puis exécution.

Contraint à réaliser d’après photo des portraits officiels du « frère n° 1 », lui ne doit sa survie qu’à sa qualité de peintre avec chaque jour cette épée de Damoclès que l’une de ses peintures ou lui-même ne viennent à déplaire. « Garder pour utiliser », voilà ce que Duch, le « maître des forges » de cet enfer avait inscrit à côté de son nom.

Quand on sait que la première bande dessinée de Matteo Mastragostino parue aux Éditions Steinkis en 2017 s’intitulait Primo Levi, on n’est guère étonné de le voir s’intéresser au génocide cambodgien. Le projet est né suite à la lecture des mémoires de Vann Nath Dans l’enfer de Tuol Sleng. L’inquisition khmère rouge en mots et en tableaux parues en France chez Calman-Lévy en 2008.

Deux ans ont été nécessaires pour réaliser cet album très documenté qui retrace fidèlement et scrupuleusement les évènements. La quasi inexistence de voix off, la concision des dialogues réduits à l’essentiel font la part belle à l’image afin de mieux nous faire ressentir les choses et surgir les émotions.

Quant au dessinateur Paolo Castaldi, outre 2 albums consacrés à sa passion le foot La main de Dieu : Diego Armando Maradona paru en 2014 aux éditions Diabolo et Zlatan : l’histoire d’un champion en 2020, on lui doit Etenesh : L’odyssée d’une migrante publié aux éditions Des ronds dans l’O, ouvrage qui a obtenu le prix Valeurs Humaines 2016 du CRIABD.

Tableau de Vann Nath

Le choix pour l’illustration d’un fondu graphique, univers gris parfois teinté d’ocre dans lequel font tache les kramas rouges des gardes ou la robe du juge permet de supporter l’insoutenable. Les lieux sont fidèlement restitués ainsi que certains tableaux de l’artiste qu’on retrouvera en fin d’ouvrage.

Le devoir de mémoire

Pour tous ceux qui comme moi ont été marqués, à sa sortie sur les écrans en 2004, par l’incontournable documentaire « S21 la machine de mort khmère rouge » de Rithy Panh qui réunit d’anciens gardiens et prisonniers soit dans l’ex-prison, soit au centre d’extermination de Choeung Ek , Vann Nath est loin d’être un inconnu. C’est même le personnage clé que l’on va suivre et qui, dans le rôle de l’interviewer, fera le lien entre bourreaux et victimes.

Tout comme la littérature et le cinéma, le neuvième art est, lui aussi, un support légitime du devoir de mémoire et cet album en est la preuve. Tout au long de sa vie, Vann Nath n’a eu de cesse de témoigner encore et encore afin que les jeunes de son pays et l’humanité toute entière n’oublient pas. A la fin de l’ouvrage, nous le retrouvons devant ses toiles en 1996 lors de l’inauguration du musée mémoriel du génocide de Tuol Sleng où il recueillera la confession de l’un des gardiens,

puis en 2009 au procès de Duch (décédé en septembre 2020, soit 2 mois avant la sortie de cet opus) où il témoignera en commentant notamment 13 de ses tableaux projetés lors du 34ème jour du procès.

« Je dois le raconter. Je dois l’écrire. Je dois le dessiner. Je veux être le miroir à travers lequel on peut voir ce que fut la vie de personnes tuées sans raison. » déclare Vann Nath. Et moi, je me devais de chroniquer cet album, tout comme vous, vous vous devez de le lire afin que les victimes innocentes dévorées par l’ogre Khmer rouge ne tombent pas dans l’oubli.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les mémoires de Vann Nath

Rithy Pahn

2 films

Un livre

« À treize ans, je perds toute ma famille en quelques semaines. Mon grand frère, parti seul à pied vers notre maison de Phnom Penh. Mon beau-frère médecin, exécuté au bord de la route. Mon père, qui décide de ne plus s’alimenter. Ma mère, qui s’allonge à l’hôpital de Mong, dans le lit où vient de mourir une de ses filles. Mes nièces et neveux. Tous emportés par la cruauté et la folie khmères rouges. J’étais sans famille. J’étais sans nom. J’étais sans visage. Ainsi je suis resté vivant, car je n’étais plus rien. » Trente ans après, l’enfant, devenu cinéaste, décide de questionner un des responsables de ce génocide : Duch, qui n’est ni un homme banal ni un démon, mais un organisateur éduqué, un bourreau qui parle, oublie, ment, explique, travaille à sa légende.

D’autres bd sur la tragédie cambodgienne

L’année du lièvre de Tian

Les albums de Séra

Un hommage à Vann Nath

« De nos jours, au Cambodge, un couple en escapade sur une rivière fait la découverte d’une pagode en bois peinte en bleu. Mais cette rencontre en révèle une autre. Séra rend hommage au peintre cambodgien Vann Nath, un des rares survivants de cette prison emblématique de la folie meurtrière des Khmers rouges, disparu en septembre 2011. »

Le Cambodge de 1967 à 1993

Récit autobiographique

En khmer, avoir « l’âme au bord des cheveux » signifie « être mort de peur». Séra l’a bien été quand, le 17 avril 1975, Phnom Penh est tombée aux mains des Khmers rouges. S’il a grandi à l’abri au domaine familial, entre deux cultures, ce jour-là, tout a basculé… L’auteur explore aussi la complexité des événements qui ont conduit à la chute de la capitale et le rôle qu’ont tenu les Français.

Après le Cambodge, l’Indochine et La Corée

« Après « Une si Jolie petite Guerre » et « Give Peace a Chance », Marcelino Truong délaisse la guerre du Viêt-Nam pour celle de l’Indochine. Sur les pas de Minh, le jeune peintre qui rêve depuis Hà Nôi de Saint-Germain-des-Prés et de Juliette Gréco, enrôlé malgré lui dans le Viêt-Minh de l’Oncle Hô, un regard inédit sur le conflit qui conduisit à l’humiliante défaite des Français à Diên Biên Phù…« 

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« Soixante-dix ans se sont écoulés depuis le déclenchement de la guerre de Corée. Depuis 1953, la Corée est divisée en deux pays distincts, la Corée du Sud et la République populaire démocratique.
Des familles entières ont été séparées. La mère de la narratrice n’a jamais revu son premier mari et son fils.
Séoul, de nos jours. Guja a 92 ans. Sa vie de retraitée est bousculée le jour où, parlant avec une amie, elle découvre le programme gouvernemental permettant à des familles coréennes séparées par la guerre en 1950 de se retrouver. Lui revient alors son passé, sa jeunesse, son premier mariage, ses deux premiers enfants. »


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