Madeleine, Résistante T.1

1. La Rose dégoupillée
Scénario : Jean-David Morvan
Madeleine Riffaud
Dessin : Dominique Bertail
Éditeur : Dupuis
Collection Aire Libre
128 pages
Prix : 23,50 €
Parution : 20 Aout 2021
ISBN 9791034742752
Ce qu’en dit l’éditeur
La petite Madeleine Riffaud, née en 1924, vit heureuse avec son grand-père et ses parents instituteurs. Du moins jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale ne sépare la famille, envoyant Madeleine, atteinte de tuberculose, dans un sanatorium.
Sans doute le pire endroit possible pour que l’adolescente têtue réalise un projet fou et nécessaire : entrer dans la Résistance. Madeleine y parviendra pourtant, sous le nom de code Rainer.
Madeleine Riffaud, c’est une voix, une voix sortie de l’ombre, une voix qui nous happe et nous hante. C’est cette voix envoûtante de narratrice intarissable que l’on retrouve dans Madeleine, Résistante dont le premier opus La rose dégoupillée est paru chez Dupuis dans la collection Aire libre, scénario JD Morvan, illustration Dominique Bertail. Survivante multirécidiviste, devenue l’amie d’Eluard et Picasso, elle figure parmi les derniers témoins et acteurs de la libération de Paris et fut – à la fois ou tour à tour- résistante, poétesse, grand reporter.
De Madeleine à Rainer : la métamorphose
Cette fille d’instituteurs limousins, née le 23 août 1924 a grandi en Picardie, région encore très marquée par les stigmates de la guerre de 14.
«C’est là que je suis née… Entre deux cimetières de croix blanches… Sous un ciel de traîne… Sur un sol gorgé de cadavres et d’obus qui remontent encore quand ça les toque.»

Nous sommes en août 1931. La petite fille espiègle, passionnée de lecture est alors âgée de 7 ans. Son père, lui, se ressent encore des blessures reçues au combat. Survient alors un drame provoqué par l’explosion d’un obus qui la marquera à jamais et lui fera prendre la guerre en horreur.

Passant directement à juin 1939, nous retrouvons l’adolescente à la chasse avec son père. Sont évoquées également des vacances dans le Limousin. Vont suivre l’exode en ce beau mois de mai chanté par Aragon où elle va échapper une première fois à la mort, puis l’humiliation subie dans ce qui reste de la gare Amiens qui va l’amener à vouloir rejoindre la Résistance, la tuberculose qui la conduira au sanatorium de Saint-Hilaire-du-Touvet, sa rencontre avec Gagli, la montée à Paris.

L’album s’achève en 1942, date à laquelle ses premières missions de résistante lui sont confiées. Madeleine a tout juste 18 ans et elle ne s’appelle pas encore Rainer.
Moi, Madeleine Riffaud
Ce qui fait l’extrême puissance de ce récit à la première personne, c’est d’être un témoignage direct qui reprend les propos mêmes de cette femme d’exception. On retrouve à la lecture la voix entendue sur France Culture dans la série de dix émissions qui lui est consacrée «Madeleine Riffaud, la mémoire sauve » et on s’imagine face à elle dans son appartement parisien. On lit et on l’entend : on se prend son histoire poignante en pleine tête et en plein cœur.
Lui, Jean-David Morvan
Et puis, il y a l’extrême finesse et intelligence de la mise en scène, l’art de pratiquer l’ellipse du scénariste Jean-David Morvan. Les trois premières planches qui ouvrent l’ouvrage plantent le décor : double page panoramique sur le village, la petite Madeleine bouquinant dans son arbre, le grand-père paternel, ce barde tant aimé, et les roses … Puis moteur, on passe à l’action avec les évènements clés de l’enfance et de l’adolescence qui conduiront Madeleine à rejoindre la résistance sous le pseudonyme de Rainer.


Aérant et rythmant la narration viendront s’intercaler des poèmes de Madeleine.
Lui, Domique Bertail
Le récit est sublimé par l’illustration de Dominique Bertail. Le choix d’un gaufrier à trois bandes et de six cases maxi par page ainsi que les magnifiques planches panoramiques pleine page ou s’étalant sur une double page contribuent à la lisibilité de l’ensemble. Ses reconstitutions, son souci du détail sont traduits par un trait réaliste et de splendides aquarelles monochromes exploitant toutes les nuances et les profondeurs de bleu qui retranscrivent parfaitement les différentes atmosphères. Une mention toute particulière pour les planches consacrées à l’exode et aux scènes de nuit.

Ah le bleu … Après la période bleue de Picasso qu’évoque Madeleine, puis le bleu Yves Klein voici donc le bleu Bertail. Pourquoi ce choix ? Le dessinateur nous confie qu’il n’aurait pas pu raconter cela en couleurs et ce pour 2 raisons : La première étant que les couleurs de l’exode sous le soleil printanier et celles de l’insurrection parisienne sous un soleil estival entraient en totale contradiction avec le côté dramatique des évènements. La seconde est que les seuls documents couleur de l’époque étaient allemands. Pourquoi pas le noir et blanc alors ? Pour deux raisons également. Le bleu permet d’adoucir un peu le propos et la lumière créée par ce bleu si particulier rend le blanc très lumineux. De plus, c’est la seule couleur qui va jusqu’au noir dans ses tons les plus sombres.

Les cahiers
Cet album a tout d’abord été pré-publié entre juillet 2020 et juin 2021 sous la forme de trois cahiers venant enrichir la collection des cahiers Aire Libre.



Quelques appendices des cahiers vont se retrouver dans l’album : notamment en introduction une préface de Madeleine et en fin d’album une petite BD composée de quatre planches qui nous resitue le contexte d’élaboration et de réalisation du projet qui a vu le jour en 2017 et a donné naissance à une belle amitié et complicité entre Madeleine, Jean-David et Dominique tombés sous le charme de la voix de cette Shéhérazade des temps modernes et captivés par l’espièglerie, l’énergie et la solarité de celle qui va fêter ses 99 printemps en cette date ô combien symbolique du 23 août.


Si le magnifique portait ornant la couverture du premier cahier n’est pas bleue, c’est tout simplement parce qu’il n’est pas signé Dominique Bertail mais Picasso, excusez du peu. C’est le portrait que le peintre offrit à Madeleine pour ses 21 ans en 45. Il fut réalisé en novembre 44 pour servir de frontispice au recueil de poèmes de Madeleine «Le poing fermé» préfacé par Eluard.

À noter la brillante mise en abyme par Dominique Bertail qui s’appropriera le portrait qu’on retrouve en frontispice de notre ouvrage.


Précisons enfin que Dominique Bertail a également illustré la très belle affiche ainsi que différentes scènes du documentaire «Les 7 vies de Madeleine Riffaud» de Jorge Amat, grand ami de Madeleine lui aussi.

« Dis donc, Rainer … Tu vas enfin l’ouvrir ta gueule, oui ?
Cette année, ce sont les cinquante ans de la Libération, On doit raconter la vérité, dire comment ça s’est passé…
Si tu continues à la fermer, tous nos camarades morts à 17 ans, personne ne s’en souviendra. C’est ça que tu veux ?«
Raymond Aubrac, 1994
Une bd, ce n’est pas que pour les mômes. La «petite fille qui a abattu un officier allemand» a bien fait d’écouter Raymond Aubrac en 1994 au moment de la commémoration des 50 ans de la libération de Paris et d’«ouvrir enfin sa gueule». Son témoignage passionnant et bouleversant, admirablement recueilli et transmis par le tandem Morvan/Bertail, est essentiel.

Mais ce n’est que le début des aventures extraordinaires de Madeleine Riffaud … À suivre …
POUR ALLER PLUS LOIN
Deux expositions
Madeleine, Résistante
au CHRD deLyon
Du 2 février au 11 juin 2023
Le documentaire de Jorge Amat
Le podcast de « La mémoire sauve«
Vers le tome 2 …

Premier des 3 cahiers qui constitueront le second volume de Madeleine, Résistante intitulé « L’édredon rouge«
Le second cahier paraitra le mois prochain, histoire de patienter jusqu’à la sortie en aout de l’album « L’édredon rouge« .


Chroniques de 2 autres albums sur la Résistance scénarisés par JD Morvan

à venir …