Vernon Subutex

Coffret
Scénario : Luz & Virginie Despentes
Dessin : Luz
Éditeur : Albin Michel
Prix : 34,90 €
Parution : 09 novembre 2022
ISBN 9782226479730
Ce qu’en dit l’éditeur
Dans un seul écrin luxueux, l’histoire complète de Vernon Subutex réinventée en bande dessinée par Luz & Despentes.
Contenu :
Vernon Subutex, les romans graphiques, tome 1 + tome 2
+ 2 posters inédits 615 x 825 mm
+ Making of : des illustrations et textes inédits !

Scénario : Luz & Virginie Despentes
Dessin : Luz
Éditeur : Albin Michel
304 pages
Prix : 29,90 €
Parution : 12 novembre 2020
ISBN 9782226446534
Ce qu’en dit l’éditeur
Les tribulations de Vernon Subutex, ex-disquaire devenu à la fois squatteur, clochard, DJ et quasi gourou.

Seconde partie
Scénario : Luz & Virginie Despentes
Dessin : Luz
Éditeur : Albin Michel
368 pages
Prix : 34,90 €
Parution : 28 septembre 2022
ISBN 9782226446541
Ce qu’en dit l’éditeur
Qu’il pleuve ou qu’il vente, « la bande » de Vernon se reconstituait. Et une idée idiote – se retrouver hors la ville pour danser – devint une aventure commune. Ils appelèrent ça les Convergences.
« La quasi-totalité de cette seconde partie est originale. Il y a un plaisir fou à faire évoluer un texte publié – de façon à ce qu’il trouve la meilleure forme possible dans l’imagination d’un autre. »
Virginie Despentes
« Vivre avec un ami imaginaire c’est l’assurance de grandir le jour où il s’en va. Dans Vernon Subutex, des amis il y en a une bonne dizaine. Et c’est à votre tour de les rejoindre pour leur dernier voyage.«
Luz
Le 7 janvier 2015 paraissait sous la plume de Virginie Despentes le premier tome de la trilogie qui allait être un véritable phénomène littéraire salué à juste titre par la critique comme par le public : Vernon Subutex. Plus de 1200 pages, une galerie de personnages hauts en couleur. Inadaptable ? On pourrait le croire et pourtant … Sept ans plus tard paraît aux Éditions Albin Michel le deuxième et dernier volet d’un époustouflant roman graphique, véritable recréation dans lequel le trait virtuose et inspiré de Luz vient sublimer les mots de Virginie Despentes. Parce que c’était lui, parce que c’était elle.



Les tribulations d’un ex-disquaire en France
Mais qui est Vernon Subutex ? Un ancien disquaire indépendant parisien qui a tenu pendant vingt-cinq ans le « Revolver » avant que la crise ne passe par là et ne le contraigne en 2006 à mettre la clé sous la porte. Dure période pour ce passionné à la quarantaine bien tassée qui a fait découvrir de nombreuses pépites à une clientèle hétéroclite et qui depuis la fermeture vivote dans son appart épaulé financièrement par son pote, la Rock star Alex Bleach jusqu’à ce celui-ci ne succombe à une overdose …

Expulsé de chez lui, il se retrouve à la rue avec dans son maigre baluchon trois cassettes sur lesquelles le disparu a enregistré son testament ainsi que la clé USB contenant ses dernières expériences musicales : les fameuses ondes Alpha.

Il va tout d’abord tenter de squatter chez ses anciennes connaissances avant de lâcher prise et disparaître, élisant domicile aux Buttes-Chaumont … C’est alors que pris de remords de l’avoir laissé tomber, tous vont partir à sa recherche … Mais ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à lui et surtout aux mystérieuses cassettes …

La bande à Vernon
S’ils viennent d’univers et de milieux différents, ils ont tous au départ, un lien avec Vernon ou Alex. Parmi les anciens, Émilie l’ex-punkette bassiste du groupe Chevaucher le dragon rangée des voitures, Sylvie, la bourge un peu barge ex-petite amie d’Alex, Xavier le scénariste plutôt relou dont l’heure de gloire est passée … Et puis, il y a les nouveaux : ex pornstars, trans, une journaliste fan d’Alex qui veut écrire sa bio, la nouvelle génération aussi avec Céleste la tatoueuse et Aïcha, jeune fille voilée en quête de vérité sans oublier Charles l’alcoolo qui va le prendre sous son aile et ses nouveaux amis SDF des buttes-Chaumont dont la truculente Olga qui vont lui enseigner les codes de la rue.
Ajoutez à cela La Hyène, la pro du cyberharcèlement et de la traque sur le net …

Et tout ce petit monde, après l’avoir enfin retrouvé après bien des péripéties, va découvrir avec lui le contenu des fameuses cassettes.

Je suis …
« Je suis un homme seul… Je suis un clodo sur un banc perché sur une butte à Paris »

Le deuxième volet commence très fort avec en prologue cette anaphore qui clôt le premier roman universalisant le propos, ne se contentant pas de peindre le tableau d’une époque mais brossant surtout le portrait de toute une génération broyée, anaphore d’autant plus émouvante qu’on ne peut s’empêcher de penser à un autre Je suis … né précisément le 7 janvier 2015. La bande, quant à elle, va se fédérer autour de Vernon lors de retrouvailles quotidiennes en fin d’après-midi aux Buttes-Chaumont goûtant au plaisir d’être ensemble.

Vernon Subutex devient alors une ode à la puissance du collectif, à l’amitié. Et ce vont être ces fameuses « Convergences », ces communions synesthésiques, ses transes orgasmiques dues à la magie du mix des playlists de Vernon, clochard céleste converti en DJ, avec les ondes d’Alex. Pas d’alcool, pas de drogue, juste la musique. Tout serait pour le mieux dans un monde qu’ils ont voulu rendre le meilleur possible en partageant une même utopie si le triste sire assoiffé de vengeance qu’ils se sont mis à dos n’était à leur poursuite …


Parce que c’était lui, parce que c’était elle
Quand il a été question d’une adaptation en bd, Virginie Despentes a pensé à Luz.
« Je me disais qu’il comprendrait tout au livre, son rapport au rock, son côté queer comme son côté politique. Je me disais aussi qu’il allait refuser. »
Il a accepté. Elle l’avait rencontré en 2011 lors d’un hors-série de Charlie Hebdo sur le féminisme et le courant était passé. Il faut dire qu’ils partagent beaucoup de choses : leur amour de la musique, un regard acéré sur notre société, une certaine vision du féminisme … Et si ce diptyque est aussi réussi c’est parce qu’il est le résultat d’une complicité évidente où l’un s’est nourri de l’autre pour donner naissance non pas à une adaptation mais à une recréation, une réinvention à 4 mains débordant d’inventivité, une véritable « récitation graphique de la langue de Virginie», cette langue écrite à l’encre empathique sublimée par le trait énergique et sensuel de Luz.


Ch-ch-ch-ch-changes
« Je t’attendais… On doit parler de choses qui ne regardent que toi et moi. Je vais te raconter la véritable histoire de Vernon…«

Pour commencer, dans la bd, contrairement au roman, l’histoire est racontée par un des protagonistes qui nous invite à s’asseoir à sa table. Cette adresse directe au lecteur nous implique d’emblée dans le récit nous confiant le rôle de confident.
De trois tomes pour le roman, nous sommes passés à deux pour sa déclinaison graphique et cela est amplement justifié. Alors que le premier opus se déroule exclusivement à Paris devenu personnage à part entière et reste très fidèle au roman, le second va assez rapidement s’éloigner de la capitale et la trame du récit va être modifiée en se recentrant sur la bande à Vernon faisant évoluer sensiblement les relations entre les différents personnages. Gommant le côté christique du roman, Virginie Despentes et Luz vont jouer alors sur la frontière qui sépare le réel du fantastique à travers notamment la communication avec ce qui n’est plus et ceux qui ne sont plus. Quant à la fin, elle est différente et plus porteuse d’espoir malgré tout que l’originale.
Let’s dance …
Alors bien sûr dans la bd comme dans les romans, la musique est omniprésente sous toutes ses facettes : la bande-son qui rythme le récit et entre en résonance avec les évènements, les pochettes de disques (détournées ou pas), le mythe de de la rock star à travers Alex Bleach, la dématérialisation de la musique entraînant la dématérialisation sociale du disquaire cet élément phare pour les fans de rock dans les années 80-90 et évidemment les Convergences…


« Adapter Vernon était aussi l’occasion de retrouver la sensation de faire partie du collectif d’un concert et de dessiner ce grand mystère : la jouissance musicale. »
Pour accentuer le côté synesthésique de ces scènes, il va utiliser les bombes de couleur des graffeurs, les silhouettes parfois dédoublées des danseurs se détachant sur un fond noir.

The artist
Luz, est-il besoin de le rappeler, connu et reconnu notamment pour ses caricatures dans Charlie Hebdo a échappé à l’attentat qui a décimé la rédaction. Ce 7 janvier 2015, c’était son anniversaire et il était en retard. S’il a abandonné le dessin de presse en quittant Charlie Hebdo dès 2015, il n’en pas moins continué à exercer son talent de dessinateur à travers Catharsis en 2015, une adaptation de Ô vous, frères humains d’Albert Cohen en 2016, Alive en 2017, Indélébiles en 2018, Hollywood menteur en 2019, le premier volet de Vernon Subutex en 2020, animé par cette nécessité vitale de continuer à avancer et se reconstruire sans oublier pour autant à travers l’art tout comme Coco avec l’avait fait avec Dessiner encore (2021) ou Catherine Meurisse avec La légèreté (2016).
« La musique m’a aidé à me sentir vivant et, parallèlement, le dessin. C’était complémentaire. Comme l’inspiration et l’expiration.«
Si le dessin ne l’a pas jamais quitté , en revanche ce fou de musique, ce fana de concerts avait perdu le goût de la musique et n’en écoutait plus. Avec Vernon, il s’est replongé dans sa discothèque et a pu ainsi renouer avec elle.
« Vernon Subutex était l’écrin idéal pour mettre toutes mes qualités de dessinateur, du reportage, de l’illustration, du dessin satirique ou comique… Depuis cinq ans, j’ai l’impression d’être purement un dessinateur et, peut-être même – qui sait ? –, un artiste. »

Je confirme. Luz est bien un artiste qui nous livre là une interprétation virevoltante et bouleversante, débordante d’énergie et d’empathie à travers ses percutantes métaphores graphiques qui n’appartiennent qu’à lui et subliment la verve de l’autrice : la référence détournée à Bambi, des pochettes d’album qui prennent vie, l’utilisation d’objets telles les bouteilles d’alcool pour nous faire pénétrer dans la psyché des personnages, les scènes qui s’impriment sur les vêtements ou la peau des personnages.

« On est tous tatoués par notre vie personnelle. Il y a un épisode dans ma vie qui fait que je suis tatoué de fond en comble. Chaque pore de ma peau est tatoué par ce qui s’est passé et je voulais essayer de rendre ça.«
Chose qu’il a réussi à la perfection. En témoigne la bouleversante narration graphique de la scène du viol.

On retrouve également sa grande maîtrise de la composition des planches et son art de la transition notamment dans le passage d’un lieu à un autre ou la transformation d’éléments du décor ce qui confère une extrême fluidité à une narration pourtant très dense.



Pour les personnages, il s’est inspiré de personnes croisées dans sa vie (ou dans sa discothèque pour Vernon) ayant pour l’occasion ouvert ses propres carnets pour y retrouver des danseurs ou des spectateurs de concert.
A chacun sa couleur notamment dans l’évocation de leur passé ou leurs souvenirs.

Pour les décors ; Le Paris du 1er tome – le XIIIe , les Buttes-Chaumont, la butte Bergeyre, le Rosa Bonheur … – tout comme le Barcelone du tome 2, Luz est allé en repérage sur place avec Virginie Despentes, retrouvant ainsi le plaisir du reportage dessiné, peut-être ce qui lui manque le plus depuis qu’il a quitté Charlie.


Si la découverte à travers les romans de Virginie Despentes de ce récit choral inénarrable tout à tour violent, bouleversant, sensuel, drôle … a été pour moi une véritable claque, la version graphique a été un percutant aller et retour qui m’a fait replonger moi aussi dans ma discothèque et que je ne suis pas prête d’oublier. Allez, pour terminer en musique je vous invite à rejoindre sur le dance floor Luz qui a troqué son crayon contre un micro. Les Scribblers, c’est à vous!
POUR ALLER PLUS LOIN
Une série d’entretiens en 4 épisodes

L’expo à la galerie Huberty & Breyne
Ce dessin réalisé pour l’exposition est l’un des deux posters du coffret. Pour le fun, Luz y figure en caméo. Saurez-vous le retrouver?


Les albums de l’après 15 janvier …

« Le 7 janvier 2015, le dessinateur Luz a perdu dans l’attentat commis à Charlie Hebdo, des amis, mais aussi l’envie de dessiner.Alors que la France s’est révélée « Charlie », Luz redevient auteur. Au début, il y a le drame, la douleur, la rage, la perte. Et puis, petit à petit, il y a le besoin de dessiner qui revient, l’envie non pas de témoigner, mais de se mettre à nu, de se libérer. Alors naît Catharsis. Un livre thérapeutique où luz nous livre par petites nouvelles ses pensées, son quotidien depuis ce jour qui a bouleversé sa vie, et à une autre échelle, celle de millions d’êtres humains. Les sentiments se bousculent, les styles, le ton. Du rire aux larmes, de la laideur à la beauté, de la colère à l’amour. »

« Le jour de ces 10 ans (en 1905), le jeune Albert arpente les rues marseillaises à la recherche d’un petit présent pour sa mère. Il est ébloui par le bagout d’un camelot qui s’adressera pourtant à lui, en le traitant, de « sale youpin ! »
Plus de cent après les faits, luz s’empare de ce récit autobiographique pour en donner une version illustrée poignante. Sans jamais trahir l’œuvre, il raconte l’intégralité de l’histoire mais ne garde du texte que le monologue destructeur du camelot et la puissance textuelle des trois derniers chapitres, qui évoque les camps de la mort. »

« Bientôt 20 ans que Luz raconte l’histoire du rock, qu’il en croque les scènes et les publics. Des croquis de concert publiés dans les Inrocks ou dans Charlie Hebdo,Tsugi ou ses propres fanzines.
Qu’importe la tribune, luz est féru d’une musique qui fait du bruit, qui fait danser, et vibrer. Cette anthologie personnelle conjugue des dessins connus et d’autres encore inédits, souvenirs de concerts et portraits de rockers qui ont donné le pouls à des générations, ses croquis depuis les fosses dansantes et portraits de foules joyeuses…«

« De 1992 à 2015, Luz a dessiné toutes les semaines pour Charlie Hebdo. Jeune provincial puceau arrivé à Paris,il rencontre Cabu qui le prend sous son aile et l’entraîne à La Grosse Bertha, qui devient Charlie Hebdo. Avec le temps il devient l’un des piliers du journal.
Dans un long rêve, il égrène ses souvenirs, ses amis, Charb, Tignous, Gébé, Catherine Meurisse, le premier reportage en banlieue, aux USA, la tournée en Bosnie en guerre avec le chanteur Renaud, son infiltration au RPR, les manifs… Et la vie de bureau, les bouclages, les unes, Johnny.
Enfin, il y a surtout la présence de Cabu, le mentor, jamais avare de conseils, qui essaie par exemple de lui apprendre à dessiner discrètement dans sa poche. »

« En 1960, John Huston tournait au coeur du Nevada l’un de ses films les plus ambitieux, The Misfits (sorti en France sous le titre Les désaxés). Au casting, Marilyn Monroe, Clark Gable, Montgomery Clift, Eli Wallach, sur un scénario d’Arthur Miller. Un film crépusculaire qui pour beaucoup signe la fin de l’âge d’or d’Hollywood.
Comment un film aussi ambitieux, réunissant la crème d’Hollywood, a pu se transformer en un échec retentissant à sa sortie ? Luz revient sur le tournage de ce film mythique.«