WALTER APPLEDUCK T.1


Walter Appleduck T.1
Cow-boy Stagiaire

Walter Appleduck T.1
Cow-boy stagiaire
Scénario : Fabcaro
Dessin : Fabrice Erre
Couleurs : Sandrine Greff
Éditeur : Dupuis
64 pages
Prix : 12,95 €
Parution :  01 février 2019
ISBN 9791034736850

Ce qu’en dit l’éditeur

Walter Appleduck est un jeune homme cultivé, poli et bien éduqué qui fait un « master cowboy ».
Le shérif de Dirtyoldtown et son adjoint Billy ont accepté de le prendre en stage pour lui apprendre les rudiments du métier.
Les périodes de stage sont en général assez courtes, s’interrompant brutalement après le cours sur l’art du duel au pistolet. Mais Walter est bien décidé à s’accrocher et à apporter un peu d’humanité dans cette bourgade de ploucs. Sa tâche sera rude entre les évasions à répétition de Rascal Joe (qui revient à la prison parce qu’il a oublié son chapeau) et ses efforts pour aider Billy à draguer Miss Rigby (quand elle le traite d’« archétype du type rustre, macho, grossier et alcoolique aux idées dangereusement fascisantes », il croit qu’elle le drague).

UN DRÔLE DE WESTERN (ET UN WESTERN TRES DRÔLE)

Fabcaro, Fabrice Erre et la coloriste Sandrine Greff avaient déjà travaillé ensemble sur « Z comme Don Diego », jubilatoire parodie de la mythique série Zorro qui enchanta les mercredis après-midi de nombre d’entre nous.

Ils reprennent ici du service en revisitant les codes du western comme Salomone et Lupano dans « L’Homme qui n’aimait pas les armes à feu » ou les frères Maffre dans « Stern ». Pas une des scènes obligées ne manque à l’appel : l’attaque de la diligence, le duel, la poursuite d’un hors la loi, l’arrivée du télégraphe, les combats contre les indiens et même le sauvetage d’une demoiselle en détresse. On remarquera également des caméos de Lucky Luke et de Lee Van Cleef (Les Sept mercenaires) rebaptisé ici Olive Hank Cleef …

Mais cette série composée en deux tomes et prépubliée dans le journal « Spirou », prend le parti de pousser aussi graphiquement l’irréalisme et la parodie, contrairement à celles de Maffre et Lupano, grâce à des dessins tout en rondeur, une ligne élastique et des visages aux yeux globuleux et aux lèvres immenses. On perçoit ici, l’influence – revendiquée par Fabrice Erre- de Benito Jacovitti et de son héros jeunesse Cocco Bill. Les couleurs pastel, l’adjoint du shérif tout de rose vêtu, et les décors de cartons pâte inspirés par les maisons Playmobil soulignent d’ailleurs ce décalage.

Les auteurs déroulent une mécanique bien huilée : les chapitres font cinq pages et commencent chacun par une grande case de présentation. Chaque page se décompose en deux demi-pages se terminant chacune par une chute et il n’y a pas plus de six cases à chaque fois pour garder de la lisibilité.

On y trouve du comique de répétition et des running gags ( les évasions de Rascal Joe par exemple) et surtout de nombreux clins d’œil et anachronismes comme dans le film de Jean Yanne « Deux heures moins le quart avant Jésus Christ ». Ainsi, le Tipi du grand chef est rempli d’électroménager, un Mac Do côtoie le saloon et Billy danse le moonwalk. Les arrière-plans fourmillent de petits détails très drôles que l’enfant cherche avec plaisir à la relecture comme le pneu de la diligence crevé par une flèche indienne par exemple. Les deux auteurs jouent à fond la carte de l’absurde.

L’ensemble est plutôt frais et nettement moins caustique que les albums habituels de Fabcaro.

CANDIDE AU PAYS DES COWBOYS

Le personnage principal, Walter Appleduck,  est sympathique et candide : c’est un lettré de l’Est qui vient observer les mœurs de l’Ouest sauvage lors d’un stage d’immersion pour sa thèse qui traite non des chevaliers de l’an mille au lac de Paladru mais de : « l’Ouest américain et sa violence sous-jacente en tant que vecteur de valeurs fondatrices et outil de domination impérialiste dans un conflit ethno-culturel latent ». Il y a donc un grand écart culturel entre ces deux mondes et cela permet d’évoquer sur un ton léger la fracture sociale et la coexistence entre des personnes qui n’ont pas du tout les mêmes références.

Ainsi Walter découvre une « terra incognita » et se heurte aux valeurs de l’Ouest dans des leçons paradoxales dispensées par le shérif et Billy, son maître de stage, comme l’indiquent les titres de chacun des dix chapitres : « apprendre à ne pas vivre ensemble » (II), « un homme mort est un homme honnête » (III) ou « on est tous égaux sauf si on a une robe » (VI). En bon élève scrupuleux, il note ce qu’il apprend durant son mois de stage mais il essaye (peine perdue) de convaincre le shérif et Billy qu’une vision progressiste de l’existence est possible.

UN RÉCIT POLYSÉMIQUE

Les anachronismes n’ont pas comme seul but de faire rire : ils servent aussi à établir des passerelles avec le monde actuel et transforment ainsi la pochade en apologue et en satire. Fabcaro et Fabrice Erre pourraient faire leur l’adage de La Fontaine « en ces sortes de récits, il faut instruire et plaire » . Derrière l’humour, pointe ainsi la réflexion et la pédagogie : le dessinateur n’exerce-t-il pas en parallèle le métier d’enseignant ?

A travers certains thèmes qui parlent aux jeunes, les auteurs montrent les travers de notre société  : on trouve ainsi des pages hilarantes sur l’addiction aux nouvelles technologies, le langage SMS et les émojis ; la presse à scandale est également brocardée (à travers le magazine Cowzer on reconnait grâce à l’homonymie et la paronymie une critique d’un « Closer » à la sauce cowboy qui « cause » mais n’informe pas) et enfin la place de la femme et le plafond de verre sont également abordés à travers le personnage de Miss Rigby qui se présente aux élections.

Les lecteurs adultes pourront même percevoir dans l’album une critique de l’Amérique de Trump fondée sur la mythologie machiste du pionnier blanc prônant la peine de mort.

Mais un coup de griffe est également adressé à certains éditeurs (français cette fois !) au chapitre IX «  artiste, c’est un peu presque quasi comme un métier » qui reprend de façon absurde certains propos tenus sur la visibilité ou encore la rémunération et en soulignent ainsi l’irrecevabilité. Le trait et les couleurs choisies rappelleront alors non seulement « Cocco Bill » mais également « Les Simpson » et leur côté caustique ! On retrouve in fine la plume au vitriol du Fabcaro de « Zaï zaï, zaï, zaï» ou « Et si l’amour c’était aimer » mais aussi l’œil du docteur en histoire Fabrice Erre spécialiste de la presse satirique au XVIII et XIXe.

L’aventure se décline également dans un deuxième volet : « un cowboy dans la ville ». Cette fois, c’est Billy qui est placé dans le rôle du candide et permet de dénoncer les travers des mégalopoles. Diptyque à consommer sans modération !

POUR ALLER PLUS LOIN

Fabcaro au Musée de la bande dessinée Angoulême

Cliquez sur la photo pour découvrir l’expo

La chronique de Moon River

Cliquez sur la couverture de l’album

Chronique d’Anne-Laure GHENO

(Bd Otaku)


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