Interview JD Morvan & BenBK


LES 100 ANS DE DUPUIS

à la librairie La Parenthèse NANCY

(21 janvier 2023)

Jour de fête à La Parenthèse le 21 janvier dernier : On a fêté les 100 ans des Éditions Dupuis et la naissance d’une nouvelle série « Les amis de Spirou« . (Scénario : Jean-David Morvan, Dessin : David Evrard, Couleurs : BenBK).

Au programme : concours de dessins pour les enfants, dédicaces, deux tables rondes : la première sur « Les amis de Spirou » avec JD Morvan, BenBK et Christelle Pissavy-Yvernault, la deuxième sur le centenaire des éditions Dupuis avec Christelle Pissavy-Yvernault et Michel Chabotier, directeur commercial des éditions Dupuis. Stéphane Godefroid, libraire de la Parenthèse assurait la modération.

La femme de l’ombre

Un petit focus sur Christelle Pissavy-Yvernault s’impose car l’idée d’une bio de Jean Doisy en bd, c’est elle! Libraire de formation, autrice chercheuse en histoire de la bande dessinée, spécialisée dans l’histoire de Spirou et du Journal de Spirou et plus généralement des éditions Dupuis, elle a co-écrit avec son mari Bertrand plusieurs ouvrages extrêmement documentés dont les deux tomes de La véritable histoire de Spirou. Elle a également signé de nombreux dossiers de préfaces d’intégrales et a participé à la rédaction du catalogue d’exposition de Spirou dans la tourmente de la Shoah.

Le premier tome de La véritable histoire de Spirou de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault qui, à partir de témoignages de la famille Dupuis, de leurs collaborateurs et de leurs trouvailles dans les cartons à dessin oubliés et les agendas remisés au grenier ont reconstitué l’histoire de Spirou et nous la livrent sous la forme de témoignages croisés, illustrés d’images inédites de la création des Imprimeries Dupuis au début du XXe siècle jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Quelques-uns de ses propos extraits de la pemière table ronde

Sur Jean Doisy

« Les recherches ont été faites dans le cadre de La véritable histoire de Spirou et les publications réalisées après coup. Lui est mort en 1955. Jean Doisy était son pseudonyme en temps que journaliste et rédacteur en chef mais son vrai nom c’était Jean Georges Evrard. Sous son vrai nom, c’était un homme très engagé politiquement depuis qu’il avait une vingtaine d’années. On a eu la chance de rencontrer sa belle-fille qui l’a rencontré en 1947 et qui l’a bien connu. Elle nous a raconté beaucoup de choses sur l’homme qu’il était, sur l’homme à principes, sur le quotidien, sur la façon qu’il avait de considérer son métier et les livres qu’il écrivait. Mais curieusement, sur la partie politique, on n’avait rien, mais vraiment rien. Donc on est allé fouiller dans les archives du ministère de la défense à Bruxelles et là, par chance, comme il avait beaucoup de faits d’armes, il avait demandé une reconnaissance de résistant à la libération et là , il y a tout le détail de ce qu’il a fait. Mais là encore, on apprend plein de choses mais on n’apprend pas tout. Il a fallu qu’on rencontre un tas d’autres personnes, qu’on croise les informations. Plus on creuse, et plus on se rend compte qu’on ne sait rien sur lui et qu’il conservera encore une part de mystère. Pourquoi est-ce qu’il était si engagé politiquement du côté des communistes et n’avait pas sa carte ? On a suffisamment de matière pour en faire une bande dessinée. On n’a pas suffisamment de matière aujourd’hui pour en faire une longue biographie détaillée. Mais on va continuer nos recherches car cette bande dessinée, elle nous relance. Pour tout ce qui manquait en fait, Jean-David a trouvé une astuce scénaristique pour pouvoir raconter la vue de Jean Doisy et combler des trous.« 

Sur la Résistance

« Que ce soit Les amis de Spirou ou le Spirou d’Émile Bravo, à chaque fois il est question de résistance et l’idée, elle, est universelle que ça se passe même en Ukraine, en Afghanistan, en Belgique ou en France, quelles que soient les époques. Dans une émission Émile Bravo disait qu’à travers son Spirou, il demandait simplement au lecteur, aux jeunes, en temps de guerre et en tout temps de toujours rester humain, qu’il ne s’agissait pas de faire de la résistance, d’avoir des exploits longs comme le bras ou de prendre des risques, non ; simplement rester humain, avoir ça à l’esprit, ne pas laisser d’autres se faire maltraiter même au quotidien.

Ce qu’il y a dans les ADS que Jean-David et David ont vraiment bien réussi à faire, c’est de ne pas faire un récit qui soit lourd. Pourtant il y a des planches qui sont sinistres. Quand vous avez cette double page avec Jean Doisy devant deux tombes d’enfants … mais il y a tellement d’énergie, ils sont tellement pleins d’envies… c’est des vrais héros pour le coup !

Déco de la librairie et goodies étaient aussi de la partie avec notamment la création de deux tampons spécialement pour l’occasion !

INTERVIEW DE JD MORVAN & BENBK

à la librairie La Parenthèse NANCY

(21 janvier 2023)

Bonjour Jean-David Morvan et BenBK

Je suis ravie de vous rencontrer tous deux à La Parenthèse pour fêter les 100 ans des éditions Dupuis à l’occasion de la sortie d’Un ami de Spirou est franc et droit, le 1er volume d’une série jeunesse « Les amis de Spirou », qui, mêlant réalité et fiction se déroule durant la seconde guerre mondiale, en 1943 plus précisément à Marcinelle au moment où, suite à l’interdiction de parution du journal de Spirou, six membres des ADS décident d’entrer en résistance. Parallèlement, suivant un autre axe narratif et une autre temporalité (décembre 44) on va suivre l’histoire de la création du célèbre magazine et de son club à travers les confidences de Jean Doisy alias Le Fureteur « rédateur en chef » de Spirou et créateur du club des ADS.

Comment est né ce projet de série? Je crois savoir qu’au départ, il était question uniquement d’une biographie sur Jean Doisy.

JDM : Oui, exactement c’était notre première idée. On a commencé à écrire des pages, à les dessiner même et puis à un moment j’ai eu cette idée de mettre des enfants puisque Jean Doisy c’était le fureteur, quelqu’un qui a été le premier rédacteur en chef du journal de Spirou et avait inventé le club des amis de Spirou. C’étaient des gamins qui se réunissaient comme aujourd’hui peuvent se réunir sur des forums des fans de mangas. Ils choisissaient des noms de héros qui leur plaisaient donc exactement de la même manière et il avait écrit un code d’honneur en 9 points. Les gens avaient une carte et sur cette carte il y avait aussi un code secret qu’on utilisera dans la bd qui leur permettait de s’écrire les uns les autres sans que personne ne puisse lire le message. Le truc, c’est que ça, il l’a inventé en 1938 donc avant la guerre et que quand la guerre est arrivée parmi les jeunes enfants qui étaient aux Amis de Spirou, certains sont entrés en résistance en utilisant ce fameux code d’honneur et alors je me suis dit ce serait une bonne idée d’agrémenter un peu la biographie qui pouvait être un peu aride on va dire avec l’histoire d’enfants comme ça qui font des actions de résistance dont chacune serait une illustration du code d’honneur. Et puis ils ont pris de plus en plus d’importance et finalement c’est eux qui prennent la plus grosse part du récit mais Jean Doisy est toujours là, un peu en contrepoint effectivement. On a des enfants qui entrent en résistance en n’ayant aucune idée des risques qu’ils prennent et de l’autre côté Jean Doisy qui sait ce qui leur est arrivé et qui est à la fois très triste puisque deux sont morts, deux sur les six – on ne sait pas lesquels – et en même temps il est très fier puisqu’il leur a donné de bonnes valeurs qui leur ont permis d’entrer dans la résistance, pas de collaborer avec l’Allemand. Donc voilà. C’est cette ambivalence là qui me semblait intéressante pour raconter cette histoire.

Alors il y a plusieurs niveaux de lecture : Une histoire d’aventure bien dans l’esprit de Spirou, mais aussi un regard sur la résistance belge, sur l’histoire de la bd et plus précisément du Journal de Spirou. D’ailleurs, dès les premières pages les Spiroutistes vont être aux anges et boire du petit lait : on voit la fabrique de céramique F. Dineur, un cabinet d’assurances sur lesquelles s’étalent les initiales JG, l’hôtel Velter…

Êtes-vous ou avez-vous été vous-mêmes des spiroutistes ? Et comment avez-vous réussi à concilier les différents axes narratifs ?

JDM : Je ne peux pas dire que je n’ai pas été spiroutiste. J’ai fait quatre Spirou de la série régulière donc il a bien fallu que je me renseigne. Donc je connaissais un peu tout ça mais c’est vrai que David et Ben étant eux-même belges – moi je ne suis pas belge mais j’ai quand même vécu en Belgique pendant mes études donc je connais un peu le pays mais eux ils vivent dans cette culture là – donc c’était à la fois marrant de faire des clins d’œil aux fans de Spirou et de l’histoire de Dupuis finalement en général et puis aussi à la Belgique de cette période-là. Je pense que ça parlera au lecteur belge et ça parlera sans doute un peu moins au lecteur français mais ça n’a pas d’importance parce que c’est l’histoire globale qui va intéresser plus les Français. Mais c’est vrai que ce petit focus sur la Belgique me semble important. Je suis en train de lire pas mal de livres sur la résistance belge et c’est très intéressant en fait le boulot qu’ils ont fait parce qu’ils étaient beaucoup moins nombreux évidemment que les Français qui n’étaient déjà pas très nombreux. Donc c’est assez passionnant, j’avoue.

BBK : C’est vrai qu’il n’y pas pas trop de culture autour de la Résistance en Belgique. Ça se faisait forcément mais les familles étaient beaucoup plus discrètes sur le sujet. Ce n’était pas un sujet très très ouvert. Maintenant on sent que la porte s’entrouvre, qu’il y a quelques documents qui commencent à émerger. C’est un petit pas en avant.

JDM : Je confirme évidemment ce qu’il dit. Jean Doisy, aujourd’hui on a l’impression que tout le monde le connaît mais il a été très peu connu pendant longtemps et à la fois comme rédacteur du journal puisque c’était le premier, qu’il n’a jamais vraiment eu ce rôle mais c’était un grand résistant. Le truc c’est qu’il est mort peu de temps après la guerre et donc il n’a jamais mis son rôle en avant. Mais on sait aujourd’hui que c’est lui qui a organisé le premier voyage d’un journaliste belge à Auschwitz pour documenter les lieux. Donc c’était vraiment un monsieur très important. Mais le problème avec la Résistance et je suis bien placé maintenant pour le savoir, c’est la même chose en France, c’est qu’il n’y a pas de papiers en fait. Tout était secret ; on ne parle de rien. Les gens qui faisaient des actions étaient en triangles de trois et ne connaissaient que trois personnes de tout leur groupe. C’était fait exprès évidemment pour minimiser les risques mais du coup, ils ne connaissaient pas les gens et comme ils avaient tous des pseudos, je sais qu’il y en a beaucoup qui se sont perdus de vue après la Résistance et qui ne se sont jamais revus puisqu’ils ne connaissaient pas leurs vrais noms et donc toute cette histoire là est une histoire complexe de la Résistance qu’il faut refaire peu à peu et qui est très compliquée. Et Jean Doisy était vraiment un de ces grands résistants. Grâce aussi au travail de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault et puis de Didier Pasamonik qui fait aussi des recherches, qui en a fait beaucoup pour Spirou dans la tourmente de la Shoah, l’exposition au mémorial de la Shoah à Paris, on commence à ressortir des choses sur Jean Doisy et ce que j’aimerais bien c’est qu’on réussisse à faire avec Jean Doisy ce qu’on a un peu réussi à faire avec Madeleine, c’est à dire rendre, je ne vais pas dire cette gloire, mais cette connaissance de gens qui ont été très importants et qui finalement ont été un peu oubliés avec les années. Madeleine, elle a fait beaucoup de choses après. Mais c’est vrai que depuis les années 90, on en entendait moins parler. Et Jean Doisy on en n’entend plus parler depuis les années 50 mais si on réussit à faire revivre cet esprit là de la Résistance, c’est vachement fort surtout que c’était un communiste qui travaillait pour un journal catholique donc je trouve qu’il y a là une belle concordance des luttes et c’est beau.

Expo « Spirou dan la tourmente« Au Mémorial de la Shoah

Alors justement prenons le 4ème point du fameux code code « Un ami de Spirou est fidèle à Dieu et à son pays ». Or si la famille Dupuis, très catholique, accordait une grande importance à la religion, Jean Doisy, anticlérical, penchait plutôt du côté du communisme. Comment expliquez-vous ce paradoxe de la présence de Dieu dans le 4ème point ?

JDM : C’est le Dieu des Dupuis, de la famille Dupuis, je pense. Mais ce qui me plaît vachement dans cette phrase, je le cite de temps en temps, c’est justement être fidèle à son pays Il y a un mot qui a été confisqué beaucoup par l’extrême droite c’est le mot patriotisme. On le dit d’ailleurs. C’est M. Dupuis qui le dit dans la bande dessinée. Ce n’est pas pareil que nationalisme. Et en fait on peut être résistant et patriote. Même les communistes étaient patriotes. En tout cas en France, ils ont lutté pour la libération de la France. Ils n’ont pas lutté pour que Staline vienne envahir le pays. Eux c’étaient des patriotes mais ce n’étaient pas des nationalistes puisqu’il y avait l’internationale de l’autre côté. Donc ça c’est hyper important et j’aime beaucoup cette phrase et on l’utilisera bientôt dans un des albums parce que je trouve que ça en dit long sur la manière dont on voit aujourd’hui la guerre, puis l’extrême droite. Par exemple en France – c’est pas par hasard – elle a utilisé d’abord le front national qui était donc un groupe de résistance communiste, le Front National de la Libération, et puis qui après maintenant a pris le nom et ça c’est moins connu encore de rassemblement national et alors là le rassemblement national si on regarde sur Wikipédia et je vous y engage c’est carrément un parti nazi français de la seconde guerre mondiale avec très bizarrement comme logo une flamme bleu blanc rouge, la même que le rassemblement national de Marine le Pen et de Jordan Bardella. Et donc ils ne peuvent pas dire que c’est un hasard. Donc en fait quand on leur dit « vous êtes d’extrême droite » et qu’ils s’offusquent … à ce moment là , il ne faut pas prendre des trucs qui sont non seulement d’extrême droite mais vraiment nazis. Et donc je pense que tout ça c’est important de connaître cette histoire-là pour essayer de savoir même encore aujourd’hui, à qui on parle parce que si on sait ça, on peut leur parler autrement.

Alors justement. Madeleine, Elena, Simone, Jean Doisy … on sait à quel point le devoir de mémoire est important à vos yeux. N’avez-vous pas l’impression, au moyen de ce merveilleux medium qu’est la bd, de continuer l’œuvre de Jean Doisy en instruisant les générations d’aujourd’hui et les amenant à réfléchir sur les valeurs essentielles et établir ainsi leur propre code pour le présent et l’avenir.

JDM : Exactement. Je trouve que c’est important si ce n’est que moi, ça ne m’intéresse pas le devoir de mémoire : Je dis toujours que j’ai une envie de mémoire. Dès que c’est des devoirs, ça m’ennuie. Déjà à l’école je n’avais pas envie de faire mes devoirs donc je n’ai toujours pas envie. Si je le voyais comme un devoir, je ne le ferais pas. Je le vois comme une envie et je trouve que c’est hyper important et je suis fasciné par tous ces gens et majoritairement des filles d’ailleurs même si il y a quand même des garçons dans tout ça. Et c’est vrai que cette idée de Jean Doisy d’éduquer entre guillemets puisqu’éduquer ça peut aussi avoir une mauvaise image mais de donner des valeurs, d’essayer d’éveiller on va dire les gens à une certaine idée de la liberté, de l’entraide etc… à travers la bande dessinée – ça a été un des premiers à le faire – c’est magnifique, en fait. Moi, quand j’ai découvert ce personnage, ce n’est pas moi qui l’ai découvert, c’est Christelle et Bertrand mais quand ils m’en ont parlé, j’ai trouvé ça extraordinaire. Il y a plein d’histoires fabuleuses avec lui en plus donc oui, c’est très bien de continuer son combat et c’est en plus génial de le continuer dans le Journal de Spirou qu’il a créé donc on a là vraiment une filiation. On ne pouvait faire cette bd que chez Dupuis. Donc on est content qu’ils nous aient dit oui.

Cet album illustre un des points du code le premier or il y a neuf points dans le code. Combien d’albums ?

JDM : Ça dépend si vous l’achetez. Si vous l’achetez, il y en aura neuf. Voilà, c’est comme ça.

Donc vous avez prévu de faire un point par album ou plutôt un album par point.

JDM : Oui c’est exactement ce qu’on a prévu. En fait, on devait faire un one shot au début sur l’histoire de Jean Doisy. C’est notre directeur éditorial Stéphane qui a trouvé justement que l’histoire de ces enfants était fédératrice pour toutes les raisons dont on a parlé juste avant. Il me les a dites très expressément donc il y a exactement cette idée là de continuer le boulot de Jean Doisy. Il s’est dit « il y a neuf points du code donc essayons d’en faire neuf, ce sera super ! » Donc c’est drôlement bien surtout qu’on a retravaillé le code en le redessinant entièrement. J’ai récrit tous les gags qui avaient sans doute été écrits par Jijé mais en gardant les textes de Doisy. Maintenant, on est assez habitué au code donc ça va être bien, enfin j’espère que ça va être bien. Chaque album sera centré sur un point avec un acte de résistance puissant qui sera sur ce code-là mais chacun des enfants va aussi vivre des aventures différentes parce que ce qui m’intéresse c’est aussi de parler des parents, de parler des Allemands sur place donc de contextualiser tout ça de rentrer dans les familles : on a un assureur, on a des mineurs, on a des gens pauvres, des gens riches, donc on va pouvoir se promener…

Oui et de la même façon on va avoir des familles catholique, communiste, juive aussi avec le personnage de Miche. Justement en parlant de Miche, c’est un peu le pendant de Spirou. D’ailleurs son pseudo c’est Spirouette. Elle est rousse comme lui, elle travaille aussi à l’hôtel et sa tenue vestimentaire rappelle fortement celle du célèbre groom. C’est un peu une reprise féminine de Spirou. Pourquoi ce choix ?

JDM : Parce qu’en fait on a décidé que chacun des personnages comme on a dit tout à l’heure avait des héros préférés. Il prenait son nom pour pseudo dans le club des Amis de Spirou. On les a tous cherchés. Donc on a Tif, Tondu, Valhardi, Fantasio. On en a un qui est Spip aussi et qui s’appelle aussi Flup. Mais en fait, on se disait que ça serait bien quand même d’avoir un Spirou. Mais avoir un Spirou … il y en a plein. Donc une petite Spirouette, ça serait marrant. Je ne l’appelais pas Spirouette au début. Je l’appelais Spiroute dans le scénario mais ça fait un peu biroute (rires) donc on a bien fait de changer. C’est Christelle qui a trouvé Spirouette parce qu’elle en avait parlé avec quelqu’un, ce que je trouve absolument génial ! À mon avis, c’est la meilleure idée de l’album donc c’est dommage : ce n’est pas moi qui l’ai eue. Je trouve que c’était intéressant aussi d’en faire une enfant réfugiée, juive qui est adoptée par un républicain espagnol. On essaie de raconter mine de rien sans ennuyer les gens toute une période qui échappe peut-être à certaines personnes et donc sans être didactique, sans être ennuyeux. Je pense qu’on peut faire revivre tout ça. On aura les souvenirs du républicain espagnol …

Il y a un très très beau travail également sur la couleur qui retranscrit tout en douceur le passage d’une époque à l’autre. Le passage en 44 avec Jean Doisy, il y a la neige, qui est là, ce froid qui est là et l’emploi des couleurs froides qui accentue ce moment tragique. Je laisse la parole au coloriste pour nous en dire un peu plus.

BBK : Dans mon travail de mise en couleur, j’ai été surpris qu’on me contacte parce que David et Jean-David travaillaient déjà ensemble sur Simone et Irena et c’était un autre coloriste qui s’occupait de la mise en couleur. Quand les auteurs m’ont contacté pour cet album-ci, ils avaient en tête mon héritage on va dire Dupuis parce que c’est vrai que je travaille beaucoup pour Dupuis. J’ai d’autres séries à mon actif pour cette maison. Donc c’était l’histoire aussi de s’inscrire dans une certaine lignée, un code. On revient déjà aux codes qui sont instaurés dans les bd de Dupuis et après mon travail coulait de source au final. Je n’ai pas dû trop tordre ma manière de travailler et je me suis adapté au dessin et à l’atmosphère effectivement pour donner une singularité à chaque fois dans les pages, dans les séquences, dans les époques et ainsi coller à la réalité historique.

JDM : Et d’ailleurs je me souviens d’une des premières discussions, voire la première, qu’on avait eue avec Ben quand on s’est rencontrés où il se demandait s’il fallait qu’il fasse comme Walter qui était notre coloriste habituel, mais non. Justement, l’idée c’était de faire différent et donc c’est ça qui est bien. Si on travaille avec des gens différents c’est pour leur talent différent.

Est-ce que vous déjà donné des idées au départ ou est ce que vous avez dit « tu fais comme tu veux, on verra après« ?

JDM : Au départ, on a surtout retravaillé sur les trames narratives différentes. On avait discuté de mettre des trames etc… selon les moments. Dans la première version de l’album, il y avait plus de trames narratives encore. C’était un peu compliqué donc on l’a un peu allégé. La version qui est dans le Journal de Spirou n’est pas la même que dans l’album. C’est ça qui est rigolo. Par exemple, il y a des pages qui sont dans le journal de Spirou qui ne seront que dans le tome 2. Bref, on s’est bien amusé avec tout ça. Et c’est vrai aussi qu’en simplifiant un peu les trames narratives, on a gagné en clarté et finalement en fluidité. Grâce aux couleurs ça a été tout seul.

Dernière chose : j’aurais voulu savoir comment vous travaillez avec David Evrard . Est-ce que vous lui donnez un storyboard ou alors un scénario avec le découpage déjà prévu…

JDM : Moi j’écris tout, Je ne dessine rien. Mais j’écris chaque case, chaque texte et après David fait un storyboard. On en discute, on change plein de choses à tous les niveaux de toute façon. En plus parfois on change les dialogues jusqu’à la dernière heure avant d’envoyer le livre. Moi je pense qu’il faut toujours que l’on travaille sur les livres le plus longtemps possible jusqu’au dernier moment pour ne pas regretter. Mais celui-là, il est vraiment particulier parce que justement pour ces plusieurs versions qu’on a eues on a vraiment fait un montage et c’est la première fois que je faisais vraiment un montage sur un livre comme au cinéma où en fait on a réfléchi à comment intercaler telle ou telle scène pour pas en avoir trop au début un peu à la fin… C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à faire un épilogue qui n’était pas prévu au départ mais qui je trouve fonctionne très bien qui nous a permis d’avoir deux points de vue sur la même scène au même moment et de découvrir deux choses différentes qui me semblent intéressantes et assez fortes j’espère. Donc voilà c’était un vrai travail de montage. Ça ne nous était jamais arrivé et j’ai cru que je deviendrai fou à un moment mais je suis là donc ça va. (Rires)

Eh bien merci beaucoup à tous les deux !

Merci, partout, toujours !

Texte et photos de Francine VANHEE

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